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Campus - TÉMOIGNAGES

Je n’aurais jamais imaginé pouvoir ressentir autant de haine, de dégoût et de rage

La double explosion qui a ravagé Beyrouth le 4 août a laissé des traces indélébiles auprès de la jeunesse libanaise. Un mois plus tard, des jeunes reviennent sur leurs vécus et partagent leurs pensées et leurs émotions.

Je n’aurais jamais imaginé pouvoir ressentir autant de haine, de dégoût et de rage

Loulwa Maroun. Crédit Youmna Salameh

Un mois après l’explosion du port de Beyrouth, les blessures demeurent béantes. « Le moment de l’explosion restera toujours gravé dans ma mémoire. Ce n’est pas le genre d’expériences que l’on peut dépasser », confie Christina Fakhry, jeune diplômée en journalisme de l’Université libano-américaine (LAU). Depuis cette journée noire, Jana el-Hindi se sent constamment hantée par le risque d’une nouvelle explosion. Lorsque le port de Beyrouth a explosé, cette jeune fille de 22 ans animait un cours en ligne en anglais sur le site englease.com, depuis chez elle, à 200 mètres du lieu de la déflagration. « Depuis, la peur ne me lâche pas. Je souffre de tachycardie et de crises de panique à chaque fois que je m’approche de l’ordinateur pour dispenser un cours. Je ne peux plus enseigner sans être attaquée par la peur… la peur des vitres qui volent en éclats… » raconte cette diplômée en littérature anglaise. D’autres jeunes, malgré l’énorme impact que la double explosion a eu sur eux, se considèrent « chanceux », d’avoir toujours un toit au-dessus de la tête. « J’ai de la chance de ne pas avoir perdu ma maison contrairement à un grand nombre de Libanais », souligne ainsi Serge Kochkarian, étudiant en droit à l’Université Saint-Joseph (USJ).


Christina Fakhry. Crédit Élie Gemayel

Si certains étudiants interviewés mesurent leur chance d’être toujours en vie, tous réalisent les pertes incommensurables et l’énorme dévastation provoquées par cette double explosion. « L’explosion a anéanti le Liban, au sens propre et au sens figuré. Tout est détruit ; il ne reste plus rien. Le peuple est lui-même anéanti. Plus de deux cents personnes ont disparu avec l’explosion… » relève Sarah Chebli, qui étudie le droit à l’USJ, avant d’ajouter : « Le 4 août aura été la goutte d’eau qui fait déborder le vase, sauf que le vase était déjà rempli. » Un avis partagé par Loulwa Maroun. « Les conséquences de cette explosion aggraveront une situation déjà très critique », insiste-elle. Néanmoins cette jeune étudiante en stratégies de développement international à l’Université McGill, au Canada, applaudit la solidarité des Libanais et des Libanaises. « Lorsque j’ai vu toute la mobilisation des volontaires accourus au secours des sinistrés j’ai voulu y prendre part. » De son côté, Ziad el-Solh, étudiant en droit à l’USJ, souligne les graves effets de l’explosion sur les plans social et économique, rappelant que le port renfermait et acheminait les matières premières du pays et les produits agricoles. « Actuellement, le Liban dépend totalement des aides étrangères », observe-t-il encore.


Sarah Chebli. Photo DR

Quitter le pays ou y rester ?

Face à la situation, entre quitter le Liban ou y rester, le choix s’avère difficile pour les jeunes Libanais, certains estimant que l’explosion a « approfondi (leurs) racines », comme le souligne Ralph Nader, étudiant en ingénierie mécanique à l’Université Notre-Dame de Louaïzé. Pour Christina Fakhry, il s’agit de ne pas laisser le pays « entre les mains de ceux qui l’ont détruit ».


Ralph Nader. Crédit Élie Nader

Rester au Liban serait donc un combat, une forme de résistance contre la classe politique qui a négligé le pays. Ziad el-Solh avance que « rester au Liban » est une véritable « quête de soi ». Le jeune étudiant explique que vivre au Liban constitue une sorte de défi personnel comme celui de décider de ne pas avoir recours à la « wasta » (des pistons) pour réussir et où il doit apprendre à travailler sous pression.

Jana el-Hindi estime, en revanche, que quitter le pays est inévitable même si elle ne l’avait jamais envisagé auparavant. « Je voulais que mes enfants (lorsque j’en aurais) grandissent au Liban pour profiter de son charme et de sa diversité. Mais il est impossible de leur assurer une sécurité et une stabilité au niveau émotionnel au Liban. » Pour Serge Kochkarian également, pouvoir vivre en sécurité est un besoin fondamental pour tout être humain. Et même s’il admet penser quitter le Liban afin que sa famille et lui puissent vivre sous des cieux plus cléments, il tempère : « J’espère, si cela arrive, que cela ne sera pas définitif. » Ce n’est pas le cas de Sarah Chebli qui, elle, envisageait de quitter le pays avant le 4 août. « L’explosion a confirmé ma décision », confie-t-elle, ajoutant en s’adressant aux autres jeunes : « Si c’est possible pour vous de partir, faites-le ; peu n›importe où. »


Jana el-Hindi se trouvait chez elle lorsque l’explosion a eu lieu. Photo DR


Quels messages ces jeunes adressent-ils aux autres Libanais ?

Faire parvenir leur voix aux autres est important pour ces jeunes. Ziad el-Solh veut adresser un message à « tout Libanais et toute Libanaise qui rêvent d’une vie meilleure sans devoir quitter leur propre pays, leurs familles et leurs amis ». Il accompagne son message d’une demande ou d’une recommandation : œuvrez pour qu’au Liban l’ordre et l’harmonie l’emportent sur l’abus de pouvoir et la tyrannie. Ainsi, le combat contre l’amour du pouvoir semble être un combat universel, un devoir qui s’impose à tout citoyen, fut-il au Liban ou ailleurs. Quant à Ralph Nader, qui comme une large partie de la jeunesse libanaise a passé une grande partie de son temps dans les rues de Mar Mikhaël, il réitère sa dénonciation de « la tragédie de Beyrouth », estimant que le peuple ne s’en remettra jamais : les images des blessés, celles des victimes et de leurs enfants devenus orphelins sont à jamais gravées dans le cœur et l’esprit du peuple.


Serge Kochkarian. Crédit Johnny Abou Karam


Christina Fakhry, elle, veut rappeler aux Libanais qu’ils constituent la véritable force de changement, soulignant l’immense solidarité des citoyens qui se sont rassemblés pour reconstruire la ville. « C’est cela notre vraie force, que personne ne peut détruire », assure-t-elle. Loulwa Maroun se dit reconnaissante envers les organisations non gouvernementales accourues au chevet des personnes sinistrées. « Elles nous ont donné une lueur d’espoir dans un moment fort sombre », indique-t-elle.


Ziad el-Solh. Crédit Majd Osseiran


Quant à Jana el-Hindi et Sarah Chebli, elles fustigent toutes les personnes qui savaient qu’il y avait une grande quantité de nitrate d’ammonium dans le port de Beyrouth. « Ils sont plus que criminels. Ce sont des scélérats », lancent-elle. Estomaquée par la réaction des politiciens après la double explosion dévastatrice, Sarah confie que l’incompétence et l’égoïsme de certaines personnes au pouvoir ne l’ont pas étonnée. Ce qui la surprend, ce sont les émotions qu’elle ressent et leur intensité. « J’ai été surprise par ma capacité à éprouver tellement d’émotions négatives. Je n’aurais jamais imaginé pouvoir ressentir autant de haine, de dégoût et de rage. »



Un mois après l’explosion du port de Beyrouth, les blessures demeurent béantes. « Le moment de l’explosion restera toujours gravé dans ma mémoire. Ce n’est pas le genre d’expériences que l’on peut dépasser », confie Christina Fakhry, jeune diplômée en journalisme de l’Université libano-américaine (LAU). Depuis cette journée noire, Jana el-Hindi se sent...

commentaires (3)

A l’heure ent tout le Liban est piège et il serait temps que notre armée procède à la vérification de tous les points névralgiques, port de nouveau, aéroport, stations électriques et autres d’une longue liste avant qu’il ne soit trop tard. Des hangars au port contiennent des produits explosifs ont été découverts et dénoncés. A l’aéroport ils ont découvert des cuves de kérosène percées Et 84 mille litres se sont déversés, (le même scénario que pour le port on envoie colmater les brèches et l’explosion aura lieu sous forme d’accident qu’on mettra sur la liste des négligences et on passe). Ils ont transformé notre pays en une poudrière prête à exploser à chaque instant et ils continuent à discuter du bout de gras à se partager. Où est ce qu’on va et qu’attend is nous de ces moins que rien.

Sissi zayyat

12 h 07, le 03 septembre 2020

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Commentaires (3)

  • A l’heure ent tout le Liban est piège et il serait temps que notre armée procède à la vérification de tous les points névralgiques, port de nouveau, aéroport, stations électriques et autres d’une longue liste avant qu’il ne soit trop tard. Des hangars au port contiennent des produits explosifs ont été découverts et dénoncés. A l’aéroport ils ont découvert des cuves de kérosène percées Et 84 mille litres se sont déversés, (le même scénario que pour le port on envoie colmater les brèches et l’explosion aura lieu sous forme d’accident qu’on mettra sur la liste des négligences et on passe). Ils ont transformé notre pays en une poudrière prête à exploser à chaque instant et ils continuent à discuter du bout de gras à se partager. Où est ce qu’on va et qu’attend is nous de ces moins que rien.

    Sissi zayyat

    12 h 07, le 03 septembre 2020

  • - QUI EST LE PROPRIETAIRE DU NITRATE ??? - COMMENT ET POURQUOI A-T-IL EXPLOSE ET EN CE MOMENT ? - QU,Y AVAIT-IL DE STOCKE DANS LE MEME HANGAR OU DES HANGARS ADJASCENTS ? TANT DE QUESTIONS SANS REPONSES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 16, le 03 septembre 2020

  • Quitter le pays pour aller où? Avec le COVID la crise est partout et toutes les économies des pays glissent inexorablement vers le bas. La chance que nous a donné nos chers dirichiants c’est que nous avons une longueur d’avance sur tous les pays impactes par cette maladie on est descendu très vite vers le zéro. Quoique avec des dirichiens comme ceux que nous avons en ayant atteint le fond on peut continuer de creuser encore !

    PROFIL BAS

    07 h 32, le 03 septembre 2020

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