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Nos Lecteurs ont la Parole

Miroir ô miroir !

Il y a deux semaines, alors que le journal Le Devoir publiait une tribune que j’adressais à Beyrouth, ma ville meurtrie, des commentaires désobligeants ont été faits par des lecteurs québécois quant au Libanais et au Liban. J’en été bien blessée. Cependant, avec du recul, j’ai voulu comprendre le pourquoi et c’est en parcourant la Toile Facebook, en écoutant des interventions télévisées données par certains Libanais de Montréal, en analysant plus en profondeur notre « comportemental » que petit à petit, j’ai commencé à saisir avec « objectivité » la réponse et son pourquoi.

Peut-être sommes-nous, nous Libanais, ennemis de nous-mêmes dans des comportements et des réactions souvent inélégantes, opportunistes voire juvéniles pour ne pas, avec ce que nous subissons, être enfin sages et faire un chouia d’introspection en montrant une reconnaissance nationale face aux aides mirobolantes et aux initiatives ? Voilà trois jours que l’on s’acharne sur le président Macron, choqués par ce qu’il fait, ce qu’il déclare, alors que certains demandent un nouveau mandat français du Liban, que d’autres veulent des visas pour partir, que des chanteuses courent le rencontrer, en ce timing bien médiatiquement dédié à l’étoile des chanteuses libanaises « Feyrouz »; chacun son tour, non ? Et si ce dernier nous dit franchement que nous avons notre part de responsabilité, nous en sommes bien offusqués.

On a toujours attendu les pays étrangers pour nous faire une nation, en nous basant toujours sur leurs échéanciers : élections américaines, maintenant les voyages de Macron… Enfin, tout est en fonction des autres alors que nous n’avons pas su, après l’attentat de Hariri, nous rallier tous vers une cause précise et saisir ce grand momentum. Alors que nous essayons de faire, depuis octobre, avec tiédeur, une révolution. Alors que nous ratons des élections en votant encore et toujours pour nos chefs de parti. Alors que nous avons pardonné des alliances telles Mar Mikhaël, Meerab, Hariri-Bassil et j’en passe, ces dernières qui ont sournoisement rendu « légitime » le statut du Hezbollah au gouvernement pour en être aujourd’hui aliénés et menottés. Alors qu’une fois le confinement terminé, les cigales dansaient sur les sommets et que tristement et dramatiquement le 4 août a réveillé et secoué vers la cause qui était déjà néanmoins abandonnée sinon oubliée par les rayons d’été. Et l’on est là, à ne jamais reconnaître ce que nous avons de positif et le louer glorieusement. Même la robe et le fichu de la légendaire Feyrouz sont disséqués au lieu de passer outre car l’essentiel est ailleurs.

Alors que nous applaudissions la diva Cesaria Evora, nus pieds, et je vois comment les Québécois sortent leurs griffes lorsque l’on ose évoquer Céline Dion, monument national de fierté et de ralliement. Ne sommes-nous pas souvent ennemis de nous-mêmes ?

Un peu ingrats quant aux initiatives même des autres venus nous tendre la main, même s’ils vont y trouver leur petit intérêt propre et c’est légitime, même certain, alors que nous sommes totalement fauchés puisque nous ne sommes plus aucunement capables de vivre comme auparavant, de faire la fine bouche et d’autoriser cette permanente dérision qui ne peut plus se faire que sur nous-mêmes et nos dirigeants, ceux à qui nous avons offert la légitimité sur plateau d’argent, alors qu’il fallait savoir manœuvrer. Il n’y pas de réformes qui commencent sans que nous ne nous regardions nous-mêmes, en individus, pour nous sauver et sauver collectivement la patrie, voire pour en inventer une nouvelle sur de nouvelles bases. Mais assis à noyer de jolis symboles (Feyrouz, le cèdre de Jaj et le drapeau libanais dressé au ciel par les jets français), à pavoiser autour de cafés en donnant des leçons au président Macron, que l’on en soit partisan ou pas, cela ne peut impressionner ce dernier, déjà en Irak au petit matin, face à ses journées marathons. Au risque d’en chiffonner plusieurs, car je dis sans doute quelques bonnes vérités. Tout comme j’ai été chiffonnée moi-même, en lisant les commentaires de non-Libanais et comment ces derniers nous perçoivent, je pense avec toute humilité que le moment est venu pour nous, peuple et dirigeants, de faire introspection et réflexions. Ce qui change réellement les choses, c’est de prendre conscience de la gravité de celles-ci. Miroir ô miroir !


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Il y a deux semaines, alors que le journal Le Devoir publiait une tribune que j’adressais à Beyrouth, ma ville meurtrie, des commentaires désobligeants ont été faits par des lecteurs québécois quant au Libanais et au Liban. J’en été bien blessée. Cependant, avec du recul, j’ai voulu comprendre le pourquoi et c’est en parcourant la Toile Facebook, en écoutant des interventions...

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