Les titres de la presse libanaise reviennent très largement lundi sur la conférence de presse du président français Emmanuel Macron, qui a fustigé dimanche la "trahison" de la classe politique, au lendemain de l'échec d'une tentative de former un gouvernement, et s'en est pris durement au Hezbollah.
Après le renoncement du Premier ministre désigné Moustapha Adib, dont la mission de former le gouvernement a été entravée par les revendications du Hezbollah et d'Amal qui réclamaient le portefeuille des Finances, le Liban se retrouve sans la moindre perspective de sortie de crise. Le 1er septembre dernier, les partis politiques s'étaient engagés auprès de M. Macron, venu à Beyrouth, à former un cabinet de ministres "compétents" et "indépendants" dans un délai de deux semaines, condition pour l'envoi d'aide internationale nécessaire au redressement du pays. Dimanche soir, le chef d'État français a "pris acte de la trahison collective" des partis libanais qui, selon lui, "portent l'entière responsabilité" de cet échec.
"L'inconnu après Adib et Macron ; au Hezbollah : où prenez-vous les chiites ?", titre le quotidien de référence an-Nahar dans son édition du jour. "La colère extrême exprimée par Emmanuel Macron au lendemain de la récusation de Moustapha Adib n'était pas du tout une surprise. Mais le développement le plus saillant et vraiment surprenant, c'est la violente charge collective contre les leaders et responsables politiques libanais", écrit le quotidien. "Il a exprimé ce que l'on peut considérer comme la plus forte attaque contre le tandem chiite, auquel il a fait porter l'échec de la mission Adib, et plus particulièrement au Hezbollah, lui posant pour la première fois une question d'une grande acuité : 'Où emmenez-vous les chiites du Liban ?'", poursuit le quotidien, qui estime que "l'émergence d'une nouvelle entente sur la désignation d'un nouveau Premier ministre est confrontée à une grande difficulté".
Ne pas "couper le fil"
Pour le quotidien al-Joumhouria, "la récusation d'Adib renforce l'initiative française". "Au cours de sa conférence de presse, Emmanuel Macron a redonné espoir en un sauvetage du Liban qui aurait pu s'effondrer avec la récusation d'Adib, donnant entre quatre à six semaines aux responsables libanais pour former un gouvernement", écrit le journal. Concernant les attaques du président français contre le Hezbollah et son allié le mouvement Amal, le quotidien cite des milieux politiques de la majorité au pouvoir qui considèrent que ces attaques "ne sont pas justes et sont déséquilibrées en ce qui concerne les responsabilités de chacun", notant que le président français avait pris soin de ne pas "couper le fil" avec le Hezbollah et Nabih Berry. Concernant le délai de quatre à six semaines, ces milieux estiment que ce délai "n'est pas sans rapport avec le rendez-vous de la présidentielle américaine" qui doit avoir lieu le 3 novembre prochain.
"Macron brandit son initiative et nomme ceux qui font obstacle... Nouvelle chance pour le gouvernement de 'mission' ou alors changement de l'équation", écrit de son côté le site d'information du parti joumblattiste al-Anbaa. "Les propos critiquant ceux qui se sont appropriés le pouvoir de décision en noyant le pays dans les conflits extérieurs et les petites vengeances internes ne peuvent être que bons", peut-on lire dans un article dans lequel sont citées des sources proches du patron d'Amal qui expliquent que Nabih Berry "fera ce qu'il a à faire pour arrondir les angles et sortir de l'impasse en coopération avec les responsables libanais".
Guide de la République libanaise
"Après Moustapha Adib, le président français se récuse : Macron rejoint Washington et Riyad", titre de son côté le quotidien al-Akhbar, proche du Hezbollah. "Moustapha Adib s'est récusé samedi. Le lendemain, le président français lui a emboîté le pas. La raison n'est pas tant l'insistance du tandem chiite à nommer le ministre des Finances, que celle des États-Unis à sortir le Hezbollah du gouvernement. Cet obstacle peut persister longtemps avant d'être résolu", écrit le quotidien, avant de poursuivre : "Macron s'est excusé pour son incapacité à faire réussir son initiative, dont il a prolongé le délai. Son discours libanais, d'une grande impolitesse jusqu'à s'autoproclamer guide de la République libanaise, l'emmène encore plus près du discours américano-saoudien sur le Liban et ses problèmes. Ce discours peut être résumé en une phrase : Je n'ai rien à voir avec l'échec de mon initiative". Le quotidien cite enfin des sources du 8 Mars qui affirment que c'est le président français qui a trahi son engagement en faveur de la formation d'un "gouvernement d'entente nationale".
Dans ce contexte, le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, devra s'exprimer mardi soir à partir de 20h30 dans une allocution télévisée attendue après les déclarations du président français.
Comparaison n'est pas raison mais osons. Pour l'anecdote mais histoire vraie, il y a longtemps, un ami étudiant en médecine m'a raconté que pendant un stage en urgence, ils ont accueilli un clochard souffrant. Ils lui ont demandé de prendre une douche pour se nettoyer afin qu'ils puissent bien examiner son état. Celui-ci a pris un savon et est parti dans les douches. Il est revenu 5 minutes plus tard, les cheveux mouillés, le savon entamé mais aussi sale qu'avant. A la question mais pourquoi vous avez feint de prendre une douche? Il a répondu, je suis sale depuis tellement longtemps que j'ai peur de devenir propre. Comprends qui peut.
21 h 53, le 28 septembre 2020