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Société - Billet

Beyrouth, de chair et en sang

Beyrouth, de chair et en sang

Photo J.R.B.

Il leur aura fallu quatre jours, mais les moustiques sont bel et bien de retour à Beyrouth, s’en donnant à cœur joie, invités à entrer par les trous béants de ce qu’il reste de nos foyers. Les mouches, en revanche, semblent avoir pris leur envol vers d’autres horizons, loin de la dystopie qu’est devenue l’histoire du Liban.

Accumulant crises économique, politique et sanitaire, les théories allaient bon train sur ce qu’il adviendrait du pays du Cèdre. Mais rien, rien ne présageait un tel scénario catastrophe. Les images ne mentent pas, mais la réalité est autre. Plus aucune vibration ni bruit ne seront perçus de la même manière pour les Beyrouthins, de même que le silence nocturne hanté par cette cacophonie cauchemardesque incessante.

L’éclat du verre qui se brise et dont on ramasse inlassablement les débris servira de traumatisme pour les années à venir. Gare à celui qui cassera un verre lors d’une soirée arrosée… Mais quand reviendront-elles, ces soirées ? À quoi sert la résilience quand on n’est plus à terre mais au fond du gouffre ? Devrons-nous ramper hors de nos cratères pour exorciser nos peurs et ressusciter l’espoir ?

Le billet de Fifi ABOU DIB

Ne nous dites plus jamais « courage » !

Ce 4 août, Beyrouth était en sang. Encore une fois. Le même sang que des hommes avides ont versé pendant quinze ans de guerre et ont continué à répandre, lentement mais sûrement, les trente années qui l’ont suivie. Mais quand laisseront-ils le Liban tranquille ? Doit-on espérer que cette double explosion qui a terrassé un peuple entier sonne le glas de la classe politique ? Ou doit-on agir, tout morts-vivants que nous sommes aujourd’hui, car même cela ne les détrônera pas ?

Lors du « samedi de la colère », les seules larmes du peuple étaient celles dues à la pluie de gaz lacrymogène qui est tombée sans distinction sur les femmes, les enfants, les vieillards, venus crier leur peine, leur haine et leur désespoir. Mais, en réalité, les yeux des Libanais sont secs. Les pleurs affaiblissent la colère, et c’est de la rage au cœur dont le peuple a besoin pour se débarrasser d’une élite qui n’en possède guère.

Si Beyrouth a saigné, c’est parce qu’elle est faite de chair. Et la chair, ça cicatrise et ça revit. La ville reprendra forme, le pays survivra et l’esprit de la nation vaincra ceux qui l’ont emportée dans les tréfonds. Poings serrés, coude contre coude, les Libanais n’ont plus d’autre choix que de se révolter ensemble une bonne fois pour toutes. Tous contre tous. N’ayez crainte, les amis. Ils sont des centaines, nous sommes des millions.

Si le bonheur réside dans la liberté, il apparaît qu’il faille toujours en payer le prix fort : celui d’une population soumise à la bêtise humaine au nom de l’absurdité du destin. Dans cette ville dévastée, même les morts ne reposent plus en paix. Au cimetière de Mar Mikhaël, les caveaux sont défoncés et des cercueils sont à découvert.

Doit-on vraiment accepter cela ?

Il leur aura fallu quatre jours, mais les moustiques sont bel et bien de retour à Beyrouth, s’en donnant à cœur joie, invités à entrer par les trous béants de ce qu’il reste de nos foyers. Les mouches, en revanche, semblent avoir pris leur envol vers d’autres horizons, loin de la dystopie qu’est devenue l’histoire du Liban. Accumulant crises économique, politique et sanitaire,...

commentaires (1)

Très beau texte. Merci d'avoir exprimé ce que nous ressentons .

Stephane W.

11 h 12, le 10 août 2020

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Commentaires (1)

  • Très beau texte. Merci d'avoir exprimé ce que nous ressentons .

    Stephane W.

    11 h 12, le 10 août 2020

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