Mais j’enrage que mon lien avec le passé ait été touché. Que « par négligence » je ne puisse plus montrer à mes enfants le visage de leur trisaïeul et qu’ils ne pourront pas le montrer à leurs enfants. Suis-je futile ? Non, je crois que la mémoire familiale appartient à cette grande fresque sociétale qui nous lie les uns aux autres, finit par créer un lien d’appartenance au voisinage, à la ville, au pays et nous ancre dans notre identité. « Par négligence » je dois voir réduits en poussière tous ces éléments qui racontaient un pan de la vie de mes parents et grands-parents et une tranche de l’histoire de ma ville.
Dans le fatras des livres tombés des bibliothèques, ressurgissent les ouvrages historiques sur le Liban, le pavé de Samir Kassir sur Beyrouth, les guides touristiques où le port occupe une place éminente. Des phrases ou expressions que je n’ai même pas besoin de lire me reviennent à l’esprit dans des tournures familières, poncifs des écoliers de toutes les générations : « Lien entre l’Orient et l’Occident, point d’arrivée et de départ de marchandises, plaque tournante du commerce régional »... Par quel tournant malfaisant de l’histoire notre illustre port est-il devenu le dépotoir de produits mortels et la chasse gardée de ceux qui ne sèment que la mort ?
Je ne mettrais pas les toiles et photos à la poubelle. Elles resteront là, avec leurs déchirures et lacérations, comme témoignage de la bêtise et de la barbarie des gouvernants du Liban des trente dernières années.
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Comme j’en comprends cette peine! ... de tout cœur avec toi, dans l’espoir que ça sera enfin l’impulsion pour le profond changement dont on a tellement besoin
22 h 52, le 08 août 2020