On s’attendait à un nouveau gouvernement pour ce week-end. Mais il n’en sera probablement rien. Une semaine après la visite du président français Emmanuel Macon à Beyrouth, les tractations en vue de former le cabinet semblent avoir ramené le pays à la période précédant l’initiative française en faveur du Liban.
À l’heure où le délai de quinze jours fixé par le chef de l’Élysée aux dirigeants libanais pour former la future équipe arrive à expiration dans moins d’une semaine, les débats tournent toujours autour des détails, loin du vif du sujet.
C’est ce qui ressort de la réunion tenue hier entre le président de la République Michel Aoun et le Premier ministre désigné. Lors de ce deuxième entretien depuis sa nomination, Moustapha Adib a tenu le chef de l’État informé des contacts qu’il mène pour mettre sur pied son équipe. « Nous sommes encore en discussion avec le chef de l’État », a déclaré M. Adib à sortie de Baabda. Il laissait ainsi entendre que l’entente à même d’accélérer le processus est toujours loin.
Les deux hommes se sont en outre entendus sur plusieurs points, rapporte notre correspondante à Baabda, Hoda Chedid. Il s’agit notamment de la mission du cabinet, et des principes généraux selon lesquels il sera formé. Selon certains milieux politiques, ces informations prêtent à croire que l’initiative Macron ne semble pas approuvée dans sa totalité, dans les cercles proches de la présidence. D’autant que lors de sa conférence de presse tenue mardi dernier à la Résidence des Pins, le président français a clairement défini la mission du prochain gouvernement, à commencer par la mise sur les rails des réformes structurelles avant son retour au Liban, en décembre.
Toujours selon notre correspondante à Baabda, MM. Aoun et Adib devraient se réunir une nouvelle fois cette semaine, pour discuter de la forme du cabinet, du nombre et des noms des ministres qui le composent. La question du nombre continue d’opposer Moustapha Adib aussi bien à la présidence de la République qu’au Hezbollah. Alors que le premier s’en tient à une formule restreinte de quatorze ministres spécialistes et indépendants, Baabda et le parti chiite semblent toujours favorables à une mouture techno-politique allant de 20 à 24 ministres.
À cela s’ajoute le principe de la rotation des postes ministériels. En marge des consultations parlementaires non contraignantes tenues mercredi dernier, le mouvement Amal avait lancé la bataille autour du maintien du poste régalien des Finances face au Courant patriotique libre. Selon notre correspondant politique Mounir Rabih, le président Aoun aurait voulu que le ministère des Finances relève de sa propre quote-part. Mais il s’est heurté au veto du président de la Chambre qui insiste, tout comme le Hezbollah, pour garder les Finances dans son lot, comme le confie une source proche du parti chiite à L’Orient-Le Jour. De son côté, le CPL, qui serait attaché à l’Énergie et aux Affaires étrangères, serait prêt à les échanger contre les portefeuilles juteux des Télécoms et de l’Intérieur, un poste qui revêt son importance à moins de deux ans des législatives attendues en 2022.
Mounir Rabih indique aussi que ces détails liés au nombre et à la structure de la future équipe devraient être réglés lors d’une réunion entre Moustapha Adib, Ali Hassan Khalil, bras droit de Nabih Berry, et Hussein Khalil, conseiller du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah. À l’heure où certains s’attendaient à ce que le Premier ministre désigné rencontre le leader du CPL Gebran Bassil pour lever les obstacles entravant encore la genèse du cabinet, une source informée exclut un tel entretien dans la mesure où le CPL s’était engagé à ne pas intervenir dans le processus gouvernemental. D’ailleurs, et dans le but de se laver les mains du blocage, le groupe parlementaire aouniste s’est posé hier la question de savoir pourquoi la formation du gouvernement mettait encore du temps, « alors que le pays devrait se doter d’un cabinet qui opérerait les réformes d’une façon urgente », comme on peut lire dans un communiqué publié à l’issue de la réunion hebdomadaire du groupe.
Les craintes de Siniora
Face à tous ces tiraillements, Fouad Siniora, ancien Premier ministre et un des parrains de la nomination de Moustapha Adib à ce poste, éprouve des craintes quant à éventuel échec du chef du gouvernement désigné. « Ce serait l’effondrement total de l’État libanais », s’alarme-t-il lors d’une rencontre avec les médias à sa résidence, rue Bliss. « Le prochain gouvernement devrait être restreint et formé de spécialistes avec un respect de la rotation », affirme-t-il, rappelant que ni la Constitution ni l’accord de Taëf ne consacrent de portefeuilles à des groupes politiques ou des communautés religieuses. « Nous avons fait un grand sacrifice en nommant Moustapha Adib. Et le mandat Aoun devrait saisir cette dernière chance s’il désire se sauver la face », conclut Fouad Siniora.
commentaires (12)
Moustapha Ya Moustapha, on voudrait tant t' aimer. Arrêtes de nous faire perdre du temps et rentres chez toi avec honneur sinon tu vas finir comme Diab et à une vitesse encore plus rapide.
Achkar Carlos
18 h 58, le 09 septembre 2020