Louvoyant comme tous les pays entre le risque de la contagion et le risque de l’inaction, le Liban a reçu pour une brève visite « d’exigence et de solidarité » un ministre français des Affaires étrangères, venu au chevet d’un Liban malade, très malade, et incapable de se relever tout seul.
« Aide-toi, la France t’aidera » est le sens général de la démarche de Jean-Yves Le Drian, sauf qu’un certain Liban n’est pas disposé ni à s’aider lui-même ni à se laisser aider car ce serait compromettre sa fortune personnelle.
Main basse sur l’économie, les services publics, les adjudications, les grands et moins grands projets; main basse sur l’électricité, les pièces de rechange des centrales, le carburant ; main basse sur un système bancaire ; voilà certaines des ignominies contre lesquelles se bat le Liban, et il n’est pas dit qu’il viendra à bout d’un réseau de corruption dont les maîtres sont également les maîtres de nos destinées, et l’hymne national les berceuses que le gouverneur de la Banque centrale nous a chantées.
La France est là en amie. Il en va aussi de son intérêt et du rayonnement de la francophonie. Mais si le pays ne se reprend pas, si l’on ne va pas au bout de l’audit juricomptable de la Banque centrale, l’aide scolaire française de 15 millions d’euros que M. Le Drian a annoncée hier restera insuffisante pour sauver l’école privée de sa lente agonie.
Pour aider le Liban, il faut savoir aussi que le pays est à une « croisée de civilisations », partagé entre une élite hypersécularisée et un pays profond hyperreligieux complètement déconnectés l’un de l’autre. Ces contrastes font qu’à l’intérieur de chaque Libanais, il y a comme une plaque tournante, un point de rencontre entre l’Orient et l’Occident, ainsi qu’un être désorienté qui ne sait quelle direction prendre.
Seule une solide, profonde et exhaustive éducation nationale peut répondre à ces moments d’égarements et empêcher que des contrastes idéologiques de toute nature ne débouchent sur un divorce politique. « Il n’y a pas d’autre chemin vers la paix », a insisté hier Henriette Awit, en religion sœur Mariam an-Nour, directrice du Carmel de Mechref, incapable d’imaginer un seul instant la disparition de « la plus grande puissance éducative » du Moyen-Orient, pour reprendre une formule de M. Le Drian. Pour en revenir aux 15 millions d’euros que la France consent, et en dépit de la gratitude émue que nous ressentons à les savoir assurés, force est d’anticiper sur ce qui vient et de songer, au rythme où les choses avancent, qu’ils pourraient être, hélas, insuffisants. Car si gouverner, c’est prévoir, pour ceux qui pensent que tout espoir est perdu, il faut aussi prévoir le pire.
Le prix de l’inaction va continuer de monter , jusqu’à ce qu’il dépasse les risques que l’action comporte...C’est à dire le risque déboulonner le système et renverser la table ...Ça ne va pas se faire sans douleur. C’est là que quelque chose risque de se produire, avec beaucoup de casse à la clé..
21 h 19, le 25 juillet 2020