
Emmanuel Macron mène des contacts pour faciliter la genèse du cabinet. Photo d’archives ANI
Deux jours après la démission du gouvernement de Hassane Diab, l’inertie et le flou entourent toujours le processus de formation de la nouvelle équipe ministérielle. Et pour cause : la présidence de la République n’a toujours pas fixé la date des consultations parlementaires contraignantes en vue de nommer le futur chef du gouvernement. Alors que le Liban ne peut, une semaine après la catastrophe du port et alors qu’une crise économique et financière sévit depuis des mois et qu’une partie de la population conteste la classe politique dans la rue, s’offrir le luxe du temps, la présidence continue à parier sur la capacité des protagonistes de la scène politique à s’entendre sur l’identité du prochain Premier ministre. Face aux tractations gouvernementales, un grand classique, la France s’active sur le plan international, en vue d’une solution politique dont le point de départ serait la formation rapide du cabinet. Cette action française s’explique par le fait que Paris s’impatiente de voir le Liban engager enfin les réformes tant attendues afin de débloquer les aides promises depuis avril 2018 et d’ouvrir la porte à l’assistance du Fonds monétaire international. Lors de sa visite à Beyrouth la semaine dernière, donc avant la démission du cabinet, le président Emmanuel Macron avait déjà averti les dirigeants libanais que sa visite au Liban, le 1er septembre, à l’occasion du centenaire du Grand Liban, serait aussi l’occasion de faire un point sur le lancement des réformes.C’est donc pour accélérer la mise sur pied de l’équipe ministérielle, mais aussi le processus de redressement du pays, que M. Macron s’est personnellement invité dans la partie. Il est ainsi entré en contact avec son homologue iranien, Hassan Rohani. Un entretien lors duquel, selon un communiqué de l’Élysée, M. Macron a « rappelé la nécessité, pour toutes les puissances concernées, d’éviter toute escalade des tensions ainsi que toute interférence extérieure, et de soutenir la mise en place d’un gouvernement en charge de gérer l’urgence (après la double explosion du 4 août, NDLR), de mettre en œuvre les réformes politiques et économiques nécessaires et de répondre aux aspirations du peuple libanais ».
Le président français s’est également entretenu au téléphone avec son homologue russe Vladimir Poutine, pour lui délivrer le même message et insister sur la nécessité pour les membres permanents du Conseil de sécurité de « soutenir la mise en place d’un gouvernement de mission afin de permettre la reconstruction de Beyrouth (après le cataclysme du port, NDLR) et la mise en œuvre des réformes », comme on peut le lire, là aussi, dans un communiqué publié par l’Élysée. De son côté, le chef du Kremlin a insisté sur la nécessité de « régler les problèmes libanais sans interférence extérieure ».
Ces contacts entre le président français et ses deux homologues iranien et russe interviennent donc une semaine après sa visite éclair à Beyrouth, dans la foulée de la tragédie du 4 août. Un déplacement qui avait suscité un tollé à la suite de propos attribués à Emmanuel Macron et selon lesquels il aurait appelé à la formation d’un gouvernement d’entente nationale, une option que refuse catégoriquement le mouvement de contestation. Dans certains milieux politiques informés, on précise que la formule « gouvernement d’entente nationale » a disparu, le chef de l’Élysée s’étant abstenu de se prononcer sur la forme de la future équipe. Mais on assure que le président français est « déterminé à tenir sa promesse faite aux Libanais et tiendra compte du message qu’ils lui ont adressé à Gemmayzé ». « Aidez-nous ! », « Le peuple veut la chute du régime », avait ce jour-là scandé la foule lors d’une tournée du président français dans ce quartier dévasté de Beyrouth. Ce à quoi M. Macron a assuré qu’il proposerait « un nouveau pacte politique » aux dirigeants libanais et leur demanderait de « changer le système, d’arrêter la division (...), de lutter contre la corruption ». M. Macron s’est également entendu avec le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, lors d’un entretien téléphonique, sur la mise sur pied d’un gouvernement « efficace et capable d’opérer les réformes, quelle que soit sa composition ».
Premier obstacle à la formule d’entente nationale
Parallèlement, sur le plan strictement local, des sources proches de Baabda, citées par notre correspondante Hoda Chédid, s’emploient à distiller des informations selon lesquelles un cabinet d’union nationale serait le plus probable. Et de faire savoir que le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, a été chargé de mener des contacts avec toutes les forces politiques en vue d’assurer un consensus élargi autour d’une telle formule. Une option qu’a ouvertement appuyée l’ambassadeur de Russie à Beyrouth, Alexandre Zasypkin. « Nous préférons que soit formé un gouvernement d’union nationale dirigé par (le leader du Futur) Saad Hariri », a ainsi déclaré le diplomate dans une interview accordée à la chaîne MTV.
Sauf que contrairement à ce qu’auraient espéré Moscou et Baabda, cette formule se heurte déjà à un premier obstacle. C’est ce qui ressort des propos tenus hier par le chef des Forces libanaises, Samir Geagea. S’exprimant à l’issue d’une réunion du bloc La République forte, il s’est montré favorable à un « gouvernement neutre et indépendant ». Répondant à une question portant sur l’éventuel appui des FL à M. Hariri pour former la nouvelle équipe, le parti lui ayant retiré son soutien à la dernière minute lors des consultations parlementaires de décembre dernier, M. Geagea s’est voulu clair : « Nous sommes pour un gouvernement totalement neutre et indépendant, c’est-à-dire qui n’a des liens avec personne. » Une façon pour le leader maronite d’exclure implicitement tout appui à l’ancien Premier ministre, avec qui les rapports sont en dents de scie depuis la démission des FL du cabinet Hariri, au lendemain de la révolte du 17 octobre. D’ailleurs, M. Geagea a implicitement accusé le Futur et le Parti socialiste progressiste de Walid Joumblatt de l’« abandonner ». Il faisait ainsi allusion au refus des deux partis de se joindre aux FL dans leur volonté de démissionner du Parlement. Des informations que ne confirment pas les milieux de Moukhtara, rappelant que lors de la rencontre entre M. Geagea et une délégation joumblattiste la semaine dernière, le leader druze a lié son engagement à la démission des députés du Futur. D’où le fait que les joumblattistes ont fait marche arrière.
M. Geagea a par ailleurs appelé les sept députés démissionnaires à revenir sur leur décision, confiant être entré en contact avec le chef des Kataëb, Samy Gemayel, à cet effet. Un des rares contacts entre les deux hommes dont les rapports sont perturbés depuis des mois. Une source informée confie à L’Orient-Le Jour que l’entretien téléphonique entre MM. Geagea et Gemayel visait à ce que le chef des FL présente ses condoléances au leader des Kataëb après le décès du secrétaire général du parti, Nazar Najarian, dans la double explosion du 4 août. Il l’a informé qu’une délégation formée de Pierre Bou Assi, député de Baabda, et Melhem Riachi, ex-ministre de l’Information, se rendra à Bickfaya pour lui demander de revenir sur sa démission. Une option que M. Gemayel a refusée, appelant Meerab à lui emboîter le pas et à rompre avec « un système corrompu ». Le président français s’est dans ce contexte longuement entretenu avec M. Geagea qui a clairement défini les grandes lignes qui devraient être principalement débattues après la démission du cabinet Diab, ont rapporté des sources FL tard en soirée.
Geagea : Pas de démission des députés FL car cela profiterait au pouvoir
Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a écarté hier une démission des parlementaires de sa formation, alors que plusieurs députés ont déjà jeté l’éponge après les explosions meurtrières qui ont ravagé le port de Beyrouth.
« Il y a un consensus au sein des FL qu’il faut en finir avec le pouvoir en place, a dit M. Geagea lors d’une conférence de presse à Meerab. Le seul moyen de le faire est d’en finir avec la majorité parlementaire, à travers un nombre suffisant de démissions, afin que la Chambre soit démissionnaire d’office, puis d’organiser des législatives anticipées et d’aboutir à une nouvelle majorité. » « Mais après la démission du gouvernement, les groupes parlementaires du courant du Futur (de Saad Hariri) et du Parti socialiste progressiste (de Walid Joumblatt) ont hésité à présenter leur démission, et les FL sont restées seules, comme d’habitude », a regretté M. Geagea.
« Supposons que nous démissionnions, les choses s’arrêteraient là, avec la démission de 25 députés. Le ministre de l’Intérieur organiserait alors des législatives partielles et, dans ce cas de figure, des députés seraient élus avec 200 ou 300 voix, a-t-il ajouté. Avec 95 députés (sur 128), ils (les formations au pouvoir) peuvent modifier la Constitution. La démission en elle-même n’est pas un objectif. Il faut aboutir à des législatives anticipées. » « J’appelle tous les députés qui ont déjà présenté leur démission à revenir sur cette décision, car ces démissions seront vaines. C’est au sein du Parlement que nous avons une chance de changer les choses », a-t-il poursuivi.
Sur le plan de la formation d’un nouveau gouvernement, M. Geagea s’est dit « complètement contre un cabinet d’union nationale ». « Nous sommes en faveur d’un gouvernement entièrement nouveau, entièrement indépendant et entièrement neutre. Qu’aurions-nous fait si nous reprenions la même formule ? » a-t-il dit. Interrogé sur son éventuel soutien à la nomination de l’ex-Premier ministre, Saad Hariri, à la tête du prochain gouvernement, M. Geagea a éludé la question : « Il ne s’agit pas de savoir s’il s’agit de Saad Hariri ou non. »
Ils sont bien dans leur fauteuil , ils démissionneront jamais , c'est comme l'Ialie ils sont coles à leur fauteuil
19 h 46, le 13 août 2020