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Société - Interview

« L’impunité doit cesser, écoutez la rue ! » lance le ministre canadien des AE à la classe politique

Ottawa ne participera à l’enquête sur l’explosion du port que si elle est crédible, indépendante et impartiale, promet François-Philippe Champagne.


« L’impunité doit cesser, écoutez la rue ! » lance le ministre canadien des AE à la classe politique

Le ministre canadien des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne. Photo A.-M.H.

Le ministre canadien des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a quitté le Liban après une visite de 48 heures dans une ville de Beyrouth meurtrie. Une capitale tellement « dévastée, à perte de vue », avec son lot de victimes et de personnes qui ont tout perdu, que son « cœur en est marqué à tout jamais ». Marqué par les voix de la population qui aspire à de « meilleurs jours » et « cherche à se faire entendre ». Marqué par les « initiatives de ces jeunes bénévoles qui ont mis de côté leurs responsabilités » pour venir en aide aux sinistrés. Marqué aussi par « cette crise qui met en lumière toutes les tragédies du Liban ». « Il n’y a pas d’option. Le Liban est arrivé à la fin du chemin, et l’aide internationale doit aujourd’hui s’accompagner de réformes majeures », martèle-t-il à L’Orient-Le Jour, lors d’une interview exclusive au terme de sa visite. Pratiquement, « le monde est prêt à aider les Libanais, mais ces réformes doivent être engagées et la classe politique doit écouter, voire se réformer elle-même », égrène-t-il. « L’impunité doit cesser. La rue a parlé, les jeunes et les femmes aussi. Écoutez la rue. La voie est tracée. Suivez cette voie et agissez », insiste M. Champagne, dans un message clair à la classe politique.

Le Canada ne validera pas la négligence

Ces phrases résument toute la détermination du Canada, mais aussi de la communauté internationale accourue au chevet du Liban, après la double explosion du 4 août au port de Beyrouth, qui a fait plus de 180 morts, 6 500 blessés et quelque 300 000 sans-abri. Et cette détermination, le ministre canadien des AE n’a pas manqué de la dire au chef de l’État Michel Aoun qui l’a reçu à Baabda, hier dans la journée. « Ce sentiment d’un peuple qui attend des jours meilleurs et cherche à se faire entendre, je l’ai dit au président, insiste M. Champagne. J’ai aussi dit que nous participerons à l’enquête (sur l’explosion du port) uniquement si elle est crédible, indépendante et impartiale. Parce que le Canada ne sera jamais là pour valider la négligence si on n’essaie pas d’aller au fond des choses. »

Au cours de sa première visite au Liban, François-Philippe Champagne s’est rendu sur les lieux de l’explosion. « On sent la destruction à perte de vue. Nul ne peut être indifférent. Et j’ai ressenti une peine pour les gens qui ont vécu tout ça », souligne-t-il avec émotion. Le ministre canadien a aussi rencontré des familles de victimes qui « réclament justice » pour leurs disparus, de même que « des réformes ». « Les gens en ont assez des faux-fuyants, des mots creux, des analyses à l’emporte-pièce, note-t-il. Ils veulent du vrai, du concret, du renouveau. »

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Au cœur de ses rencontres avec la société civile libanaise, la Croix-Rouge libanaise et ses 13 000 bénévoles, le Programme alimentaire mondial (PAM), ainsi que d’autres organisations qui « font la différence dans la vie des gens ». « Cela devrait être inspirant pour l’État », lance-t-il. Car M. Champagne est venu au Liban pour accompagner l’aide d’urgence humanitaire canadienne et s’assurer qu’elle bénéficiera aux personnes qui en ont le plus besoin. « Une aide d’urgence à la population de 30 millions de dollars canadiens au total, qui est le résultat de la générosité des Canadiens avec une contribution d’Ottawa de 8 millions de dollars », précise-t-il.

En même temps, le chef de la diplomatie canadienne a proposé « une aide technique aux autorités libanaises pour réformer les institutions », car « le statu quo n’est plus acceptable » et il y a aujourd’hui « une opportunité à saisir ». « J’ai même offert de former les diplomates de demain aux notions de gouvernance et d’intégrité », affirme-t-il. Le Canada veut par ailleurs contribuer à « la relance de l’économie libanaise » et « s’inscrire dans la sécurité alimentaire du Liban », notamment. « Nous avons décidé de plus de suivre le chemin de l’éducation », ajoute-t-il. Non seulement sur le plan du soutien à la francophonie, mais aussi au niveau de l’éducation à distance en ces temps de Covid-19. « Nous devons nous impliquer rapidement pour assurer aux jeunes Libanaises et Libanais une éducation à distance », souligne-t-il.

Le cœur rempli d’espoir

En dépit de sa peine pour tous ceux qui ont vécu ce drame, c’est avec « le cœur rempli d’espoir » que repart François-Philippe Champagne. « Le peuple libanais me donne de l’espoir. J’ai senti cette volonté inébranlable de dire : trop c’est trop. » Le chef de la diplomatie canadienne sent le souffle du changement voulu par la rue. Un souffle que le Canada entend bien appuyer, à l’instar de la communauté internationale. « Nous serons à vos côtés », promet-il.

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Certes, le Canada demeure une terre d’accueil, pour les personnes qui veulent partir, et « des représentants du ministère de l’Immigration canadienne (IRCC) sont déjà présents à Beyrouth, à l’ambassade du Canada », dans le cadre du processus. « Je leur ai demandé d’être humains, d’avoir l’empathie nécessaire », note le ministre à ce propos. Il n’en reste pas moins que le ministre canadien des AE est profondément convaincu que « la vraie réponse est de bâtir un pays qui sera à la hauteur des attentes de cette jeunesse en quête de réformes profondes pour le Liban ».

Le ministre canadien des Affaires étrangères, François-Philippe Champagne, a quitté le Liban après une visite de 48 heures dans une ville de Beyrouth meurtrie. Une capitale tellement « dévastée, à perte de vue », avec son lot de victimes et de personnes qui ont tout perdu, que son « cœur en est marqué à tout jamais ». Marqué par les voix de la population qui...

commentaires (6)

Monsieur Champagne parmi les choses que le Canada propose d’apprendre aux politiciens libanais il faut ajouter des cours d’empathie et de patriotisme. Ces sentiments qui leur sont complètement étrangers. Le témoignage d’amitié, de désolations et toute l’empathie du monde entier qui s’est mobilisé pour porter secours aux libanais et les sauver de l’effondrement morale et psychologique nous ont été d’un grand secours et ont mis du baume au cœur des libanais touchés par ce drame. Cependant l’indifférence de cette classe politique locale nous blesse et nous enfonce dans le désespoir de voir un jour ce pays dirigé par des gens honnêtes capables et surtout patriotiques dont le monde civilisé est doté car nous le méritons autant que les autres nations mais n’arrivons pas à y parvenir faute de justice et de sécurité qui permettraient aux personnes libanaises intègres et compétentes d’accéder au pouvoir.

Sissi zayyat

16 h 09, le 28 août 2020

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Commentaires (6)

  • Monsieur Champagne parmi les choses que le Canada propose d’apprendre aux politiciens libanais il faut ajouter des cours d’empathie et de patriotisme. Ces sentiments qui leur sont complètement étrangers. Le témoignage d’amitié, de désolations et toute l’empathie du monde entier qui s’est mobilisé pour porter secours aux libanais et les sauver de l’effondrement morale et psychologique nous ont été d’un grand secours et ont mis du baume au cœur des libanais touchés par ce drame. Cependant l’indifférence de cette classe politique locale nous blesse et nous enfonce dans le désespoir de voir un jour ce pays dirigé par des gens honnêtes capables et surtout patriotiques dont le monde civilisé est doté car nous le méritons autant que les autres nations mais n’arrivons pas à y parvenir faute de justice et de sécurité qui permettraient aux personnes libanaises intègres et compétentes d’accéder au pouvoir.

    Sissi zayyat

    16 h 09, le 28 août 2020

  • Hitti a donné l'exemple : quand toutes ses décisions doivent se plier aux désirs de l'Iran à travers hassan, leur porte parole local, Hitti a démissionné de façon honorable. Quand est ce que le président fera de même? Ou se plaît il du rôle du sous-porte-parole au porte parole sous terrain?

    Wlek Sanferlou

    14 h 03, le 28 août 2020

  • C'EST AVEC NASRALLAH QU'IL FAUT DISCUTER, DIRE AU "PRÉSIDENT" AOUN DES CHOSES EN PENSANT QUE C'EST UTILE ! MAIS AOUN N'EST QU'UN CONCIERGE CHEZ LES IRANIENS ET C'EST HASSAN NASRALLAH LE VRAI PRÉSIDENT QUI GOUVERNE AU LIBAN. MALHEUREUSEMENT C'EST LA VÉRITÉ QUE TOUT LE MONDE CONNAIT. TOUTES CES ALLÉES/RETOURS POUR RENCONTRER AOUN, PARTENT EN FUMÉ.

    Gebran Eid

    11 h 20, le 28 août 2020

  • Mais comment nos soi disant dirigeants peuvent écouter ces paroles et rester de marbre. Le ministre des AE du Canada, les engueule, les traite d’incompétents et de corrompus, met en doute l’intégrité de l’enquête en cours etc ... et eux craignent d’émettre la moindre protestation. C’est franchement consternant de voir ces dirigeants qui n’ont absolument aucune dignité ni amour propre mais qui se prennent pour des demi dieux en paradant comme des paons et en débitant des paroles creuses à longueur de journée

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 27, le 28 août 2020

  • En suivant un peu la politique libanaise, je dois avouer que Gebran Basil a dit quelque chose qui me semble vraie: la rue n'est politiquement pas unifie au Liban. Politiquement il y a des gens dans la rue avec des demandes contraires, les uns veulent par exemple amnestie, les autres opposent exactement la loi de amnestie. Donc ce que la rue dit, n'est pas toujours 100% clair.

    Stes David

    09 h 34, le 28 août 2020

  • LE TITRE : DES PAROLES D,OR.

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 08, le 28 août 2020

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