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Culture - Success Story

Zeina Barakeh, son art tout en haut de l’affiche...

De Ras Beyrouth en 2006 à Times Square en 2020... En l’espace de 14 ans, cette artiste libano-palestinienne a réussi à se faire un nom, une carrière, une place enviable sur la scène artistique américaine. La preuve : l’une de ses œuvres a investi en juin dernier l’un des « billboards » géant du cœur de Manhattan.

Zeina Barakeh, son art tout en haut de l’affiche...

« Malgré la distance physique, ma vie et mon travail restent intimement liés au Liban », affirme Zeina Barakeh. Photo DR

Quel artiste ne rêverait-il pas de voir son art présenté sur l’un de ces fameux panneaux d’affichage géants qui font la renommée de Times Square ? Zeina Barakeh y a eu droit entre le 10 et le 15 juin dernier. Lorsque, dans le cadre de l’exposition « Tunnels of The Mind » (voir ci-dessous), l’écran Led géant de la galerie numérique ZAZ Corner, situé au coin de la 41st Street et de la 7e Avenue, en plein cœur de Manhattan à New York, a déroulé en continu une vidéo d’animation portant sa signature et mixant deux de ses précédentes œuvres : Homeland Insecurity et Slam Bang Blue. Une consécration pour cette artiste visuelle libano-palestinienne qui, depuis son installation aux États-Unis, il y a une quinzaine d’années, s’est engagée dans une voie artistique marquée du sceau des conflits de sa région natale. « Certes, je suis très heureuse de la visibilité élargie qu’offre à mon travail cette exposition qui touche le grand public et non pas uniquement une poignée de visiteurs comme dans une galerie ou un musée. Mais je suis aussi très émue que son écho soit parvenu jusqu’à mon pays d’origine, ma famille et mes amis libanais », confie Zeina Barakeh à L’OLJ, lors d’un entretien via WhatsApp pour en savoir plus sur son univers. « Car, malgré la distance physique, mon travail et ma vie restent intimement liés au Liban et à Beyrouth, où j’ai vécu mes années formatrices », assure-t-elle.

« C’est drôle, mon destin s’est souvent joué d’extrême justesse, à un instant, un jour, un point près », constate, en revenant sur son parcours, l’artiste (désormais) américaine – elle a obtenu sa nationalité il y a juste un an – mais qui ne continue pas moins à se présenter en tant que libano-palestinienne.

Un visa de justesse…

« C’est en ratant d’un point mon test d’admission en architecture à l’Université américaine de Beyrouth (AUB) que je me suis retrouvée aux débuts des années 1990 en architecture d’intérieur à la BUC (aujourd’hui LAU). Mon cursus comprenait des cours de dessin et d’art visuel, pour lesquels j’étais particulièrement douée. Ce qui m’a valu le prix Cheikh Zayed de la LAU. L’obtention de cette distinction m’a poussée à changer de voie pour m’orienter, après mon diplôme, vers la peinture et l’enseignement des beaux-arts à Beyrouth (à l’ACS). Une orientation confortée par deux résidences d’artiste auxquelles j’ai eu la chance de participer, en 2001 et 2004, au Vermont Studio Center, ainsi que par une exposition solo en 2005 à l’Espace SD organisée par Sandra Dagher, qui a joué un rôle déterminant dans mon parcours. Car c’est suite à la bonne réception de cet accrochage de portraits expressionnistes que j’ai pris la décision de partir l’année suivante développer mes compétences par un master en fine arts au San Francisco Art Institute. »

Un grand virage qu’elle amorce de justesse. « J’ai obtenu mon visa d’étudiante pour les États-Unis quasiment quelques heures avant que l’ambassade à Aoukar ne ferme ses portes durant la guerre de juillet », raconte Zeina Barakeh, qui, après maintes péripéties et une dangereuse traversée de la frontière libano-syrienne sous les bombes, débarque le 6 août 2006 à San Francisco.

Beyrouth, mémoire de guerre

« Une fois installée sur la côte ouest américaine, la mémoire de mon vécu de la guerre et de ses différents épisodes m’a totalement submergée au point d’imprégner tout mon travail artistique, de le recentrer vers un art nettement plus politique. D’autant que, fraîchement débarquée, j’ai été confrontée aux questions sur mon identité. Même si San Fransico Bay Area où je vis est très progressiste, il y a quand même parfois un certain regard stigmatisant porté sur les étrangers, et spécialement les personnes en provenance de notre région du monde. J’ai dû revenir sur toutes ces questions pour pouvoir me situer. Et cela a enclenché chez moi un nouveau discours artistique. Je ne pouvais plus peindre comme avant des (auto)portraits et des expressions de mon monde intérieur », confie cette artiste née à Beyrouth en 1972 de mère libanaise et de père palestinien, et qui a vécu l’intégralité de la guerre à Ras Beyrouth.

De son enfance marquée par la division de la capitale en secteurs est et ouest, cette ancienne élève du Collège protestant – qui devait traverser les lignes « rouges et vertes, et les barrages des milices » pour se rendre « en région chrétienne » chez sa meilleure amie (Joy Kanaan) –, puisera ainsi l’axe central, « l’essence même », souligne-t-elle, de son nouvel art.

Sur un billboard géant de ZAZ Corner à Times Square, les images tirées de deux œuvres d’animation de Zeina Barakeh. Photo DR

The Third Half

« Mes jeunes années à Beyrouth ont été caractérisées par des conflits perpétuels – les alliances politiques changeaient régulièrement, aboutissant souvent à des affrontements armés. Ceux qui partageaient des marqueurs géographiques et socio-économiques avec des factions politiques étaient considérés comme faisant partie de ces alliances et, par conséquent, étaient considérés comme des complices de la perpétuation des tensions civiles », indique-t-elle. « En réponse à ces divisions, j’ai conceptualisé un espace, The Third Half (La Troisième Moitié), dans lequel les individus existent en dehors des communautés fractionnées – un peu comme ces rassemblements de personnes qui se sont formés lors de la révolution du 17 octobre 2019. Et ce concept fonctionne comme un processus de production d’œuvres mettant en évidence les récits divergents du Moyen-Orient autour des interventions occidentales et des conflits régionaux », explique Zeina Barakeh.

L’artiste, qui occupe, par ailleurs, le poste d’Assistant Dean of Academic Affairs at San Francisco Art Institute (doyenne adjointe des affaires académiques au San Francisco Art Institute), explore ainsi dans ce projet en cours « comment les personnes et les espaces ou territoires se polarisent lors de divisions binaires », dit-elle. Entamé en 2008 par des peintures sérielles, c’est à travers l’animation, les médias numériques et les installations d’archives, « plus propices à un discours narratif », qu’elle interroge désormais les constructions identitaires, historiques, mémorielles et territoriales. En utilisant notamment les figures mythologiques du centaure et du cheval comme allégories des puissances colonisatrices et des peuples colonisés. Un discours qui s’applique aussi bien à des épisodes de l’histoire du Proche-Orient avec cette figure du centaure qui désigne le colonisateur – inspiré d’une photo d’archives de 1933 montrant un officier de la cavalerie britannique faisant corps avec sa monture – qu’à des situations de conflits et de belligérances bipolaires que l’on retrouve partout dans le monde actuel.

Oppresseurs et opprimés …

Des récits visuels dans lesquels Zeina Barakeh se glisse aussi parfois. Comme dans cette série de vidéo d’animation intitulée And Then… dans laquelle elle scénarise la visite de son avatar (il s’agit en fait de la reproduction de sa silhouette surmontée d’une tête de cheval) dans une Palestine sous mandat britannique, à Jaffa, où son père est né, pour combattre les colonisateurs et inverser l’histoire.

Un esprit de justice et de renversement des forces hégémoniques que l’on retrouve dans son film Homeland Insecurity qui a remporté le prix du Festival du film de Los Angeles Art House Santa Monica, en Californie en 2016, dans la catégorie animation. Ainsi que dans Slam Bang Blue qui a été primé en 2018 au Female Filmmakers Festival de Berlin, dans la catégorie court métrage d’animation expérimental sur le web.

Deux pièces dont elle a tiré la stop-motion animation présentée à Times Square. Sa première œuvre publique qui, outre la célébrité, lui donne surtout l’opportunité de présenter « un contre-récit de guerre par rapport à ce qui est généralement décrit dans les médias américains », se réjouit la talentueuse artiste engagée. « Finalement, tout mon travail traite de cet éternel conflit entre oppresseur et opprimé », résume celle qui a fait de l’art son arme de déconstruction de la guerre et de réparation des conflits.

Une image de Homeland Insecurity.

« Tunnels of the Mind » : un refuge en période de troubles

ZAZ Corner est une galerie numérique qui présente des œuvres d’art sur écran géant, en fait un panneau d’affichage LED au cœur de Times Square à New York. À l’occasion de la célébration de la 150e année d’existence du San Francisco Art Institute (SFAI), la ZAZ Corner a exposé, du 10 au 15 juin 2020, « Tunnels of the Mind », une sélection de 18 œuvres récentes d’artistes affiliés au SFAI. « Lesquels révèlent leurs mondes internes : à la fois subversifs, tangents, extraterritoriaux et surnaturels », explique Orit Ben-Shitrit, président du département du film du SFAI et curateur de cette exposition numérique. « L’art peut encourager l’empathie, et c’est la plus haute forme d’espoir. Lorsque notre réalité est dévastatrice – avec des meurtres racistes troublants et des inégalités sociales exacerbées par une pandémie –, l’imagination peut offrir un refuge et nous conduire à découvrir de nouvelles possibilités. »

Quel artiste ne rêverait-il pas de voir son art présenté sur l’un de ces fameux panneaux d’affichage géants qui font la renommée de Times Square ? Zeina Barakeh y a eu droit entre le 10 et le 15 juin dernier. Lorsque, dans le cadre de l’exposition « Tunnels of The Mind » (voir ci-dessous), l’écran Led géant de la galerie numérique ZAZ Corner, situé au coin de la 41st...

commentaires (3)

On ne peut pas être Et libanais et palestinien Comme on ne peut pas être eau et feu en même temps

Robert Moumdjian

01 h 01, le 16 juillet 2020

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Commentaires (3)

  • On ne peut pas être Et libanais et palestinien Comme on ne peut pas être eau et feu en même temps

    Robert Moumdjian

    01 h 01, le 16 juillet 2020

  • libano- palestinienne, citoyenne du monde ,voila ce qu'est une artiste ,voila ce que sont les artistes qui volent plus haut que le commun des mortels,pour leur bonheur mais parfois aussi ,leur malheur! j.P

    Petmezakis Jacqueline

    09 h 06, le 14 juillet 2020

  • La qualification de personne libano-palestinienne est un non sens , on ne l’eut etre les deux.

    Robert Moumdjian

    01 h 17, le 14 juillet 2020

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