Le bras de fer se poursuit entre le gouvernement, résolu à relancer les travaux du barrage de Bisri, dans une vallée située entre le Chouf et Jezzine, et la société civile et plusieurs partis politiques, notamment le Parti socialiste progressiste (PSP), déterminés à faire échouer ce projet controversé. Au lendemain d’un dialogue quasi unilatéral engagé la semaine dernière par les pouvoirs publics, en collaboration avec les ministères de l’Information et de l’Environnement, au Grand Sérail, en l’absence de la majorité des détracteurs du projet, notamment les grandes formations de la société civile et des municipalités de la vallée, « le ministère de l’Énergie a demandé à l’entrepreneur de reprendre les travaux… sous la protection des forces de sécurité », selon des informations rapportées par le site d’information el-Nashra. Et ce à la suite d’une lettre adressée par la Banque mondiale au ministère de l’Énergie et au Conseil du développement et de la reconstruction fixant au 22 juillet le délai pour la reprise des travaux, suivant les dires du ministre, Raymond Ghajar, lors d’une réunion des commissions parlementaires mixtes.
La réponse ne s’est pas fait attendre. La campagne pour la préservation de la plaine de Bisri et le comité de suivi sur l’avenir de la plaine ont appelé à un sit-in ouvert à partir de demain 11 heures devant les entrées de la vallée pour empêcher l’entrepreneur d’y accéder. Mais c’est depuis mercredi soir que les détracteurs du projet y campent, jour et nuit, comme l’assure à L’Orient-Le Jour Roland Nassour, coordinateur de la campagne. Il estime que plusieurs problématiques sont liées au projet. « D’une part, l’opposition farouche des habitants de la région et de la société civile à ce barrage qui a été couronnée, après la révolte du 17 octobre 2019, par l’expulsion de l’entrepreneur du site et l’arrêt des travaux. D’autre part, la crise économique et financière rend encore plus difficile les dépenses sur des projets qui sentent le partage d’influence. »
Le barrage devrait être érigé dans une vallée verte reliant les cazas de Jezzine et du Chouf. Conçu pour alimenter Beyrouth, il est financé en grande partie par un prêt de la Banque mondiale et doit être exécuté par le Conseil du développement et de la reconstruction. La société civile, les municipalités de la région et le PSP s’y opposent pour plusieurs raisons. D’abord, il menace la biodiversité et le patrimoine riche de cette vallée, qui est traversée par une faille majeure du pays. De plus, la nature du terrain, riche par ailleurs d’eau souterraine, n’est pas propice au stockage d’eau. Plus encore, l’une des sources prévues pour ce projet est le lac du Qaraoun, dont l’eau est irréversiblement polluée. Les experts assurent que des alternatives moins coûteuses existent.
Corruption
« Dans le dossier de Bisri, la Banque mondiale joue le rôle de corrupteur vis-à-vis des administrations publiques concernées qui sont corrompues », affirme de son côté à L’OLJ Raja Noujaim, activiste. Selon des sources proches du dossier, « le problème majeur se pose au niveau des 450 millions de dollars proposés par la Banque mondiale au profit des plus démunis ». « Le gouvernement devait donner son accord vers la mi-juillet, poursuit-on des mêmes milieux. Or à ce jour, il refuse ce prêt et réclame que l’argent soit mis à sa disposition et qu’il ne soit pas directement distribué aux défavorisés. Par coïncidence, cette somme correspond presque au solde des prêts alloués au projet du tunnel et du barrage de Bisri, et non encore dépensés. »
Face à cette détermination du gouvernement à reprendre les travaux du barrage, Bilal Abdallah, député du bloc joumblattiste, assure à L’OLJ que le parti et le bloc « continueront à exercer une pression sur les autorités concernées pour qu’elles reviennent sur leur décision ». Sur son compte Twitter, il a déclaré que « cette insistance à défier la volonté du peuple et les habitants de la plaine de Bisri sera affrontée par tous les moyens démocratiques et légaux ». « Le barrage ne passera pas, nous protégerons la plaine », a-t-il insisté.
Le comité de suivi sur l’avenir de la plaine a, lui aussi, dénoncé « l’insistance du gouvernement à aller de l’avant dans ce projet, faisant fi de l’opinion des municipalités, des habitants, de la société civile et des experts qui rejettent ce projet destructeur ». Dans un communiqué publié à l’issue de sa réunion hebdomadaire, il a précisé qu’il a été convenu de « lancer le mécanisme de travail du comité technique afin de proposer des stratégies et des orientations scientifiques pour l’avenir de Bisri ».
commentaires (5)
Je ne comprends pas beaucoup mais l'emplacement est très beau pour le détruire avec un barrage
Eleni Caridopoulou
17 h 43, le 17 juillet 2020