
Les juges du TSL lors de la séance d’hier. Piroschka van de Wouw/AFP/ANP
Il a suffi que le Tribunal spécial pour le Liban déclare Salim Ayache, membre du Hezbollah, coupable dans le cadre de l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri, ancien Premier ministre, pour que l’opposition considère que c’est le Hezbollah dans son ensemble, qui est clairement stigmatisé dans cette affaire, au même titre que le régime syrien.
Le TSL s’est conformé à son statut selon lequel il est compétent à « l’égard des personnes responsables de l’attentat (...) ». Mais pour les opposants, la véritable « victoire » réside dans le fait que le tribunal a reconnu que le meurtre est un « crime politique ». C’est cette interprétation que Fouad Siniora, grand compagnon de route de Hariri, livre à L’Orient-Le Jour. « Il s’agit d’un crime politique qui visait à pérenniser la mainmise syrienne sur le Liban. La décision d’assassiner Rafic Hariri a été prise par Damas, et le Hezbollah l’a exécutée, parce que Hariri luttait contre la mainmise syrienne », déclare M. Siniora, appelant à ce que le verdict soit respecté et appliqué.
Marwan Hamadé, député joumblattiste démissionnaire et victime d’une tentative d’assassinat (le 1er octobre 2004) qui relève de la compétence du tribunal, partage le même point de vue. « Je pense que le verdict est venu à point nommé pour décrire la conspiration (contre Rafic Hariri) avec tout son background politique », souligne-t-il à L’OLJ, avant d’ajouter : « La cour a clairement désigné le chef de file des assassins dont les relations avec le Hezbollah ne font aucun doute. » Et d’appeler à « ne pas mettre en doute la compétence des juges ni leurs travaux ». Sans vouloir se lancer dans des interprétations politiques du jugement, M. Hamadé confie se contenter « de lire le texte attentivement » et « laisser aux gens de tirer les conclusions qui s’imposent », tout en précisant que la résolution 1757 du Conseil de sécurité (2007), qui instaurait le TSL, ne lui permet pas de condamner des États ou des groupements.
« Un tribunal non politisé »
Au-delà du verdict en soi, c’est surtout le professionnalisme d’un tribunal « non politisé » que les figures de l’opposition saluent en réagissant au jugement rendu hier. Alors que d’aucuns s’attendaient à ce que le Hezbollah soit explicitement accusé, le tribunal s’est contenté de condamner un des membres du parti, tout en s’abstenant d’attribuer la responsabilité du crime au directoire du parti chiite pour manque de preuves. « C’est un tribunal d’un grand professionnalisme qui s’est exprimé hier, dans la mesure où il n’est pas censé faire un jugement politique, mais se base sur des faits », déclare à L’OLJ Farès Souhaid, président du Rassemblement de Saydet el-Jabal, et une des figures de la lutte antisyrienne aux côtés de l’ex-Premier ministre. Et de poursuivre : « Le texte du verdict sera entre les mains de la communauté internationale et plus précisément les Nations unies à qui il revient de définir une orientation politique. »
Même son de cloche du côté de Mona Fayad, militante et professeure universitaire, hostile au Hezbollah. Elle se félicite du fait que le TSL est un tribunal « non politisé » qui a agi « d’une manière transparente et objective en liant le verdict à l’action politique de Rafic Hariri et au contexte dans lequel est intervenu son assassinat ». Mme Fayad reconnaît toutefois la dimension éminemment politique du jugement, qu’elle perçoit comme « une victoire pour la justice et une condamnation du Hezbollah ».
L’opposition est donc satisfaite du jugement du TSL visant un membre du Hezbollah. Mais elle s’attend à ce que celui-ci s’acquitte de ses responsabilités en facilitant l’exécution de la sentence. Emboîtant le pas au leader du Futur, Saad Hariri, Fouad Siniora renvoie la balle dans le camp du parti chiite. « S’il refuse l’exécution du verdict, c’est qu’il ne veut pas d’un partenariat. »
En attendant, Marwan Hamadé se veut optimiste. Selon lui, après le discours « positif » de Saad Hariri, le Hezbollah devrait permettre au jugement d’être appliqué. Quant à Moustapha Allouche, ancien député haririen de Tripoli, il estime que Saad Hariri n’a pas attaqué le Hezbollah, mais a défini les grandes lignes de la prochaine phase : « Plus de compromis illogiques », affirme-t-il dans une allusion tant à l’entente conclue avec le chef de l’État, Michel Aoun, qu’au modus vivendi observé avec le Hezbollah depuis 2014.
Pour ce qui est du Liban officiel, le président de la République, Michel Aoun, s’est distingué de son allié traditionnel, le Hezbollah, hostile à la cour internationale. « Rendre justice dans l’affaire de l’assassinat de Rafic Hariri et ses compagnons répond à la volonté de tout le monde de tirer au clair les circonstances de ce crime qui a menacé la paix civile au Liban et porté atteinte à une personnalité ayant un public et un projet national », a écrit M. Aoun sur Twitter, ajoutant : « Que le verdict rendu aujourd’hui (hier) soit une occasion pour se rappeler des prises de position du martyr et ses appels à unifier les efforts et faire barrage aux tentatives de semer la discorde. »
Le président de la Chambre, Nabih Berry, a, lui, espéré dans une déclaration à la presse que l’on puisse édifier « le Liban dont a rêvé le Premier ministre martyr ».
Ce même souhait, le Premier ministre démissionnaire Hassane Diab l’a formulé, dans un communiqué. « J’espère que le jugement pavera la voie à ce que justice soit faite et que la stabilité soit consolidée », a-t-il dit dans un communiqué.
Réagissant également à la sentence, Baha’ Hariri, fils aîné de l’ex-chef du gouvernement assassiné, a affirmé dans un communiqué, qu’il « respectait le jugement » et qu’il fallait « chasser ce nuage noir » que représente le Hezbollah « si nous voulons briller en tant que pays ». « Le tribunal a confirmé que l’assassinat était un acte politique commis par ceux dont les activités étaient menacées par mon père, après qu’il eut décidé que la Syrie devait quitter notre pays », a encore dit M. Hariri.
Notons enfin que Nazek Hariri, veuve du défunt, s’est félicitée dans une déclaration à la chaîne MTV du « jugement historique du TSL », qui est à même de revivifier « la culture de la reddition des comptes ».
Ils faudrait plutôt que cette opposition réapprenne à lire , c'est RIDICULE
04 h 27, le 21 août 2020