
Le président Macron lors de la conférence de presse tenue à l’issue de sa réunion avec les chefs de file politiques. Photo AFP
Visiblement satisfait d’être considéré par la France comme un interlocuteur à part entière, au même titre que les autres protagonistes politiques libanais, le Hezbollah s’est montré déterminé à faciliter la tâche ardue que mène au Liban le président Emmanuel Macron, acceptant en vrac la majeure partie des réformes proposées par Paris mardi dernier, à l’exception des élections législatives anticipées. La feuille de route soumise par M. Macron aux chefs des formations politiques réunis mardi à la Résidence des Pins, qui s’est imposée comme une véritable déclaration ministérielle pour le gouvernement Adib en gestation, comprend une série de réformes sérieuses et urgentes. Elles visent notamment à stopper l’effondrement économique et financier, à mettre un terme à la corruption, à restructurer a minima le fonctionnement des institutions et de la justice, mais aussi à renouveler les élites politiques.
C’est sur ce dernier point que le Hezbollah – tout comme le Courant patriotique libre et les Marada d’ailleurs – s’est montré réticent, qu’une série d’autres volets, qu’on aurait crus menaçants pour lui, n’ont suscité aucune objection de sa part, à en croire des sources présentes à la réunion. C’est notamment le cas pour ce qui est de l’exigence d’une surveillance stricte des frontières, du port et de l’aéroport, et/ou de la reprise imminente des négociations avec le FMI et l’adoption de la loi sur le contrôle des capitaux.
La flexibilité dont a fait preuve le Hezb ne peut s’expliquer, selon les observateurs, que par le fait qu’il n’avait plus vraiment le choix que de saisir cette dernière main tendue, la France étant la dernière puissance, au sein du bloc arabo-occidental du Groupe international de soutien (GIS), à maintenir un dialogue avec « l’aile politique » du Hezbollah, alors que toutes les autres considèrent désormais le parti chiite dans son ensemble comme une organisation terroriste.
Les plus sceptiques vont jusqu’à dire qu’il est encore trop tôt pour s’enthousiasmer, l’accord de principe donné par le Hezbollah et par les autres forces politiques présentes n’étant pour l’instant que théorique. « Il faudra voir à l’application », soutient un analyste. Un avis que semble partager, tout en le nuançant, un observateur proche du Hezbollah, Kassem Kassir. Pour ce dernier, la bonne volonté manifestée par le Hezb ne signifie pas pour autant que ce parti ni d’ailleurs les autres formations présentes appliqueront à la lettre les recommandations françaises. « Il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé avec le beau programme d’une centaine de pages soumis par le gouvernement sortant », dit-il.
D’accord à 90 %
Dans les milieux du mouvement Amal, on affirme que la vision du tandem chiite en matière de réformes rejoint celle du président français. « Nous étions d’accord sur au moins 90 % du plan français. C’est ce que Mohammad Raad, chef du bloc parlementaire du Hezbollah, a d’ailleurs affirmé au président français lors de la réunion », confie Ibrahim Azar, un député du bloc berryste. Selon son récit, M. Macron a alors répondu : « J’imagine que les 10 pour cent restants seraient la question des élections anticipées. » Ce à quoi M. Raad a répondu positivement, faisant valoir qu’il est nécessaire de respecter l’opinion exprimée dans les urnes en 2018.
La question des élections anticipées a failli susciter des frictions parmi les présents, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, ayant saisi l’occasion pour souligner qu’aucune réforme ne saurait être introduite sans le renouvellement du Parlement et à l’ombre des armes du Hezbollah. Le président français a clos l’incident en soulignant que cette question devrait être tranchée entre Libanais dans une phase ultérieure.
Également évoquée lors de cette réunion, la question de la nature du futur cabinet, M. Macron ayant souhaité que le gouvernement à venir n’inclue pas des personnalités ayant un historique politique prononcé. Un point que le Hezbollah n’aura vraisemblablement pas trop de mal à acquiescer, sachant toutefois qu’il avait catégoriquement refusé un cabinet d’experts ou de technocrates sans aucune attache politique. Le parti optera probablement pour des profils comme ceux du ministre sortant de la Santé, Hamad Hassan, croit savoir M. Kassir.
Les voies de passage
Dans le cadre du volet relatif à la corruption et à la contrebande, la feuille de route française prévoit « un renforcement du contrôle aux ports de Beyrouth et de Tripoli, à l’aéroport de Beyrouth ainsi qu’aux autres points de passage frontaliers ». Un point qui n’a suscité aucune objection de la part du représentant du Hezbollah, parti auquel on impute souvent une responsabilité dans la contrebande aux frontières.
Bien avant l’arrivée de M. Macron, une source diplomatique française confiait à L’Orient-Le Jour que la question des passages frontaliers n’est pas pour l’heure une question de première urgence selon Paris. Elle ajoutait que la France se satisferait pour le moment de toute preuve de bonne volonté que démontreraient les parties pour mettre un terme à la contrebande au niveau des passages frontaliers poreux. Un fait que confirme d’ailleurs notre correspondant politique, Mounir Rabih, qui souligne que la question des voies de passage dites illégales fait partie des dossiers qui seront traités ultérieurement dans le cadre de négociations globales qui porteraient sur les résolutions internationales-clés, telles que la 1701 et la 1559. Dans l’immédiat, la France s’est donné pour rôle d’aider à mettre en œuvre les réformes les plus urgentes. Le tour des passages frontaliers viendra lorsque sera placée à l’ordre du jour la question des missiles à haute précision, ajoute notre correspondant.
Du côté du Hezbollah, on clame bien sûr que le parti n’a rien à voir avec les trafics illégaux au port ou à l’aéroport, reconnaissant toutefois sans ambages le transit des armes à la frontière est. « Il faut rectifier le tir et aller voir plutôt du côté d’Amal dont la présence est prépondérante au port notamment », lance, avec une pointe de perfidie, une source proche du Hezb. Ce dernier « encourage vivement toute mesure destinée à mieux contrôler les services publics », ajoute cette source.
Le Hezbollah veut un gouvernement sans tarder, sans tergiversations et sans conditions
Le groupe parlementaire du Hezbollah a appelé hier à faciliter la formation du gouvernement de Moustapha Adib, saluant également l’initiative du président français Emmanuel Macron. Mardi, le chef de l’État français avait annoncé que les forces politiques s’étaient engagées à faciliter la formation d’un « gouvernement de mission », afin qu’il soit mis sur pied d’ici à deux semaines.
« Actant leur attachement à la souveraineté nationale, les députés du Hezbollah voient de manière positive les initiatives de pays frères ou amis visant à aider le Liban à mettre en œuvre les réformes et les projets de développement, tant qu’elles préservent notre indépendance, la dignité du peuple et son patriotisme », peut-on lire dans le communiqué publié par le groupe parlementaire du parti chiite à l’issue de sa réunion hebdomadaire tenue sous l’égide du député Mohammad Raad.
« Nous appelons à faciliter la formation du nouveau gouvernement afin qu’il s’acquitte de ses tâches nationales et urgentes et qu’il résolve les problèmes et les crises créés par la pandémie de coronavirus et l’explosion du port de Beyrouth », ajoute le texte, insistant sur la nécessité de lutter contre la corruption et la mise en place de mesures améliorant la situation financière et économique. Plus tard dans la journée, l’ancien ministre du Hezbollah Mahmoud Qmati devait réitérer l’appel à « ne pas perdre de temps et à faciliter la formation d’un gouvernement », au terme d’une visite de la délégation de son parti auprès du chef des Mourabitoun, Moustapha Hamdane. Il a mis en garde contre « les tergiversations en raison de la situation locale et internationale, parce que le pays ne peut tolérer ni les retards ni les conditions ».
ceci dit, faut etre plus objectif que ca ! contrebande et Co, voies de passages illegales et legales a la fois avaient ete utilisees de tout temps par le "secteur prive", de connivence le cas echeant avec "le secteur public". alors condamner nasroullah seul est faux.
11 h 02, le 04 septembre 2020