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Société - Rentrée scolaire

Manuels d’occasion et troc en ligne : face à la crise, les parents d’élèves s’organisent

Livres et fournitures sont désormais hors de prix à cause de l’inflation. Face à cette situation, nombreux sont ceux qui n’achètent plus que le strict nécessaire à leurs enfants.

Manuels d’occasion et troc en ligne : face à la crise, les parents d’élèves s’organisent

Cette année, les parents essaient de faire des économies au niveau des fournitures scolaires. Photo Z.A.

Dans une librairie du quartier d’Achrafieh, à Beyrouth, une mère accompagnée de ses deux enfants cherche le rayon des cahiers de fabrication locale. Alors qu’elle achetait auparavant des cahiers importés à ses enfants, elle essaie désormais de faire des économies. Et pour cause, la rentrée s’annonce particulièrement difficile cette année. À la pandémie de Covid-19, qui impose dans un premier temps des cours en ligne s’ajoutent les effets de la crise économique que subit le Liban depuis plus d’un an. « Les prix sont hallucinants. Si je ne trouve pas de cahiers à des prix abordables, mes enfants utiliseront les cahiers de l’année passée », assure cette quadragénaire, sous le couvert de l’anonymat.

En ce qui concerne les manuels scolaires, cette mère de famille dont les enfants sont scolarisés dans un établissement réputé de la capitale n’a acheté que des livres d’occasion. « Malheureusement, je n’ai pas pu trouver une version usagée du livre d’anglais. J’ai dû le payer 160 000 LL », soupire-t-elle. La dépréciation violente de la livre libanaise conjuguée à une inflation record font flamber les prix, dont ceux des fournitures. Hier, le dollar était à 7 600 livres, selon le site Lebaneselira.org.

Devant le rayon des stylos, son fils, âgé d’une dizaine d’années, regarde les articles avec envie, mais il devra se contenter cette année du moins cher. « Certains stylos coûtent 90 000 LL, déplore la mère de famille. J’ai imposé un plafond à mes enfants, nous n’achèterons que le strict nécessaire. Ils sont assez grands pour comprendre la difficulté de la situation », ajoute-t-elle.

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Tony Deaige, propriétaire de la librairie, est lourdement affecté par la situation. Son chiffre d’affaires a dramatiquement baissé cette année, les parents préférant acheter des livres usagés ou effectuer du troc entre eux. « Les livres neufs sont chers cette année. À la suite d’une décision prise dernièrement par les autorités, nous appliquons le taux de 3 000 LL pour un dollar pour les manuels libanais. Pour les manuels européens, le taux est de 3 950 LL. Les livres d’anglais sont vendus au taux de 4 200 LL pour un dollar », explique-t-il. Quant aux fournitures scolaires, leurs prix ont été multiplié par 3. « L’an dernier, je vendais le stylo à bille à 250 LL. Maintenant, il est facturé à 2 000 LL. Certains cahiers sont passés de 6 000 LL à 32 000 LL », soupire M. Deaige.

Naji Asmar, gérant du rayon papeterie de la librairie La Trousse, à Hadeth, essaie de vendre ses fournitures à des prix « raisonnables », dans la mesure du possible. « Je n’achète plus de produits chers, explique-t-il. Certes, les prix ne sont pas les mêmes que l’année passée. Mais j’essaie de faire en sorte que ça ne dépasse pas le double ou le triple des autres années, malgré l’inflation. Je fais moins de profits, mais je ne veux pas perdre ma clientèle », assure-t-il.


Nombreux sont ceux qui privilégient désormais les manuels scolaires d’occasion. Photo Z.A.


Troquer des manuels en ligne

Carine Chaanine, 40 ans, mère de deux enfants en CM2 et 5e scolarisés dans une école catholique du Kesrouan, n’a, elle aussi, acheté que le strict nécessaire avant la rentrée. « Mon fils se plaignait du fait que ses feuilles tombaient en permanence de son classeur. Il a réclamé un classeur avec fermeture éclair. Une fois arrivés à la caisse, il s’est avéré qu’il coûtait 65 000 LL. Alors nous ne l’avons pas acheté, c’est un prix trop élevé pour un classeur. Je lui ai demandé d’apprendre à bien ranger ses feuilles, tout simplement », raconte la mère de famille à L’Orient-Le Jour. « Pour le moment, je recycle les cahiers de l’an dernier. Surtout que les cours se feront en ligne les premiers mois », ajoute-t-elle.

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Concernant les manuels scolaires, Carine a opté cette année pour le troc ainsi que pour l’achat de livres d’occasion, tout comme de nombreux parents d’élèves confrontés à la crise économique. « Nous avons organisé une vaste campagne de troc, grâce à une initiative du comité des parents d’élèves. Nous avons créé des groupes d’échange de livres sur les réseaux sociaux », raconte-t-elle. Depuis l’annonce de la rentrée des classes, de nombreux parents ont décidé de se serrer les coudes et ont organisé de vastes réseaux d’échange sur les réseaux sociaux, pour ne pas se ruiner lors de l’achat des manuels scolaires. Ainsi, des groupes de vente et de troc, par établissements scolaires ou par régions, ont vu le jour sur Facebook ou WhatsApp. Sur ces groupes, les parents d’élèves n’hésitent pas à se venir en aide ou à donner des conseils. « Certains offrent gratuitement les manuels de leurs enfants. D’autres vendent et achètent des livres usagés à des prix moins chers qu’en librairie. Ma facture aurait dû s’élever à 1 700 000 LL. En achetant des livres d’occasion, j’ai finalement déboursé 600 000 LL en tout », assure Carine Chaanine. Face à cet appétit pour les livres d’occasion, les libraires tentent de s’adapter. « Nous avons pris la décision d’acheter et de vendre les livres usagés au taux de 1500 LL pour un dollar, indique Hadi Asmar, responsable de la vente de manuels scolaires de la librairie La Trousse, à Hadeth. Quant aux livres neufs, nous calculons le dollar à 3 000 LL et l’euro à 5 000 LL. Avant la crise, un euro équivalait à 1 800 LL », souligne-t-il. « La vente des livres scolaires a changé cette année. Les parents d’élèves veulent des livres usagés à tout prix », ajoute le libraire.

Les établissements scolaires réagissent

Face à la crise et à la dévaluation de la monnaie nationale, l’établissement où sont scolarisés les enfants de Carine a été très « compréhensif ». « On nous a annoncé que la direction sera moins stricte concernant le port du costume. Les parents ne sont pas obligés d’acheter un costume de rechange si le premier doit être lavé, les enfants pourront venir par moments en tee-shirt blanc et jeans », explique Carine. Pour les cours en ligne, l’école a instauré deux horaires, pour éviter que les parents n’achètent deux ordinateurs. « Ils essaient de faire en sorte qu’il n’y ait rien à imprimer, pour éviter des coûts supplémentaires pour les parents », indique-t-elle.

Si cette école tente de soutenir les parents d’élèves par tous les moyens, ce n’est pas le cas de l’établissement réputé où le fils de Lina est scolarisé à Beyrouth. « Mon fils passe en 4e, mais l’école ne nous a été d’aucun secours. L’établissement n’a pas facilité les échanges de livres, comme cela se faisait d’habitude, pour cause de Covid-19, alors qu’il organisait un marché du livre chaque année, déplore Lina, qui essaie d’acheter des manuels usagés, pour faire quelques économies. On nous a juste communiqué la liste des livres. L’école nous a dit qu’ils existaient en version numérique, mais n’a même pas pris la peine de nous indiquer sur quelles plateformes on pouvait les télécharger », regrette-t-elle.

Dans une librairie du quartier d’Achrafieh, à Beyrouth, une mère accompagnée de ses deux enfants cherche le rayon des cahiers de fabrication locale. Alors qu’elle achetait auparavant des cahiers importés à ses enfants, elle essaie désormais de faire des économies. Et pour cause, la rentrée s’annonce particulièrement difficile cette année. À la pandémie de Covid-19, qui impose...

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