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Société - Contrôle des capitaux

Les virements aux comptes des étudiants à l’étranger se raréfient

L’Association des parents dont les enfants poursuivent leurs études à l’étranger organise ce matin à 10h30 un sit-in devant le palais de l’Unesco pour appeler à faire adopter une loi sur « le dollar étudiant ».

Les virements aux comptes des étudiants à l’étranger se raréfient

Des clients faisant la queue devant la succursale d’une banque. Mohammad Azakir/Reuters

Les mesures imposées par la plupart des banques aux clients désirant transférer des montants à leurs enfants qui étudient à l’étranger ne sont plus des restrictions. Désormais, on en est à la quasi-suppression de la possibilité pour les parents de faire parvenir à leurs enfants des sommes couvrant leurs frais d’enseignement, de logement et de vie. Le robinet qui ne coule qu’au compte-gouttes depuis bientôt un an est quasiment asséché, malgré une circulaire publiée par la Banque du Liban (BDL), il y a près d’un mois, permettant aux titulaires de comptes de virer certaines sommes pour financer ces frais d’études et de séjour. À la merci des établissements bancaires qui décident de manière discrétionnaire de donner ou non suite à leurs requêtes, les parents sont assaillis par la colère et le désarroi face à leurs difficultés de subvenir dans ces conditions aux besoins de leurs enfants partis pour parachever leur formation académique.

Déjà qu’en l’absence d’une loi sur le contrôle des capitaux, la circulaire de la BDL pèche par son illégalité. Elle plafonne le transfert à un montant annuel de 10 000 dollars maximum ou son équivalent en une autre monnaie pour tout étudiant inscrit avant octobre 2019 dans un établissement universitaire à l’étranger. Outre la fixation de cette somme considérée comme insuffisante pour joindre les deux bouts, la circulaire ne bénéficie pas aux universitaires qui ont décidé de partir cette année ni aux écoliers dont les parents désirent leur faire quitter le pays dans un contexte politico-économique des plus désastreux. En tout état de cause, même les anciens étudiants bénéficiaires de la circulaire s’en trouvent désormais privés, bien que, fait rare, une grande banque de la place a donné hier son accord pour qu’un père fasse un virement à ses trois enfants installés à l’étranger. Outre un tel cas devenu exceptionnel, c’est plus que jamais la galère pour les parents. D’aucuns n’ont plus pu exécuter des transferts depuis deux mois, d’autres ont été avisés durant le mois courant que c’est bien la dernière fois qu’ils pourraient le faire. Certains ont bien voulu témoigner, mais la plupart sous couvert d’anonymat. Signe qu’ils craignent de voir les banques dont ils sont clients adopter des mesures encore plus draconiennes à leur encontre.

Clôture de compte

Des craintes justifiées, puisque Marianne, 45 ans, a vu son compte clôturé parce qu’elle avait probablement trop insisté pour transmettre de l’argent à ses deux enfants. À Paris depuis quatre ans, l’aîné fait actuellement un master en économie de l’environnement et de l’énergie. « Ne pouvant plus rester sur le campus universitaire comme lors de ses années de licence, mon fils a dû s’installer dans un studio. À partir de juillet dernier, nous avons donc demandé à la banque de transférer le loyer au propriétaire, mais en vain. » Le jeune homme a donc saisi la possibilité de contracter un prêt auprès d’une banque française, prêt qu’il devra commencer à rembourser lorsqu’il trouvera un emploi. Le problème est encore plus crucial pour sa sœur Raya, en 2e année d’école hôtelière, en Espagne. « L’année dernière, nous avons pu faire des transferts, mais aujourd’hui la banque refuse d’appliquer la circulaire de la BDL en vertu de laquelle le droit de virer de l’argent est admis si un virement du même compte a été opéré l’an dernier. Comme pour exercer une pression, mon mari et moi avons alors chargé notre avocat de trouver une solution avec l’avocat de la banque. Mais loin d’obtenir l’effet escompté, nous nous sommes vu proposer d’intenter un procès si nous le souhaitons. » Me Fouad Debs, membre de la Ligue des déposants, organisme qui offre aux clients des banques ses services à titre gratuit pour tenter de leur restituer leurs droits, note à cet égard que les procédures judiciaires sont longues, tant auprès des tribunaux pénaux que devant les juges des référés, dénonçant même une certaine ingérence des banquiers à ce niveau. Marianne n’a d’ailleurs pas voulu s’engager dans un procès. « Même si j’avais obtenu gain de cause en première instance, ma banque aurait fait appel de la décision, permettant de retarder longtemps la libération des fonds. » Il reste que suite aux démêlés avec la banque, la jeune femme s’est vu clôturer son compte sans autre forme de procès. Me Debs souligne à ce propos que cette mesure est malheureusement légale, sachant que le contrat signé lors de l’ouverture d’un compte prévoit qu’une partie peut à elle seule décider de le clôturer. En dépit de la situation lamentable dans laquelle la banque l’a placée, Marianne veut toutefois se montrer optimiste. « L’injustice que nous subissons est si monstrueuse que je ne vois pas comment elle pourrait perdurer », déclare-t-elle, affirmant que « les banques remportent des batailles mais ne pourraient pas gagner la guerre ».

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Samir, 60 ans, ne se trouve pas non plus dans une situation enviable. L’un de ses deux fils, qui poursuit des études de doctorat, s’est vu refuser un transfert du compte de son père. Motif invoqué par la direction de l’établissement bancaire : étant déjà titulaire d’une licence, il peut intégrer le marché du travail. Comme si par les temps qui courent, trouver un emploi, voire un stage, est chose aisée ! Cela tant au Liban où le taux de chômage atteint des chiffres sans précédent, qu’en Europe où la crise du Covid-19 culmine. Dans ce contexte, le jeune homme ne parvient même pas à se procurer un peu d’argent de poche qui lui permettrait de parer au plus urgent. Il est vrai qu’il loge dans un appartement offert par des proches, mais il y a les charges à payer. Le mois dernier, son père a demandé à la banque de lui transférer 600 euros mais il a essuyé un refus. « Je tenterai à nouveau ma chance durant le mois courant », indique Samir, désemparé.

Jonglerie

Carine, 43 ans, a envoyé son fils Georges à Paris pour y faire sa terminale. Présentant à la banque la facture scolaire, la jeune mère a essayé de virer au compte de l’école les frais de scolarité. Mais elle s’est vu opposer un niet de la banque au motif que Georges ne se trouvait pas à l’étranger l’an dernier. « C’est en achetant des dollars au marché noir (8 000 LL) après avoir obtenu des dollars locaux (3 900 LL), que je me suis acquittée de la facture », déplore-t-elle.

Sasha Sfeir, 19 ans, fraîchement arrivée à Strasbourg, affirme que son père a agi de la même façon pour payer son loyer. Elle souligne toutefois qu’elle a sollicité la Caisse d’allocations familiales (CAF) pour tenter d’obtenir de cet organisme national français une aide au logement. « Chaque euro qui peut être récupéré ferait la différence », lâche-t-elle.

Quant à Carine, afin de payer le loyer de son fils, elle jongle chaque mois pour trouver parmi ses amis libanais installés à l’étranger quelqu’un qui accepterait de transférer la somme au propriétaire. En contrepartie, elle se charge de régler pour lui les factures dont il doit s’acquitter au Liban. « Mais jusqu’à quand pourrais-je continuer ce manège ? » se demande-t-elle, avant d’ajouter : « Il est temps pour les banques de récupérer leurs liquidités. Il suffirait pour cela que chaque responsable corrompu retourne dans leurs caisses 1 % des fonds pillés et transférés à l’étranger. »

L’Association des parents des élèves et étudiants libanais à l’étranger organise ce matin à 10h30 un sit-in devant le palais de l’Unesco, en concomitance avec une réunion des commissions parlementaires mixtes prévue pour examiner la proposition d’une loi sur « le dollar étudiant ». Présenté par le groupe parlementaire du Hezbollah, le texte prévoit de permettre le transfert à tout étudiant inscrit à l’étranger pour l’année 2020-2021 d’un montant annuel de 10 000 dollars sur la base d’un taux de 1 515 livres libanaises pour un dollar.

Les mesures imposées par la plupart des banques aux clients désirant transférer des montants à leurs enfants qui étudient à l’étranger ne sont plus des restrictions. Désormais, on en est à la quasi-suppression de la possibilité pour les parents de faire parvenir à leurs enfants des sommes couvrant leurs frais d’enseignement, de logement et de vie. Le robinet qui ne coule qu’au...

commentaires (2)

Les Patrons Libanais qui habitent la France ou l'Espagne et qui ont les moyens peuvent s'ils le veulent prêter de l'argent à ces jeunes qui n'ont pas eu la chance qu'ils ont eu pour faire des études. Tout peut être fait dans la légalité avec des contrats signés et une promesse de remboursement

Georges Zehil Daniele

14 h 06, le 16 septembre 2020

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Commentaires (2)

  • Les Patrons Libanais qui habitent la France ou l'Espagne et qui ont les moyens peuvent s'ils le veulent prêter de l'argent à ces jeunes qui n'ont pas eu la chance qu'ils ont eu pour faire des études. Tout peut être fait dans la légalité avec des contrats signés et une promesse de remboursement

    Georges Zehil Daniele

    14 h 06, le 16 septembre 2020

  • Ce n'est pas un dollar étudiant qu'il nous faut mais bien la restitution de notre argent... depuis un an que fait la Justice?? Absolument rien. Complice à tous les niveaux des voyous de tous bords. Petite remarque "même si j'avais obtenu gain de cause"...

    Sybille S. Hneine

    08 h 04, le 16 septembre 2020

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