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Économie - Finances publiques

Le déficit public en baisse en mai, un résultat en trompe-l’œil

Les dissensions autour de la marche à suivre pour redresser le pays continuent de paralyser les négociations avec le Fonds monétaire international.

Le déficit public en baisse en mai, un résultat en trompe-l’œil

Le déficit public a atteint 3 012,69 milliards de livres à fin mai (soit 1,99 milliard de dollars au taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar). Photo M.A.

Alors que le Liban s’enfonce de plus en plus dans la crise qu’il subit depuis presque un an, marquée d’une dépréciation de la livre de « 80 % » selon l’agence de notation Moody’s qui a dégradé lundi la note du pays à « C », les chiffres publiés par le ministère des Finances ont révélé une baisse du déficit public à fin mai, la première de l’année.

Une diminution assez conséquente, de 16,28 % à fin mai en glissement annuel, pour près de 2 milliards de dollars au taux officiel de 1 507,5 livres pour un dollar, mais qui est pourtant loin de constituer une bonne nouvelle. Le pays a en effet fait défaut sur ses obligations d’État en devises depuis mars, ce qui a logiquement réduit la facture liée au service de sa dette. Lors du vote du budget 2020 en janvier dernier, le Parlement a en outre drastiquement réduit l’enveloppe des avances au Trésor destinées à Électricité du Liban pour 2020 – ce qui a forcé le fournisseur d’État à réduire sa production depuis le début de l’année, avec des conséquences de plus en plus lourdes pour les foyers libanais (voir par ailleurs). Les recettes ont également diminué, le pays tournant littéralement au ralenti depuis près d’un an, une situation aggravée par les mesures de confinement prises dès mars face au Covid-19.

Détail des chiffres

Plus en détail, le déficit public a atteint 3 012,69 milliards de livres à fin mai (soit 1,99 milliard de dollars au taux officiel), contre 3 598,48 milliards de livres atteints sur la même période un an plus tôt (2,39 milliards de dollars). Il représente près de 34,59 % des dépenses publiques totales sur le même exercice, qui ont atteint de leur côté 8 709,44 milliards de livres (5,78 milliards de dollars).

Ces dépenses sont en baisse de 15,67 % en un an. Les avances du Trésor à EDL ont reculé de 33,5 % à fin mai 2020 pour atteindre près de 607,788 milliards de livres (près de 402,77 millions de dollars). Elles représentent en outre 6,97 % des dépenses publiques sur les cinq premiers mois de 2020. Les « dépenses générales », qui incluent en principe les rémunérations du secteur public, ont faiblement diminué, de 0,69 %, à 5 981,8 milliards de livres (3,97 milliards de dollars), alors qu’en général, cette catégorie de dépenses augmente chaque mois.

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Les recettes de l’État ont, elles, reculé de 15,35 % sur la même période, à 5 696,76 milliards de livres (près de 3,78 milliards de dollars). Les recettes fiscales connaissent une baisse comparable (-22,64 % sur la même période à un peu plus de 4 144,19 milliards de livres ou 2,75 milliards de dollars), tandis que les revenus du secteur des télécoms affichent une diminution de 54,46 % par rapport à la même période l’an dernier pour tomber à 200 milliards de livres (132,67 millions de dollars). À noter que cette année, uniquement les mois de janvier et de mars ont comptabilisé des revenus liés aux télécoms de 100 milliards de livres chacun. L’année passée, à l’exception des mois de février, d’avril et d’août, qui n’ont généré aucun revenu provenant de ce secteur, aucun autre mois n’a enregistré de chiffre rond, comme c’est le cas cette année.

Le déficit primaire (sans compter le service de la dette) s’est élevé à 1 078,99 milliards de livres (soit 715,75 millions de dollars), ce qui représente un bond de 1 755,57 % comparé au déficit de 58,15 milliards de livres (près de 38,57 millions de dollars) atteint sur les cinq premiers mois de 2019. En mai 2020, le paiement des intérêts représentait 21,29 % des dépenses alors que contre 33,12 % à fin mai 2019.

Fausses rumeurs sur Lazard

Le pays traîne une dette colossale, qui a atteint 92,9 milliards de dollars à fin avril pour un ratio dette/PIB évalué par le gouvernement de Hassane Diab à 175,6 % en 2019 (un des ratios les plus élevés au monde), et dont Moody’s projette qu’il dépassera les 200 % cette année. Plusieurs pans de l’économie sont en lambeaux depuis plusieurs mois, tandis que les négociations entamées en mai par l’exécutif avec le Fonds monétaire international (FMI) pour décrocher une assistance financière sont bloquées depuis le 10 juillet.

Un blocage principalement lié au fait que les banques et la Banque du Liban ne veulent pas assumer la totalité des pertes qui leur sont attribuées par le plan de redressement de l’exécutif, élaboré avec l’aide du cabinet de conseil international Lazard recruté par le Liban en février et qui sert de base aux discussions. Certains partis politiques représentés au gouvernement s’opposent en outre – plus ou moins publiquement – à la mise en œuvre de réformes essentielles réclamées par l’organisation (électricité, contrôle des capitaux et lutte effective contre la corruption, entre autres). Selon une source proche du dossier, les banques et la BDL tentent de convaincre l’État de mettre 40 milliards de dollars d’actifs sur la table pour éviter de devoir mettre la main à la poche, ou en offrant la possibilité à leurs déposants de troquer une partie de leurs dépôts contre des participations à leur capital, qui serait également absorbé dans le cadre des pistes envisagées par l’exécutif pour restructurer le secteur financier. Les dissensions autour des choix à privilégier pour éponger les dettes du pays et redresser son économie ont d’ailleurs été à l’origine de nombreuses informations, plus ou moins fondées, qui ont circulé ces derniers mois. « La dernière en date, évoquée auparavant mais qui revient en force dans les discussions, est à mettre au compte des banques et de leurs alliés qui font courir le bruit que la rémunération exigée par le cabinet Lazard serait calculée sur la base d’un pourcentage de la portion de dette restructurée. Or cela est strictement faux : le cabinet s’est entendu sur un forfait fixe qui ne sera réglé que si la dette est restructurée », révèle une source proche du dossier, sans toutefois préciser le montant. Les banques veulent en effet éviter de restructurer la dette en livres libanaises alors que le plan du gouvernement planche sur cette solution.

Dans une interview accordée au site d’information Bloomberg, le ministre de l’Économie et du Commerce, Raoul Nehmé, a pour sa part estimé hier que le FMI pourrait octroyer une aide allant de 5 à 9 milliards de dollars, alors que le gouvernement, dans son plan de redressement voté fin avril, planchait plutôt sur une enveloppe de 10 milliards de dollars. Les montants évoqués par le ministre sont cohérents avec ceux avancés en mai par Garbis Iradian, un ancien du FMI et actuel économiste en chef de l’Institut de la finance internationale (IFI). Il avait alors indiqué que le Liban pouvait espérer entre 4,35 et 8,7 milliards de dollars durant une période de trois à quatre ans dans le cadre du mécanisme élargi de crédit (MEDC) du FMI. Mais pour l’heure, il n’existe aucune garantie que les négociations aboutissent, alors que plusieurs observateurs, dont la France, jugent le recours au FMI comme la seule issue possible pour le pays.

Audit de la BDL : le contrat d’Alvarez & Marsal amendé

Le gouvernement libanais, réuni hier en Conseil des ministres au palais présidentiel de Baabda, a donné son feu vert au ministre des Finances, Ghazi Wazni, pour signer les contrats avec le réseau néerlandais KPMG et l’Américain Oliver Wyman pour le volet comptable de l’audit de la Banque du Liban (BDL) que le gouvernement souhaite lancer depuis avril dernier. Toutefois, le contrat devant lier l’État à la société Alvarez & Marsal, choisie la semaine dernière par l’exécutif pour l’aspect juricomptable (forensic audit) de l’audit de la BDL, a été amendé et doit encore être approuvé par l’entreprise avant sa signature.

Contacté par L’Orient-Le Jour, le ministère des Finances n’a pas fourni de détails sur les amendements en question. La ministre de la Justice, Marie-Claude Najem, s’est, pour sa part, contentée d’indiquer que « le ministre des Finances va amender le contrat et le signer avec Alvarez & Marsal, après l’avis du comité de législation et de consultation au ministère de la Justice ».

L’audit de la BDL, ainsi qu’une loi sur le contrôle des capitaux, font partie des principales mesures que le Fonds monétaire international (FMI) souhaite voir adoptées avant de pouvoir répondre favorablement à la demande d’assistance financière formulée par le Liban début mai.

Lundi, notre correspondante Hoda Chedid avait indiqué que le projet d’accord avec Alvarez & Marsal, que devait présenter hier le ministre des Finances, n’était pas prêt, ajoutant qu’une controverse pourrait émerger à ce sujet car cette société n’a jamais effectué l’audit juricomptable d’une banque centrale. Selon des sources informées citées par notre correspondante, ce forensic audit pourrait, plus largement, buter sur des obstacles juridiques, notamment la loi sur le secret bancaire et le Code de la monnaie et du crédit, qui pourraient interdire de prendre connaissance des comptes.

Selon une source proche du gouvernement contactée par L’Orient-Le Jour, Alvarez & Marsal ne constitue pas un mauvais choix, bien qu’elle soit spécialisée dans la restructuration, et non dans le forensic auditing. « Il faut avancer, les annonces ne suffisent plus », estime cette source.

Alors que le Liban s’enfonce de plus en plus dans la crise qu’il subit depuis presque un an, marquée d’une dépréciation de la livre de « 80 % » selon l’agence de notation Moody’s qui a dégradé lundi la note du pays à « C », les chiffres publiés par le ministère des Finances ont révélé une baisse du déficit public à fin mai, la première de...

commentaires (4)

Le déficit public en déclin est en voie opposée au déficit mental de la clique qui nous gouverne qui elle dépasse le dollars à la hausse...

Wlek Sanferlou

23 h 24, le 29 juillet 2020

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Commentaires (4)

  • Le déficit public en déclin est en voie opposée au déficit mental de la clique qui nous gouverne qui elle dépasse le dollars à la hausse...

    Wlek Sanferlou

    23 h 24, le 29 juillet 2020

  • ET QUAND LE TAUX DU DOLLAR ARRIVERA A 15000 0U 25000 L.L. LE DEFICIT DE L,ETAT SERA REDUIT LES MOIS A VENIR. ET LA DETTE TOUT AUSSI. TOUT SERA CHARGE SUR LE DOS DES BAUDETS QUI ELISENT DE TELS MAFIEUX POUR LES GOUVERNER.

    LA LIBRE EXPRESSION

    20 h 18, le 29 juillet 2020

  • ABRA CADBRA CADABRUS.

    Sissi zayyat

    17 h 41, le 29 juillet 2020

  • Le déficit public en baisse en mai, un résultat en trompe-l’œil ca doit etre l effet du 97 % , qu est ce que ca doit etre avec les 3 % restant

    youssef barada

    00 h 44, le 29 juillet 2020

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