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Culture - Rencontre

Hala Ezzeddine : Partir pour mieux revenir, ou pas...

Elle a 30 ans et 10 ans de dur labeur à son actif. Après avoir offert sa dernière toile (post-4 août), elle range sa valise, un billet d’avion dans son sac et la misère de Beyrouth au fond du cœur.

Hala Ezzeddine : Partir pour mieux revenir, ou pas...

L’artiste dans son atelier. Photo DR

Originaire du village de Ersal, Hala Ezzeddine obtient en 2015 le prix Boghossian. En 2016, elle est lauréate du 1er prix Génération Orient qui consacre le(la) meilleur(e) artiste de l’année ; en 2019, elle expose à la galerie Saleh Barakat. Aujourd’hui, elle prend l’avion, la misère de Beyrouth dans le cœur... Rencontre avant le départ.

Un avant …
Pour Hala Ezzeddine, le confinement était un mode de vie auquel elle était habituée. Pour produire, il lui faut la majorité du temps être enfermée dans son atelier, un enfermement utile et nécessaire à la création. Dans un premier temps, familiarisée avec ce rythme de vie en solitaire, elle vit cette période imposée avec beaucoup de sérénité. L’isolement n’était pas une fatalité tant qu’il ne gelait pas sa créativité. Et plutôt que de descendre dans la rue, elle s’évadait en hauteur, sur le toit de son immeuble, pour méditer sur sa ville silencieuse et figée, et l’immortaliser. Pour elle, la création ne s’interrompt pas, bien au contraire ! Malgré ou à cause de cet événement exceptionnel vécu par l’humanité, même confinée, elle produit. Mais le pays est plongé dans un marasme qui se prolonge et l’économie s’effondre. L’artiste prend conscience que sa vie est en train de changer. D’abord l’impact sur son calendrier avec le report de sa seconde exposition programmée en avril 2020 à la galerie Saleh Barakat, ensuite l’impact financier qui va avec. Les tubes de peinture ont triplé de prix et l’artiste n’arrive plus à suivre. Désormais, ce sera le quotidien en quarantaine qu’elle couchera sur ses toiles, en noir et blanc. Elle revient à son medium de prédilection et se met à dessiner à nouveau au crayon mine. Mais Hala Ezzeddine est de ces artistes qui vivent pour et de leur travail. Alors, comment suivre et survivre ?

Hala Ezzeddine lors de son exposition à la galerie Saleh Barakat en 2019. Photo Michel Sayegh

Et un après ?
Survivre était pour elle un verbe qu’elle conjuguait sur les plans artistique et financier. Et voilà que le 4 août lui fait réaliser, comme des milliers d’autres miraculés, que l’on pouvait le conjuguer à d’autres temps. D’abord reconnaissante, elle n’en demeure pas moins désespérée de voir ces dix années passées à se construire en tant qu’artiste réduites à néant. De son village qu’elle a quitté il y a quelques années contre le gré de ses parents, à l’université où elle s’est inscrite grâce à l’aide morale et financière de ses mentors et maîtres, des nuits sans sommeil dans un 50 m2, aux cours de peinture qu’elle a suivis avec acharnement et obstination, elle accumule les années de combat. Une première exposition à la galerie Saleh Barakat, et la voilà qui joue dans la cour des grands. Elle prend ses marques et rêve de s’envoler encore plus loin. Mais le pays tombe et l’entraîne dans sa chute. « Aujourd’hui, dit-elle, la question ne se pose plus, il me faut partir. » On lui propose une résidence en Suisse chez Analix Forever, une galerie fondée en 1991 à Genève par Barbara Polla, une galerie hors norme qui privilégie les collaborations avec de nombreux acteurs du monde de l’art, et pour laquelle la découverte et la valorisation de la jeune création y sont déterminantes. Déchirée entre son amour pour une ville qui lui a tout donné et le besoin de se protéger, Hala Ezzeddine va quitter les frontières de la mort pour la première fois de sa vie et fouler une ville de paix. « J’ignore ce qui m’attend, dit-elle, je suis encore sous le choc et j’attends de voir, une fois à l’étranger, comment composer avec cette grande inconnue. Ce n’est pas tant la peur de mourir qui me pousse à partir, mais la peur de m’assombrir encore plus. J’aime Beyrouth, et lorsque, le lendemain de l’explosion, je suis montée visiter mes parents à Ersal, il me tardait de revenir, d’être à nouveau au cœur de ma ville qui saignait ; impossible de faire taire ce qui hurlait en moi, impossible de me détacher et de tenter d’oublier, comme s’il me fallait souffrir avec les souffrances des autres. Mais en même temps, tout ce que j’avais vécu remontait à la surface. »

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Hala Ezzeddine a trente ans. Certes, elle n’est pas une enfant de la guerre civile, mais elle est une enfant de Ersal. Celle qui, un jour, en chemin vers son village natal, dans un van qui transportait d’autres villageois, se réveille avec un revolver sur la tempe. Le conducteur est abattu sous ses yeux et il lui a fallu ruser pour échapper à la mort en dissimulant sa confession et son identité. Un an durant, à chaque passage par cet endroit où elle a flirté avec la mort, ses membres l’abandonnent et ses yeux se voilent. La haine, la violence, la mort, cette enfant qu’elle était, elle a tout sublimé dans les yeux des enfants qu’elle a couchés sur ses toiles. Cinq longues années pour dépasser des traumatismes imposés par son propre peuple. « Et voilà, dit-elle, que je revivais chaque instant. Depuis le 4 août, je ne dors plus, dit-elle, non par peur de la mort, mais par la terreur de devoir encore vider mes tubes de peinture en douleur et noirceur. Aujourd’hui, j’ai envie de peindre la vie, celle qui donne à sourire, celle qui vous emmène sur les chemins de la rédemption et de la cicatrisation. Je ne veux plus que mon art ait la couleur de la destruction, je ne veux plus que mes yeux ne croisent que la désolation. » La seule œuvre que Hala Ezzeddine ait réalisée après le 4 août est le portrait de ce petit garçon, déjà entamé. Ce n’est pas elle qui finira le portrait, mais Hala Ezzeddine citoyenne de Beyrouth dont le cœur saigne… tout comme ce petit garçon.

Originaire du village de Ersal, Hala Ezzeddine obtient en 2015 le prix Boghossian. En 2016, elle est lauréate du 1er prix Génération Orient qui consacre le(la) meilleur(e) artiste de l’année ; en 2019, elle expose à la galerie Saleh Barakat. Aujourd’hui, elle prend l’avion, la misère de Beyrouth dans le cœur... Rencontre avant le départ.Un avant …Pour Hala Ezzeddine, le...

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MALHEUREUSEMENT QUAND ON PART C,EST QU,ON PART. ET CE SONT LES COMMUNAUTES CHRETIENNES QUI PARTENT. D,URGENCE LE PAYS EN CANTONS A LA SUISSE POUR ARRETER LE SAIGNEMENT ET GARANTIR LA SURVIE DE TOUTES LES COMMUNAUTES DANS UN LIBAN DIVISE MAIS UNI A LA SUISSE.

LA LIBRE EXPRESSION

11 h 38, le 22 août 2020

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Commentaires (1)

  • MALHEUREUSEMENT QUAND ON PART C,EST QU,ON PART. ET CE SONT LES COMMUNAUTES CHRETIENNES QUI PARTENT. D,URGENCE LE PAYS EN CANTONS A LA SUISSE POUR ARRETER LE SAIGNEMENT ET GARANTIR LA SURVIE DE TOUTES LES COMMUNAUTES DANS UN LIBAN DIVISE MAIS UNI A LA SUISSE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    11 h 38, le 22 août 2020

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