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Société - Reportage

L’aile pédiatrique de l’hôpital de la Quarantaine, victime du programme chargé de Macron

Le professeur Robert Sacy, fondateur de l’association Assameh qui cogère l’institution publique, lance un appel aux dons pour réhabiliter la structure endommagée par la déflagration du 4 août et permettre de finaliser le nouveau bâtiment.

L’aile pédiatrique de l’hôpital de la Quarantaine, victime du programme chargé de Macron

Dans l’une des chambres d’hôpital, le professeur Robert Sacy constate les dégâts.

Un mois déjà après la double explosion qui a dévasté la ville de Beyrouth, faisant jusque-là 190 morts, 6 500 blessés et 300 000 sans-abri, l’aile pour l’enfance prématurée et pédiatrique de l’hôpital gouvernemental de la Quarantaine est toujours décombres et désolation. Vidée de ses nouveau-nés et de ses enfants malades parmi les plus démunis qu’elle soignait comme la prunelle de ses yeux, elle se voit obligée de refuser au quotidien de jeunes patients. Sa structure détruite par endroits et fragilisée par le souffle des deux explosions consécutives, nécessite d’être renforcée, reconstruite et réhabilitée. Ses murs et plafonds éventrés laissent entrevoir des fils électriques et autres câbles sectionnés. De la tôle froissée gît encore, dans ses pièces aux murs ornés de dessins d’enfants. Et dans ses couloirs lacérés par les éclats de verre, sont alignés portes, fenêtres et matériaux susceptibles d’être récupérés.


Dans l’aile pédiatrique de l’hôpital public de la Quarantaine, une pièce éventrée. A.-M.H.


Histoire d’un miracle

Ici, comme ailleurs, c’est avec émotion, les larmes aux yeux, qu’est évoqué le séisme du 4 août dernier. Le souffle qui a projeté des infirmières de garde d’un bout à l’autre d’une pièce. Les éclats de verre qui en ont blessé certaines, superficiellement fort heureusement. Les murs arrachés qui ont atterri sur les couveuses, sans même égratigner les nouveau-nés prématurés. Les mères de familles qui ont protégé de leur corps leurs enfants hospitalisés. Et cette infirmière courage qui s’est précipitée à la rescousse de deux grands prématurés, pour les sortir des incubateurs privés de courant électrique et les transporter en urgence, avec le concours des ambulances de l’armée libanaise, vers un autre hôpital. « C’est un miracle ! », répète le professeur Robert Sacy, que beaucoup surnomment « l’ange gardien des enfants malades » parce qu’il a consacré sa vie au service des tout-petits. Un miracle que la vingtaine d’enfants hospitalisés et leurs parents soient « indemnes », que les infirmières n’aient eu « que des égratignures », que le chirurgien qui pratiquait une intervention sur un enfant ait eu « le sang-froid nécessaire pour recoudre son patient, le transporter à Zahlé et l’opérer ». Un miracle enfin que « 60 % des équipements médicaux soient quasiment intacts ».

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La facture s’élève à plus de 100 millions de dollars pour les hôpitaux

Ce mardi, l’attente était longue pour le professeur Sacy et son équipe. Le pédiatre, spécialiste en néonatologie et réanimation pédiatrique, attendra en vain. Après avoir espéré la visite du président français, Emmanuel Macron, puis s’être vu promettre celle de son équipe de santé, le professeur devait se rendre à l’évidence. Aucun représentant de la France ou du président français en visite au Liban ne viendra ce jour au chevet de l’hôpital meurtri. Et ce pour des considérations « de retards de visite et de routes bloquées », explique-t-on à l’Agence française de développement (AFD), bailleur de fonds de Paris. « Je suis déçu », ne peut s’empêcher de dire à L’Orient-Le Jour celui qui s’est mobilisé corps et âme depuis 2015, à travers l’association humanitaire qu’il a fondée, Assameh (Association d’aide à la mère et l’enfant à l’hôpital, Birth and Beyond) pour doter l’hôpital public de la Quarantaine d’un service pédiatrique d’excellence de 32 lits. D’autant que cette visite tant attendue était interprétée comme une concrétisation possible des visites préliminaires menées par des représentants français aussitôt après la catastrophe. « Je ne sais pas si nous pouvons encore compter sur la France pour nous aider à reconstruire tout ça », lâche le professeur désemparé, montrant l’ampleur des dégâts. Sans compter que « les nombreuses promesses de dons tardent à se concrétiser » et que certaines donations en équipements et matériel sont « inadéquates ».


Le président de l’association Assameh devant le nouveau bâtiment de l’hôpital de la Quarantaine, dont le chantier est arrêté. A.-M.H.


Dix millions de dollars encore nécessaires

La tâche est immense. Et Robert Sacy place la barre haut. Non seulement envisage-t-il de réhabiliter l’aile pour l’enfance prématurée et pédiatrique de l’hôpital gouvernemental de la Quarantaine, « une mesure provisoire vu l’état de fatigue avancée de sa structure en béton, dont le coût est estimé à deux millions de dollars », mais il a pour objectif ferme de « reprendre la construction du nouveau bâtiment », démarrée en 2015 et interrompue en 2017 faute de fonds suffisants. « Les 25 millions de dollars accordés sous forme de prêt par le Fonds islamique n’ont pas suffi. Il en faudrait dix de plus et huit mois de travail pour finaliser le projet qui est financé par Assameh et placé sous le contrôle du Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) », souligne le praticien. « Il faut dire que le nouveau bâtiment doit compter trois départements au service des soins de santé de la population défavorisée, de pédiatrie, d’obstétrique et de chirurgie », explique le spécialiste. « Il aura une capacité de 100 lits, 80 lits mère/enfant et 20 lits pour la population générale », précise-t-il, ajoutant que le chantier peut être réalisé par étapes.

Car les besoins sont en augmentation constante. En 2019, « le service pédiatrique de l’hôpital de la Quarantaine – géré conjointement par Assameh, le conseil de l’institution et la directrice de l’établissement, Karen Saliba – a admis un millier d’enfants malades issus de familles pauvres ». Et si les naissances ont quelque peu diminué en 2020 pour cause de crise économique et de Covid-19, « en 2019 le pays comptait 50 000 naissances d’enfants libanais et 75 000 naissances d’enfants syriens, parmi lesquels 8 000 prématurés libanais et 10 000 prématurés syriens », note le spécialiste.

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Pour l’instant, « la seule promesse ferme vient du gouvernement suisse qui a pris à sa charge la réhabilitation de l’aile pour l’enfance prématurée », révèle Robert Sacy, qui lance un appel aux dons. « Les travaux ne devraient pas aller au-delà de la fin de l’année », espère-t-il. Entre-temps, plus question de refuser davantage de malades. Dans le bâtiment intermédiaire de l’institution hospitalière, dans des cliniques de consultations plus ou moins épargnées par le souffle de l’explosion, cinq incubateurs pour prématurés et cinq lits d’hôpitaux sont prêts à recevoir les jeunes patients dès aujourd’hui.

Pour vos donations ou pour plus de renseignements, contacter le Pr Robert Sacy au +961 3 201455, par courriel à robertsacy@gmail.com ou vous connecter au site de l’association Assameh : www.assamehbb.org

Un mois déjà après la double explosion qui a dévasté la ville de Beyrouth, faisant jusque-là 190 morts, 6 500 blessés et 300 000 sans-abri, l’aile pour l’enfance prématurée et pédiatrique de l’hôpital gouvernemental de la Quarantaine est toujours décombres et désolation. Vidée de ses nouveau-nés et de ses enfants malades parmi les plus démunis qu’elle soignait...

commentaires (3)

C'est dommage, la priorite devrait etre la visite a l'hopital, et en plus avec mobilite durable. Il y a beaucop trop de voitures au Liban, donc la situation standard "par defaut" au Liban c'est que la route est blocque. Les routes sont toujours blocquees, simplement car il y a trop de voitures. Donc les deplacements en helicoptere pour un acte insignificant et inutile comme planter un cedre, c'est inutile. Il aurait fallu prendre la bicyclette et visiter l'hopital au lieu de se deplacer en helicoptere.

Stes David

13 h 34, le 03 septembre 2020

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Commentaires (3)

  • C'est dommage, la priorite devrait etre la visite a l'hopital, et en plus avec mobilite durable. Il y a beaucop trop de voitures au Liban, donc la situation standard "par defaut" au Liban c'est que la route est blocque. Les routes sont toujours blocquees, simplement car il y a trop de voitures. Donc les deplacements en helicoptere pour un acte insignificant et inutile comme planter un cedre, c'est inutile. Il aurait fallu prendre la bicyclette et visiter l'hopital au lieu de se deplacer en helicoptere.

    Stes David

    13 h 34, le 03 septembre 2020

  • Donc $25m (ou $250,000 par lit) n'ont pas suffit... Et c'est le CDR qui contrôle; ça résume tout le problème.

    Fadi Chami

    07 h 53, le 03 septembre 2020

  • Je sais que c'est pas le sujet mais... 50 000 naissances parmi les familles libanaises et 75 000 naissances parmi les familles syriennes. Là ça me laisse perplexe... Le Dr Sacy et son équipe méritent d'être aidés. Et oui je pense qu'il y a eu un miracle pour que les nouveaux nés et les parents et les équipes médicales soient indemnes. Il y a des gens qui portent la solidarité à bout de bras chaque seconde. Bien au-delà de leur métier déjà consacré aux autres.

    Sybille S. Hneine

    07 h 45, le 03 septembre 2020

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