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Nos Lecteurs ont la Parole

Elle a mal, la terre

Je peins dans ce pays où les hommes tuent.

Ma mémoire se ferme

je la sais vagabonde,

résignant ma pensée

je lui refais un monde,

rien n’oblige mes doigts

d’en supporter la vue.

Parmi mes mots choisis,

au-dessus des courbes d’incertitude,

Au-delà des souffrances…

Liban, voici les hommes buveurs d’écrans et le sang injuste.

De fer en fer, de larmes en larmes,

l’oiseau tourne, le temps s’allonge.

Entre mes cils, une moitié de jour, l’haleine d’un cèdre, le silence qui mord.

Voici des hommes architectes de ruines, insectes fous, funambules masqués, peuple de simulacres, béquilles d’ignorance.

Pile et face, figures dévoyées, rassemblées dans l’opéra de leurs dieux inconnus.

Ces maîtres d’œuvre assis sur des graviers de sang, où périssent des noms dans l’abîme des tombes.

Vous petits rois déchus, hommes pourpres, déchirez vos gants rouges pour mieux ronger vos ongles !

Que de déchirures dans l’étoffe du ciel.

Que de mondes contraires sur le ventre des siècles.

Que de climats aux horaires des patries.

Que d’hommes aux barrières des nuages.

Que d’hommes aux fenêtres des couleurs inventées.

Il n’est plus de paroles terre d’ombre, il n’est plus d’élixir pour raviver ta peau.

Comme une herbe qui pique, tu perces tes blessures, tu composes tes baumes.

Liban, poitrine solaire, ta terre flambe, elle brûle… et je reste sans mots.

Pays vertige, tes lieux sont défaits, l’image est saisissante, où vas-tu ?

Ce soir, tu es d’acier et j’ai froid au soleil.

J’avale le vertige.

Je t’écris aujourd’hui, mon pinceau frissonne dans le jardin des mots.

En quinze années de guerre, j’ai assumé l’angoisse dans la couleur de mes toiles.

Et ce 4 août 2020, des corps s’enflamment à la face du ciel.

Ma part de souffrance débusque celle de tout un peuple.

D’un Liban entier couturé de cicatrices.

Nos corps portent l’empreinte de l’histoire complice liée à l’océan des mensonges.

Est-il un seul homme qui sache sous le vent que mon souffle enchanté au versant de son âge protège un pinceau libre dans un monde de fer ?

Sait-il que je garde l’espoir dans l’aquarelle d’un pays aux bras pleins de soleil ?

Je t’aime en solitaire dans la lumière pure, comme si l’enchantement n’eut été que pour moi.

Tu es mon seul témoin, mon rayon magnétique.

Pour que tu sois naissance, il suffit qu’on existe.

Je sais t’aimer de fleur en fleur, de griffe en griffe, je protège l’oiseau, je tisse son nid d’un trèfle, d’un rameau, d’une larme d’étoile…


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Je peins dans ce pays où les hommes tuent.Ma mémoire se fermeje la sais vagabonde,résignant ma pensée je lui refais un monde,rien n’oblige mes doigtsd’en supporter la vue.Parmi mes mots choisis,au-dessus des courbes d’incertitude,Au-delà des souffrances…Liban, voici les hommes buveurs d’écrans et le sang injuste.De fer en fer, de larmes en larmes,l’oiseau tourne, le temps...

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