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Nos Lecteurs ont la Parole

Silence, ca pousse

Un enfant unique. Aux talents multiples. Une mer chaude et joyeuse. Salie, certes, mais pas irrécupérable. Des montagnes à visage multiple – enneigées, vertes ou désertiques. Un peu carriéristes, certes, mais faciles à reboiser. Un caractère généreux à l’extrême, une résilience difficile à mesurer. Tant et si bien que tout passe à coups de « heyda Lebnen ». Et pourtant. Enclin à être moins permissif. De parents inconnus – était-ce Fakhreddine ? Ou Howayek ? Ou 1943 Riad el-Solh ? Ou plus tard Moussa el-Sadr ? Personne ne sait et tout le monde s’en fout. Ou devrait. Un gamin qui existe et qui a eu une enfance à problèmes. Sous la tutelle d’une flopée de gardiens venus Dieu sait d’où, pour lui donner des conseils Dieu sait pourquoi. Parfois pro-iraniens, parfois prosaoudiens, pro-Occident ou pro-Extrême-Orient, enfin bref. Pro-beaucoup d’autres, mais souvent antilibanais. Des gardiens qui convoitent une partie de paradis. Des tuteurs qui gâtent. Qui ont prêté à répétition à un môme qui ne savait pas vraiment quoi faire de son argent. Et qui l’a dépensé comme l’aurait fait n’importe qui en recevrait tellement sans question.

Après près de 30 ans d’adolescence, un peuple en train d’atteindre l’âge adulte est en train d’apprendre à la dure que chaque action ou manque d’action a ses conséquences. Une majorité silencieuse au point d’être complice d’un crime à répétition, quand tout allait bien. Une minorité traitée d’alarmiste pendant longtemps par cette majorité égoïste qui trouvait son compte dans le désordre. Et puis soudain.

Octobre 2019, quelques-uns ont cru que c’était probablement la bonne. Ces alarmistes engagés et enragés qui finalement jouent leur rôle : sonner l’alarme. L’iceberg est en face. On fonce droit dedans. Sauf que tout le monde était bien occupé à participer au banquet. Une dilapidation de richesses au vu et au su de tout le monde, presque tout le monde bénéficiant aussi des miettes. On a tous mis du temps à réaliser que les cuisines étaient vides, que le pire était là. Pour ne rien arranger, une pandémie mondiale nous prive de l’attention de quiconque serait bien intentionné envers le Liban, ayant naturellement d’autres masques à fouetter.

Et nous voilà, en juillet 2020, en chute libre dans un gouffre qui serait apparemment sans fond. Et pendant qu’on se noie, quelques-uns sont encore à débattre de la couleur des fauteuils ou de l’uniforme de l’orchestre.

L’exemple le plus banal étant l’absence de réaction face aux démissions successives de deux personnes aux compétences indiscutées, toutes deux faisant partie de l’équipe en charge de négocier avec le FMI. Inconscients du drame qui se déroule, on choisit de se concentrer sur les détails de la démission d’Alain Bifani plutôt que de se concentrer sur le fond de son message : une oligarchie aux commandes, qui n’a que son intérêt à cœur, aux dépens d’une population qui se laisse conduire à l’abattoir. « Il aurait dû démissionner plus tôt. Pourquoi dire ce qu’il dit maintenant ? » Et puis, hop, que j’oublie tout pour m’acheter un peu de pain parce qu’il faut finalement que je survive ou hop, que je profite d’une bonne affaire à me faire puisque la monnaie se casse la gueule. Tous confiants que quelqu’un, quelque part, tire les ficelles et se rendra compte que la population meurt de faim, se ravisera et nous ramènera une solution miracle. Entre-temps, on profite du film et on attend le sauvetage.

Sauf que, voilà. Il n’y a pas de pas de complot. Il y a de l’incompétence et de la malhonnêteté. Or sans complot, pas de solution miracle. Des gens doivent aller en prison et payer pour leurs mauvaise gestion – intentionnelle ou pas. Ils devraient vite être remplacés par des gens compétents (et il y en a), capables de se retrousser les manches, de se salir les mains et d’oublier les querelles intestines.

Dans chaque malheur, on trouve une opportunité. L’opportunité est là. À nous d’exiger des comptes à la crasse politique actuelle. À nous de discuter entre nous, de nous élever au-dessus de l’endoctrinement partisan pour continuer de mettre la pression et d’exiger des comptes.

Tant qu’on sera divisé à prendre la défense de celui-ci ou de cet autre, ils se sentiront à l’abri et intouchables.

Et pour ceux qui désespèrent, qui blâment la révolte pour le naufrage économique, financier et social actuel, je voudrais encore leur rappeler qu’au sortir d’une relation toxique, on se sent toujours très mal face à l’inconnu et à la solitude. Mais la relation n’allait plus. « Il faut bien subir deux ou trois chenilles si on veut connaître les papillons », disait le petit prince. On s’est tous cassé la gueule en apprenant à faire du vélo, mais après ça, on a profité de la roue. On s’est révolté en octobre. Personne ne s’attendait à ce que ça marche du premier coup. Mais ce n’est pas une raison de ne pas vouloir le changement.

D’ailleurs, ce n’est plus un choix puisque tout a changé. Les situations de m..., ça ne s’arrange pas. Cela ne s’arrange jamais. On apprend et on s’améliore. On devient meilleur. Nous voilà donc devant une opportunité unique de reconstruire sur des bases saines maintenant que le château de cartes s’est écroulé.

Pour survivre, il faudra restaurer la confiance. Il faudra garder l’espoir, rester actif et vigilant, et continuer de se battre contre un système qui ne survit que grâce au défaitisme. Que ce soit pour que la diaspora se remette à déposer son argent dans un système bancaire assaini ou pour que les bâilleurs de fonds veuillent bien essayer de nous aider. « Aidez-nous à vous aider, bon sang ! » Et pour ce faire, pas d’autre choix que d’accepter notre part de responsabilité dans ce naufrage. Se relever et apprendre de ses erreurs. Exiger un gouvernement exceptionnel aux pouvoirs législatifs exceptionnels, qui puisse mener à terme les quelques réformes administratives nécessaires et lancer les réformes culturelles vitales pour des élections parlementaires accélérées. L’ampleur de notre drame nous paraît énorme tellement on en est proche. Mais de loin, on reste un petit paradis qui a juste besoin d’un peu d’entretien. Et c’est ce qu’on ne doit jamais oublier. Rendez-vous donc dans la rue. Et vive la révolution d’octobre !

*) Magazine télévisé français de 52 minutes consacré au jardinage et à la nature, diffusé depuis le 19 septembre 1998 sur La Cinquième, puis sur France 5 à partir de 2002

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Un enfant unique. Aux talents multiples. Une mer chaude et joyeuse. Salie, certes, mais pas irrécupérable. Des montagnes à visage multiple – enneigées, vertes ou désertiques. Un peu carriéristes, certes, mais faciles à reboiser. Un caractère généreux à l’extrême, une résilience difficile à mesurer. Tant et si bien que tout passe à coups de « heyda Lebnen ». Et...

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