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Économie - Focus

L’immobilier reste une valeur refuge pour les déposants libanais

Un récent rapport de Bank Audi note une hausse des investissements fonciers sur les cinq premiers mois de 2020.

L’immobilier reste une valeur refuge pour les déposants libanais

Les épargnants ont fortement dynamisé le secteur foncier, souligne un rapport de Bank Audi. Photo P.H.B.

Alors que l’économie libanaise ne cesse de s’effronder depuis le début de l’année, le secteur de l’immobilier continue de s’imposer comme une valeur refuge pour des déposants pris au piège entre une livre libanaise en chute libre et des restrictions imposées illégalement par les banques depuis l’automne dernier sur la majorité des comptes en devises.

C’est en tout cas ce qui ressort d’un rapport de Bank Audi publié début juillet qui cite également la crainte d’un éventuel « haircut » sur les dépôts (une ponction) comme un des principaux moteurs de la demande sur les cinq premiers mois de l’année. Ce scénario fait partie de ceux qui ont été évoqués ces derniers mois alors que le pays, qui a fait défaut en mars sur ses obligations en devises, négocie le déblocage d’une assistance financière auprès du Fonds monétaire international (FMI). Les auteurs du rapport rappellent que cette ruée vers l’immobilier dure depuis environ 10 mois, soit peu ou prou à partir du moment où les banques ont commencé à progressivement mettre des restrictions en place.

« Dollars libanais »
Si les analystes estiment que cette tendance devrait se poursuivre un temps, ils craignent toutefois qu’elle ne s’arrête abruptement une fois que les vendeurs arrêteront totalement d’être payés en « dollars libanais », du moins tant que les réformes pour redresser le pays ne seront pas lancées. Les « dollars libanais » sont les dépôts en dollars dans les banques soumis à des restrictions (retraits, virements à l’étranger) mais dont la BDL autorise la conversion en livres libanaises à un taux supérieur à la parité officielle de 1 507,5 livres (3 850 livres pour un dollar cette semaine). Ce alors que la livre a récemment atteint des abysses sur le marché noir. Le fait que les dollars libanais puissent être difficilement transférés a encouragé certains déposants à les dépenser dans l’immobilier. Par contre, « ceux qui ont vendu sont dans la majorité des propriétaires qui avaient des dettes à rembourser ; ceux qui n’ont pas de dettes ne vendent pas », relève Guillaume Boudisseau, consultant au sein du cabinet de conseil immobilier Ramco, contacté par L’Orient-Le Jour.

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À l’opposé, les clients des banques du pays peuvent librement disposer des « fonds frais », des devises déposées dans des comptes spéciaux institués à l’automne dernier par l’Association des banques du Liban, au moment d’harmoniser sommairement les restrictions mises en place. Selon une source bancaire contactée par L’Orient-Le Jour, certains établissements en manque de liquidités ont d’ailleurs proposé ces dernier mois à certains de leurs clients de convertir des devises fraîches en « dollars libanais » en appliquant un multiplicateur pouvant être supérieur à 2, voire 3 (100 dollars frais deviennent ainsi 200, voire 300 dollars libanais). Ce type de transactions a d’ailleurs profité à certains déposants possédant des comptes à l’étranger qui ont pu acquérir des biens immobilier à un prix en dollars inférieur en numéraire et a ainsi contribué à doper l’activité sur ce marché. D’autres en ont profité pour rembourser des prêts.

Valeur moyenne par transaction
Au niveau des chiffres, le rapport souligne que les épargnants ont fortement dynamisé le secteur foncier, dont la valeur a progressé de 52,5 % entre janvier et mai de cette année comparé à la même période en 2019, pour atteindre 3,7 milliards de dollars. Cela représente donc une hausse de 1,2 milliard de dollar sur la période. En revanche, le nombre de transactions affiche une légère baisse, de l’ordre de 0,8 % selon les chiffres du ministère des Finances, à 18 877 opérations, contribuant à faire bondir la valeur moyenne par transaction, à la même période (+ 53,7 % pour 196 994 dollars). Si c’est dans le caza de Baabda que le plus grand nombre de transactions a été enregistré sur les cinq premiers mois de 2020 (3 636, soit 19,3 % du total), c’est bien Beyrouth qui mène la danse concernant la répartition en valeur, en absorbant près de 38 % du total, soit 1,4 milliard de dollars. Cela fait grimper la valeur moyenne des transactions réalisées à Beyrouth à plus de 822 500 dollars (1 702 transactions enregistrées dans la capitale).

« Sur Beyrouth, environ un tiers des appartements invendus ont trouvé preneur. Mais tout ce qui reste n’est pas forcément à vendre », analyse Guillaume Boudisseau, qui avait déjà souligné, notamment en mai dans Le Commerce du Levant, l’effet levier sur les ventes provoqué par la crainte du « haircut ». Le consultant souligne de plus une particularité qui ne transparaît pas dans les chiffres. La hausse du nombre de ventes immobilières contraste avec la baisse de l’activité de construction, qui s’explique par la volatilité de la situation politique du pays, obstacle considérable pour la promotion de nouveaux projets fonciers, et par l’augmentation des coûts du matériel de construction.

En effet, Bank Audi note un déclin de 32,6 % en 2019 des permis de construire et leur chute de 61 % en glissement annuel sur les cinq premiers mois de 2020, précisant également que 38,9 % des projets de construction ont été développés dans la région du Mont-Liban en janvier et février de cette année (selon les derniers chiffres disponibles), suivie par le Liban-Sud (26,9 %), le Liban-Nord (23,5 %), la région de la Békaa (6,3 %) et celle de Beyrouth (4,4 %). Ces données régionales montent d’ailleurs un tournant historique avec la capitale en dernière position du classement : la surface de nouvelles aires de construction à Beyrouth a diminué de 82,4 % à janvier dernier, en glissement annuel. En conséquence de cette baisse générale des permis de construction, le rapport relève aussi une contraction des livraisons de ciment de 31,9 % sur l’année 2019 pour atteindre 3,2 millions de tonnes, contre 4,7 millions en 2018, et de 55,7 % sur le premier trimestre de 2020.

Alors que l’économie libanaise ne cesse de s’effronder depuis le début de l’année, le secteur de l’immobilier continue de s’imposer comme une valeur refuge pour des déposants pris au piège entre une livre libanaise en chute libre et des restrictions imposées illégalement par les banques depuis l’automne dernier sur la majorité des comptes en devises.C’est en tout cas ce qui...

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L’immobilier continuera de s’imposer ainsi une valeur refuge en attendant de jours meilleurs .

Antoine Sabbagha

07 h 55, le 15 juillet 2020

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Commentaires (1)

  • L’immobilier continuera de s’imposer ainsi une valeur refuge en attendant de jours meilleurs .

    Antoine Sabbagha

    07 h 55, le 15 juillet 2020

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