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Politique - Commémoration

« Si Bachir était encore vivant, nous n’en serions pas là »

Dans les quartiers sinistrés d’Achrafieh, de nombreux habitants encore sous le choc de la double explosion du port évoquent avec nostalgie le souvenir du président élu, assassiné le 14 septembre 1982.


« Si Bachir était encore vivant, nous n’en serions pas là »

Un camion transportant des vitres dans un quartier où les fenêtres ont volé en éclats. Photos Patricia Khoder

Dans le quartier d’Achrafieh toujours sous le choc de la tragédie du 4 août dernier, au port, les habitants s’emploient à reconstruire malgré tout, mais les souvenirs de la guerre sont vite remontés à la surface. C’est que les quartiers les plus touchés par la double explosion du port de Beyrouth, notamment Rmeil, Medawar, Saïfi, Gemmayzé et Mar Mikhaël, sont ceux qui avaient été les premiers à se mobiliser au début de la guerre du Liban, en 1975, pour protéger la partie chrétienne de la ville.

Achrafieh n’est pas qu’un quartier chic et résidentiel de la capitale où fleurissent les bars, les restaurants et les boîtes de nuit. Pour certains de ses habitants, c’est aussi le symbole de la « guerre des cent jours » de juillet à octobre 1978, quand cette partie de la ville a été assiégée par l’armée syrienne et qu’elle est devenue pour de nombreux chrétiens du Liban synonyme de résistance. C’est également le fief de Bachir Gemayel qui y habitait.

Installée dans sa petite voiture, devant ses deux immeubles détruits à Accaoui, une octogénaire raconte, à l’approche du 14 septembre, date anniversaire de l’assassinat du président élu : « Durant la guerre, Bachir passait régulièrement chez moi pour me dire “Madame Samaha, remplacez vos vitres cassées.” Je le faisais pour lui faire plaisir, et à chaque explosion, à chaque salve d’obus qui s’abattait sur le quartier, mes vitres volaient à nouveau en éclats. » Et d’ajouter : « Si Bachir était encore vivant, nous n’en serions pas arrivés là. »Dans un pays dont l’effondrement actuel est vertigineux, Bachir Gemayel, trente-huit ans après son assassinat, continue d’être le héros de certains chrétiens du Liban, qui estiment avoir perdu en 1990 une guerre de 17 ans.

Marcelle, épicière à Rmeil, a trouvé dans les décombres, au lendemain de l’explosion du 4 août, un portrait de Bachir Gemayel ayant volé d’un immeuble voisin. Elle l’a accroché pendant quelques jours dans son magasin. « Puis je l’ai rapporté à la maison. Bachir Gemayel, c’est très précieux pour nous. Il était le seul qui aurait pu sauver le Liban », dit-elle.


Tous les jours, les habitants nettoient maisons, bureaux et commerces.


« Nous n’avions pas le choix »

Noha, une quadragénaire brune, vend des icônes. Elle est venue s’enquérir de sa voisine Alexa, dont elle estime qu’elle lui a sauvé la vie le 4 août dernier. « J’ai quitté l’entrepôt parce qu’Alexa m’a appelée. Aujourd’hui, il ne reste rien du dépôt. » Originaire d’Achrafieh, elle était enfant quand Bachir Gemayel a été assassiné le 14 septembre 1982, vingt-trois jours après avoir été élu président de la République, dans une explosion qui a détruit les locaux de la permanence du parti Kataëb dans le quartier. « Mon père a combattu avec Bachir Gemayel pour garder Achrafieh libre, pour la cause des chrétiens du Liban. Mon père est contre le port des armes, mais il fallait se battre pour rester ici, nous n’avions pas le choix. Et c’est grâce à ceux qui ont combattu pour nous défendre et grâce à Bachir Gemayel que nous sommes toujours là aujourd’hui », déclare-t-elle. De nombreux habitants d’un certain âge des quartiers sinistrés qui ont côtoyé le jeune leader évoquent aujourd’hui leurs souvenirs restés vivaces.Joseph, la soixantaine, tient un magasin de téléphones portables à Rmeil. « Si Bachir Gemayel était resté vivant, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Je me souviens bien, une fois, alors qu’il était toujours chef des Forces libanaises, il est passé devant le bureau de poste à Achrafieh et il a vu que le directeur s’était réservé une place pour sa voiture devant l’entrée, ce qui ne lui avait pas plu car la rue est un espace public. À partir de ce jour-là, le directeur a arrêté de se réserver une place. Si Bachir était resté vivant, nous aurions eu un pays où tout le monde est sous le parapluie de la loi », ajoute Joseph dont la maison et la boutique ont été détruites par l’explosion du 4 août.

Se souvenant des derniers jours de Bachir Gemayel, entre son élection et son assassinat, Walid qui traverse une rue passante de Jeïtaoui estime pour sa part : « Si Bachir Gemayel n’avait pas été assassiné, nous n’aurions pas eu des individus comme Michel Aoun ou des partis comme le Hezbollah. J’aimerais crier cela à pleins poumons le 14 septembre à la place Sassine. »

« Le Liban est mort »

Dès le lendemain de la double explosion du port, aidés de volontaires, les habitants des quartiers sinistrés se sont mis à nettoyer maisons et commerces et à reconstruire autant que faire se peut. Depuis plus de deux semaines, les routes d’Achrafieh sont encombrées par les embouteillages provoqués par les grues qui transportent les cadres en aluminium aux étages élevés des immeubles et des camions qui transportent les vitres.Tous les jours, des sacs de débris sont déposés sur les trottoirs, et aux coins des rues, on voit des monticules – de moins en moins importants – de vitres brisées. De minuscules bris de glace couvrent la chaussée et brillent la nuit sur l’asphalte. Sur les murs des immeubles, des faire-part sont collés pour informer les voisins et amis des quarantièmes des victimes de l’explosion du port. Pour certains, l’explosion a fait remonter les souvenirs de celle dans laquelle Bachir Gemayel a été tué il y a 38 ans. Assise dans sa boutique du quartier de l’Hôpital orthodoxe, Alexa, une couturière d’une cinquantaine d’années, raconte le drame du 4 août : « Il y avait du sang partout et les gens couraient vers l’hôpital Saint-Georges. Quand j’ai appris que l’hôpital n’était pas opérationnel, je suis restée devant ma boutique pour dire aux blessés qui arrivaient d’aller ailleurs. » Âgée d’une cinquantaine d’années, Alexa a vite fait de réparer son magasin qui a volé en éclats. Originaire de Dakkoun dans le Chouf, un village situé sur les hauteurs de Damour, localité chrétienne où les habitants avaient été massacrés en 1976, cette Libanaise vit depuis la fin des années soixante-dix à Achrafieh. Et elle passe sans transition à l’explosion du 14 septembre 1982. « Au moment de l’explosion, j’étais au jardin de Sioufi, je ne sais pas comment je suis arrivée en deux temps trois mouvements place Sassine, presque devant la maison du siège du parti Kataëb. On nous a dit que Bachir y était », raconte-t-elle, prise par l’émotion. « Ce soir-là, nous ne savions pas que Bachir était mort. Nous nous sommes réveillés à 4 heures du matin sur les lamentations du voisin, qui avait 16 ans. Il criait: “Le Liban est mort.” Et puis, ce garçon est parti vivre en Suède et il n’a plus jamais remis les pieds au Liban. » « Il n’y a pas d’homme comme Bachir Gemayel. Il n’y en aura jamais. Il a été assassiné, et regardez aujourd’hui où nous en sommes. Il était le seul à pouvoir sauver le Liban. Mon jeune voisin avait raison, le Liban est mort avec son assassinat », soupire-t-elle.

Dans le quartier d’Achrafieh toujours sous le choc de la tragédie du 4 août dernier, au port, les habitants s’emploient à reconstruire malgré tout, mais les souvenirs de la guerre sont vite remontés à la surface. C’est que les quartiers les plus touchés par la double explosion du port de Beyrouth, notamment Rmeil, Medawar, Saïfi, Gemmayzé et Mar Mikhaël, sont ceux qui avaient...

commentaires (7)

Arrêtons de vivre dans le passé. Regardons le futur.

PPZZ58

21 h 23, le 15 septembre 2020

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Commentaires (7)

  • Arrêtons de vivre dans le passé. Regardons le futur.

    PPZZ58

    21 h 23, le 15 septembre 2020

  • Il n’aurait jamais dû se chamailler avec Begin, Israël l’aurait protégé jusqu’au bout. L’option Israélienne était la meilleure ils nous aurait aidé à mettre Assad définitivement hors-jeu puis Tsahal ce serait retiré ne voulant rien d’autre du Liban que une relation de bon voisinage bien loin du racket systématique des syriens entre 1985 et 2005. Il faut relire l’accord du 17 Mai et le comparer à l’accord tripartite ou Taef Les arabes auraient protesté dans un premier temps mais auraient tous suivi la même direction car l’Égypte avait déjà signe la paix, la Jordanie allait suivre puis tous les autres et ils ont besoin de l’appui Us face à l’URSS puis l’Iran Le hezbollah ne se serait jamais implanté dans la Bekaa car les Syriens ne les auraient pas laissé rentrer vu qu’Assad n’aurait aucun pouvoir sur le Liban. Les représentants de la communauté Chiite seraient Kamel El Assad, Sabri Hamadé, Adel Osseirane tous de modères pro LIBANAIS, Berri serait resté en Afrique. C’est surtout à cause de son frère Amine qui a été lâché par Israël et cueilli par une Syrie revancharde que notre malheur s’est joué. Une fois Bachir parti, seul Camille Chamoun nous aurait garde sur la même voie qui aurait bénéficié au pays en entier et le Liban serait aujourd’hui la vraie passerelle entre Orient et Occident ..que de regrets.

    Liban Libre

    19 h 54, le 14 septembre 2020

  • Oui si Bachir était encore là, nous n'en serions pas à ce stade. Bachir est arrivé trop tôt. Avec un projet de paix avec Israel et même avec la Syrie, une fois dehors. Son père avait refusé sous pretexte que les pays du Gulf, l'arabie spécialement emploie des dizaines de milliers de libanais et ca serait dangeureux. Aujourd'hui, ces mêmes pays arabes signent et pacifient avec Israel. Bachir était un leader humain mais pensant aux autres avant de penser à sa famille. Avant de penser à ses propres intérêts. D'ailleurs, il n'avait aucun intérêt, roulant dans sa Honda de 3e main de l'époque sans chauffeur. Oui Bachir, c'est toute une génération. C'est notre génération. Aoun, Hezbollah, berri et cie... Ce sont des personnes non gratae par la population. Ils sont dans leurs palaces protégées mais ils n'osent même pas se promener dans les rues parmi les libanais. Ils savent que s'ils se "mélangent aux peuple", comme l'a dit Aoun à la presse française,..Ils savent qu'ils auront à subir insultes et autres humiliations méritées. Ils le savent PARFAITEMENT.

    LE FRANCOPHONE

    15 h 02, le 14 septembre 2020

  • Que cela plaise ou pas a certains, les dirigeants Chrétiens n’étaient pas des chefs de guerre! Ils ne l'ont jamais voulu cette guerre! La guerre nous a été imposé! Ce ne sont pas Bachir et ses compagnons qui l'ont voulu mais bien ceux qui voulaient atteindre Jérusalem par Jounieh! Ceux qui pensaient tuer le tiers, exiler le tiers et soumettre le reste! Ceux qui ont crié a la trahison et qui ont trahi! Ceux qui ont dénoncé le complot alors qu'ils étaient les principaux comploteurs! Il faut arrêter l'injuste flagellation de ceux qui se sont sacrifiés pour le pays et ses institutions lorsque celles-ci s'effritaient. Le pire, c'est que seul ceux-ci ont été ceux qui ont été arrêté, torturé, jugé, exilé et persécuté alors que tous les autres continuent leurs complots, trahisons et jeux sordides contre les intérêts du pays! Soyez sur d'une chose: La guerre n'est pas terminée. Nous n'avons perdu qu'une bataille. La guerre a pris une tournure différente mais nous la gagnerons! Bachir est vivant en nous et chacun de nous est Bachir que personne n'en doute une seule seconde! On continue!

    Pierre Hadjigeorgiou

    13 h 23, le 14 septembre 2020

  • Bachir El Gemayel était le seul espoir pour le Liban de devenir un pays libre débarrasser de toutes les vermines qui le rongeaient et le rongent toujours. Ne vous en déplaise, c’était le seul président qui a su rassembler le pays avec des slogans constructifs contrairement à tous ceux qui propagent la haine dans ses rangs en prétextant la discorde. Il a été obligé de faire la guerre. Le Liban n’existerait plus depuis des décennies si un homme comme lui avec des compatriotes n’ont pas fait face aux palestiniens pour engloutir le Liban pour remplacer la Palestine. Certains ont la mémoire courte ou n’ont pas vécu l’humiliation d’être arrêtés au barrages dressés par des palestiniens armés sur la route de l’aéroport pour vérifier l’identité des libanais qui circulaient dans leur propre pays. Alors si cet acte d’héroïsme se réduit à appeler un héros de la nation un chef de guerre qu’a cela ne tienne. Il faut savoir faire la guerre pour avoir la paix. Chose que certains ne voulaient d’où son assassinat. Et ça se célèbre jusqu’à la fin des temps.

    Sissi zayyat

    13 h 11, le 14 septembre 2020

  • Je cite ce passage : ""Originaire de Dakkoun dans le Chouf,……cette Libanaise vit depuis la fin des années soixante-dix à Achrafieh."".......................... Cette Libanaise, devenue Achrafiotte depuis des années ignore d’où elle vient. Dakkoun n’est pas dans le Chouf. C’est une municipalité du district de AAley (Qadaa’) du gouvernorat du Mont-Liban. C’est "terrible", les gens par commodité de langage s’attribuent et confondent parfois leurs origines par rapport à la ville d’à côté, comme on confond le miel et l’abeille. Pour le reste je ne vois pas l’intérêt de nous rappeler chaque année et à date précise avec une régularité de métronome, la mémoire et l’action politique d’un chef de guerre que les historiens sont tellement divisés à établir, sans parler de l’opinion publique, quand elle revient au hasard des souvenirs de ses exploits guerriers. C. F.

    L'ARCHIPEL LIBANAIS

    10 h 42, le 14 septembre 2020

  • une chance extraordinaire le president Bachir Pierre Gemayel. une chance que meme le pro-syrie jamil sayyed regrette . C'est tout dire quoi ! une chance qui ne se reproduira plus avant quelques siecles j'en ai bien peur.

    Gaby SIOUFI

    10 h 11, le 14 septembre 2020

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