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Économie - Crise

Ce que propose le plan de relance présenté par le ministère de l’Économie

Bien qu’exhaustive sur certains points, cette stratégie qui s’inscrit dans le prolongement du plan de redressement de l’exécutif reste lacunaire.

Ce que propose le plan de relance présenté par le ministère de l’Économie

Une rue de Beyrouth relativement épargnée par le souffle des explosions survenues le 4 août dernier. Photo P.H.B.

Si la classe politique se révèle une fois de plus incapable de former rapidement un gouvernement compétent, les plans ambitionnant de remettre le pays dans le bon sens se multiplient depuis mars, époque à laquelle le Liban a fait défaut sur la portion de dette publique souscrite en dollars.

Le dernier en date a été publié le 15 septembre par le ministère de l’Économie et du Commerce et mis en ligne au courant de la semaine sur son site, comme l’a annoncé vendredi le ministre sortant Raoul Nehmé. Intitulé Plan économique du gouvernement libanais et presque exclusivement axé sur la transformation de l’économie vers un modèle plus compétitif, il s’inscrit dans la continuité du plan de redressement élaboré en mai par l’exécutif et essentiellement focalisé sur le traitement des pertes financières du pays (État, banques et Banque du Liban).

Selon le communiqué du ministre, le plan a été élaboré avec le « soutien » des programmes Lebanon Economic Reform and Infrastructure Investment Program (LERII, mis en œuvre par la société DAI pour le compte de l’ambassade du Royaume-Uni au Liban) et TAF (Technical Assistance Facility, lancé dans le sillage de la conférence de Paris d’avril 2018 et financé par l’Union européenne). Les auteurs du plan ont notamment emprunté des éléments au rapport commandé par le gouvernement libanais en 2018 au cabinet McKinsey pour la diversification sectorielle de l’économie, ainsi que les réformes identifiées lors de la conférence de Paris, dont l’enveloppe de plus de 11 milliards de dollars qui n’a toujours pas été débloquée, faute de réformes, devait financer la réhabilitation des infrastructures. S’ils l’ont conçue pour être lancée sans attendre, les auteurs de cette stratégie prévoient néanmoins qu’elle soit mise à jour chaque année, dès 2021.

Mécanisme de suivi
Le plan ne comporte par ailleurs aucun objectif de croissance, alors que le PIB libanais, déjà en baisse de 6,7 % en 2019 selon l’Administration centrale de la statistique, devrait se contracter encore plus en 2020. Le plan de redressement financier tablait sur un retour de la croissance en 2022 (+1,6 %). Au niveau des données rarement mises en avant, le rapport souligne par exemple que le chiffre d’affaires « réel » des entreprises du pays a diminué de 11,1 % par an sur les trois dernières années, pour un nombre d’emploi en recul de 3,6 % annuels sur la même période, selon les chiffres du ministère de l’Économie. Il met également en exergue le fait qu’un tiers des entreprises du pays ont temporairement réduit les salaires de leurs employés de 40 % en moyenne, contre un autre tiers qui a réduit son nombre de salariés de 60 % en moyenne et 12 % qui ont suspendu leurs opérations.

Commentaire

Comment éviter les effets pervers des politiques de relance

S’il ne fixe pas d’objectif chiffré, le plan propose néanmoins la mise en place d’un calendrier indicatif de mise en œuvre des réformes (avec des périodes allant de moins de trois mois à 36 mois) ainsi que d’un mécanisme de suivi au cœur duquel sera constitué un comité ministériel dirigé par le Premier ministre ou le vice-Premier ministre. Cette instance sera composée de représentants des ministères de l’Agriculture, de l’Économie, de l’Industrie, des Finances, de la Justice et des Télécoms. Le Conseil économique et social siégera également dans cette commission aux côtés des Organismes économiques, l’organisation patronale actuellement dirigée par l’ancien ministre des Télécoms Mohammad Choucair. La commission sera en contact avec la Banque mondiale ou encore la société civile. Les Chambres de commerce et d’industrie et l’Autorité de développement des investissements au Liban (IDAL) auront aussi un rôle à jouer.

L’environnement des affaires
Bien que nouveau, ce plan de relance est construit autour d’un postulat maintes fois répété ces dernières années : faire passer le modèle libanais d’une économie de rente, entretenue par des taux d’intérêt élevés, à une économie productive en améliorant son environnement des affaires, dans un contexte de crise aiguë – en comptant le Covid-19 et la catastrophe du 4 août – qui a laissé l’État sans levier budgétaire pour intervenir. La présence de 1,3 million de réfugiés syriens et leur impact sur les ressources et les infrastructures du pays figurent également parmi les paramètres cités.

Les auteurs partent du constat que pour se reconstruire, le Liban ne peut compter pour que sur ses ressources humaines, l’appui d’investisseurs locaux et internationaux (organisations et diaspora), les financements issus du Fonds monétaire international, des donateurs de la conférence de Paris ainsi que d’autres instances internationales prêtes à mettre la main à la poche. Autant d’acteurs dont il faudra regagner la confiance, celle-ci étant minée par l’effondrement de la livre libanaise, les restrictions bancaires illégales ou encore la corruption endémique qui touche aussi bien la fonction publique que le secteur privé.

C’est dans cette optique qu’une importante partie se consacre à l’amélioration de l’environnement des affaires (une dizaine de pages sur les 53 que compte la stratégie), qui tente de balayer tous les aspects de la problématique : faciliter la création d’entreprise, adapter la politique monétaire, créer des zones économiques spécialisées, développer les paiements en ligne et le commerce électronique, moderniser le code de commerce, etc.

Un des objectifs majeurs de ce volet est sans surprise de doper les exportations du pays en misant sur ses avantages comparatifs en redirigeant les investissements vers les secteurs qui ont « le plus fort potentiel de croissance ». Les auteurs du plan ont d’ailleurs joint en annexe un tableau récapitulatif des produits que le Liban a le plus exportés en 2019, classés en fonction de leur valeur et avec à chaque fois les principaux marchés où ces produits sont expédiés. Les auteurs du plan appellent aussi à renégocier certains traités commerciaux conclus par le Liban de manière à favoriser davantage les exportations, mais sans se risquer à identifier lesquels devraient être remis en question en priorité.

Le volet social
C’est d’abord au niveau social que ce plan de relance se montre innovant, avec en point d’orgue la mise en œuvre d’un programme global de compensation (Borad Coverage Compensation Program) pour les résidents libanais. Ce dispositif aura vocation à remplacer les systèmes de subventions actuels mis en place par plusieurs circulaires de la BDL (n° 530 sur les importations stratégiques, par exemple) et financés à partir de ses réserves en devises de plus en plus rares. Il bénéficierait ainsi à tous les résidents libanais qui recevront une aide financière calculée en fonction de plusieurs paramètres favorisant l’équité de la mesure (certaines exclusions touchant les ménages les plus favorisés seront prévues).

Ces montants permettront à leurs bénéficiaires de maintenir dans une certaine mesure leur pouvoir d’achat, tandis que les prix seront fixés en fonction du marché. Les Libanais non résidents et les étrangers ne devraient pas bénéficier de ce programme, pas plus que les réfugiés qui ne pourront compter que sur l’aide internationale. Enfin, la couverture de ce programme se réduira au fur et à mesure que l’économie se redressera. Sur le fond, ce dispositif s’apparente finalement à un système de revenu universel, une idée qui avait été effleurée dans la liste des pistes alternatives au plan de redressement du gouvernement publié en mai par l’Association des banques.

Dans un autre registre, le plan consacre quelques lignes à la nécessité de privilégier l’égalité des sexes en matière d’emploi et de salaires. Il occulte cependant la question du salaire minimum, fixé à 650 000 livres depuis 2012, et renvoie sommairement un certain nombre de problématiques au volet consacré à la réforme du droit du travail.

Traiter l’urgence
Avant de s’attaquer aux réformes de fond, les auteurs du plan ont cependant rappelé la nécessité de traiter, avec le soutien de l’aide internationale, l’urgence liée à la catastrophe qui a frappé Beyrouth et son port le 4 août. Ils estiment ainsi que dans cette optique, les efforts doivent se concentrer en priorité sur la préservation des chaînes d’approvisionnement et des espaces de stockage ; la reconstruction du port ; la reconstitution du « réseau économique » comprenant les entreprises de toutes catégories affectées par le désastre ; et enfin, la mise sur pied d’une stratégie de prévention et de gestion des risques de catastrophes.

Au niveau des chantiers à plus long terme déjà identifiés par le passé, le plan énumère une série de réformes regroupées en thèmes. La mise en œuvre rapide d’une partie d’entre elles a d’ailleurs été au centre de la feuille de route imposée par la France, lors du passage du président Emmanuel Macron début septembre. Ainsi l’adoption d’une loi sur l’indépendance de la justice et la mise en œuvre effective de la stratégie nationale de lutte contre la corruption votée par le Parlement libanais le 12 mai sont les réformes devant contribuer à améliorer la transparence dans le pays.

L’adoption d’une nouvelle loi sur la concurrence, le renforcement des capacités d’IDAL (l’Autorité de développement des investissements au Liban) ou encore la création de zones économiques spécialisées font partie des axes devant doper les investissements. Sans surprise, les réformes de l’électricité, des télécoms, des transports et des douanes composent le volet infrastructures, tandis que celui de l’emploi intègre la refonte du code de travail et le développement de centres de formation professionnelle, pour adapter la demande à l’offre disponible. Le plan oublie néanmoins de se pencher sur la réforme du secteur de l’eau dans le pays, une ressource naturelle pourtant beaucoup plus abondante sur le territoire libanais que dans le reste du Moyen-Orient et qui est très mal gérée, comme l’a souligné la Banque mondiale à plusieurs reprises.



Si la classe politique se révèle une fois de plus incapable de former rapidement un gouvernement compétent, les plans ambitionnant de remettre le pays dans le bon sens se multiplient depuis mars, époque à laquelle le Liban a fait défaut sur la portion de dette publique souscrite en dollars.Le dernier en date a été publié le 15 septembre par le ministère de l’Économie et du Commerce...

commentaires (4)

Quand on est atteint du cancer, étape 3 aux abords de l'étape 4, on ne devient porductif qu'après l'avoir guéri. Il ne faut pas se faire d'illusions. Un plan reste un plan tant que les conditions pour l'exécuter et l'appliquer ne sont pas présentes. La présence du hezb, sous sa forme actuelle et avec ses acolytes, ne permet l'application d'aucun plan de sauvetage. Alors, entretemps, économisons énergie, encre et papier!

Wlek Sanferlou

14 h 29, le 21 septembre 2020

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Commentaires (4)

  • Quand on est atteint du cancer, étape 3 aux abords de l'étape 4, on ne devient porductif qu'après l'avoir guéri. Il ne faut pas se faire d'illusions. Un plan reste un plan tant que les conditions pour l'exécuter et l'appliquer ne sont pas présentes. La présence du hezb, sous sa forme actuelle et avec ses acolytes, ne permet l'application d'aucun plan de sauvetage. Alors, entretemps, économisons énergie, encre et papier!

    Wlek Sanferlou

    14 h 29, le 21 septembre 2020

  • Pas de plan qui soit , sur fond de vols , de crimes financiers, d’impunité totale des faussaires.... C’est un exercice mental pour pour prouver qu’ils existent, sans valeur aucune sur le terrain... Crime du port Crime du fuel Crime de l’électricité Crime du pétrole Crime des fuites Organisées vers la Syrie de biens subventionnés Crime des projets publics, Solidere, Sukleen, etc... Crimes..... Sans demander des comptes aux responsables de la catastrophe pas la peine d’aller de l’avant...Ce serait leur faire cadeau de tous ce qu’ils ont pillé....

    LeRougeEtLeNoir

    14 h 21, le 21 septembre 2020

  • Tout ceci explique l’entêtement du HB à accepter toutes les propositions qu’on leur a faites. Ils savent que le Liban peut se relever plus vite que le temps qu’ils ont mis pour le détruire et veulent absolument empêcher que cela arrive. On peut dire que tous les projets de ce plan reposent sur deux choses indissociables, la stabilité et la sécurité du pays. Or qui tient ces deux pôles et refuse toute négociation prétendant leur exclusion pour maintenir notre tête et celle du pays sous l’eau grâce à leurs armes? Que ce soit la diaspora, les investisseurs ou les pays aidants aucun de ses partenaires de reconstructions ne sont disposés à engager le moindre centime tant qu’il y a deux états dans un même et des armes pour imposer menacer la sécurité du pays et son économie et HB Berry et Gibran et à leur tête Aoun, le savent très bien. Alors ils traînent les pattes et continuent à trouver des excuses pour tout bloquer. Le pire c’est que tous les acteurs de cette crise le savent et continuent à les laisser faire. on se demande pourquoi.

    Sissi zayyat

    13 h 38, le 21 septembre 2020

  • Du bla bla. Transformer l’économie en économie productive veut dire investir dans des secteurs productifs au Liban ! Il faut être fou pour investir dans un État de non droit, gouverné par des corrompus et voleurs, dirigé par des gangsters et sous la menace continue d’une guerre interne ou externe.

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 32, le 21 septembre 2020

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