Les propriétaires d'établissements touristiques au Liban, mis à genoux par une longue crise économique aggravée par la récente explosion meurtrière à Beyrouth, ont annoncé mardi que ces établissements rouvriront leurs portes dès mercredi, malgré le bouclage partiel du pays jusqu'au 7 septembre sur décision des autorités qui tentent d'enrayer la propagation du coronavirus.
"Nous ne fermerons plus nos portes que sur la base d'une entente entre les secteurs public et privé, et nous ne paierons plus un sou avant la mise en place d'un Etat nouveau qui sache utiliser notre argent", a lancé le président du syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries au Liban, Tony Rami, lors d'une conférence de presse dans le quartier beyrouthin de Mar Mikhaël, l'un des plus dévastés par la double explosion meurtrière du port de Beyrouth le 4 août dernier. Il s'exprimait également au nom de syndicats du secteur du tourisme, regroupant les hôtels et établissements balnéaires. Plusieurs dizaines de personnes scandant les slogans traditionnels du mouvement de contestation contre la classe dirigeante du 17 octobre dernier ont assisté à cette conférence de presse. "Les décisions démagogiques de bouclage partiel ou total ne nous concernent plus. Nous ne nous sentons concernés que par des décisions sages et justes", a poursuivi le responsable syndical. "Que personne ne fasse de surenchères en utilisant le prétexte du coronavirus", a-t-il ajouté.
Dans l'après-midi, le ministre libanais de l'Intérieur, Mohammad Fahmi, a toutefois exprimé ses regrets face aux appels à ne pas respecter les mesures de précaution. "Certains commerçants et propriétaires d'entreprises privées ont pris des positions abusives contre l’État et les mesures du gouvernement pour enrayer la propagation du coronavirus. Comprenant les difficultés des entreprises privées, nous nous sommes entendus sur la poursuite des contacts pour trouver une solution commune", indique un communiqué de M. Fahmi. "Malheureusement, certains ont utilisé un langage de menace et de défi, et appelé à ne pas respecter les mesures de précaution", a déploré le ministre. Des représentants du secteur touristique ont notamment appelé à la désobéissance civile. "Nous ne transigerons pas sur l'application de la loi, qui prévoit des sanctions allant des procès-verbaux aux poursuites judiciaires", a-t-il prévenu. De son côté, le comité de suivi des mesures de précaution contre le coronavirus a mis en garde contre une "réouverture aléatoire des secteurs économiques sans un plan de prévention clair".
En soirée, l'Association des commerçants de Beyrouth a annoncé qu'au vu des nouveaux chiffres "choquants et sans précédents des décès et contaminations dus au coronavirus, elle a décidé de surseoir quelques heures à sa décision de rouvrir les magasins et établissements commerciaux, afin de tenir demain des réunions intensives pour discuter des modalités de réouverture".
Un nouveau confinement a été déclaré le 21 août et s'étendra jusqu'au 7 septembre. Il a pour objectif de lutter contre la propagation du Covid-19, alors que les autorités sanitaires semblent avoir perdu le contrôle de la situation, notamment depuis les explosions meurtrières du 4 août à Beyrouth. Le bouclage du pays ne concerne pas les quartiers sinistrés. Il est assorti d'un couvre-feu quotidien de 18h à 6h. L'aéroport international de Beyrouth reste de son côté ouvert.
Les sociétés privées et commerciales, les magasins, les centres commerciaux et les marchés populaires, les restaurants, les cafés et les boîtes de nuit, les corniches maritimes, les centres touristiques, les terrains et les clubs de sport, les piscines, les parcs d'attraction et les salles de jeu électroniques sont fermés durant cette période. Les rassemblements et les événements sociaux sont également interdits. Pour les restaurants, seuls les services de livraison à domicile et les commandes de plats à emporter sont autorisés entre 6h et 17h. Les banques, elles, restent ouvertes.
"Désobéissance civile touristique"
"La désobéissance civile touristique est désormais un droit acquis et légitime", avait aussi dit Tony Rami, appelant à une "révolte des tables et des chaises" et à cesser le paiement des impôts et autres dûs à l'Etat "corrompu". "Nos pertes s'élèvent autour d'un milliard de dollars. La situation ne pourra s'améliorera qu'avec la tenue d'une conférence internationale, sur le modèle de la CEDRE, que l'on pourrait intituler 'Le tourisme, le pouls du Liban', consacrée au soutien de notre secteur, car un financement interne ne suffira pas pour compenser les pertes", a encore estimé le président du syndicat des propriétaires de restaurants. Le président du syndicat des hôteliers, Pierre Achkar, et le président du syndicat des propriétaires d’établissements balnéaires, Jean Beyrouthi, ont également pris la parole.
Selon des chiffres publiés il y a 10 jours, le syndicat des propriétaires de restaurants, cafés, boîtes de nuit et pâtisseries avait indiqué que 1 408 des 2 103 établissements ont été endommagés dans le Grand Beyrouth par l'explosion du 4 août dernier. En février, le syndicat des restaurateurs avait indiqué que 785 établissements avaient mis la clé sous la porte entre septembre 2019 et janvier 2020 suite à la crise économique et financière que traverse le pays depuis plusieurs mois.
Lundi, le président de l’Association des commerçants de Beyrouth (ACB), Nicolas Chammas, a annoncé que les commerces souhaitent rouvrir dès mercredi, qualifiant d'"injustes pour le secteur commercial" les mesures de fermeture des magasins prévues dans le cadre du bouclage partiel du pays.
commentaires (8)
Les seuls à ne pas sentir les effets du confinement sont les fonctionnaires d’état (avec un E minuscule, c’est voulu), eux qui ont l’habitude de toucher leur salaire sans rien foutre... Ça me doit pas les changer beaucoup. Le seul changement éventuel c’est que comme il y a moins de formalités qui se font, ils peuvent de moins en moins racketter le citoyen qui a besoin d’un tampon ici ou là... Mais sinon, ça va pour eux.
Gros Gnon
21 h 25, le 25 août 2020