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Moyen-Orient - Entretien

Pour la population du Golfe, l’État providence n’est plus une option

Kristin Diwan, chercheuse à l’Arab Gulf States Institute à Washington, répond aux questions de « L’Orient-Le Jour ».

Pour la population du Golfe, l’État providence n’est plus une option

Un trader portant un masque à la Bourse du Koweït, le 1er mars 2020. Yasser al-Zayyat/AFP

Alors que les répercussions économiques de la pandémie de Covid-19, mêlées à celles de la chute des prix du pétrole en mars, ont frappé les pays du Golfe de plein fouet, Kristin Diwan, chercheuse à l’Arab Gulf States Institute à Washington, fait le point sur les défis qui les attendent.

Comment la pandémie de Covid-19 et la crise des prix du pétrole ont-elles été gérées par les pays du Golfe ?

Les gouvernements du Golfe ont pris des mesures rapides et agressives pour faire face à ces deux crises. Ils ont réagi rapidement à la pandémie avec des mesures de prévention globales. Pourtant, certains pays comme l’Arabie saoudite ont vu une tendance inquiétante à la hausse des cas de Covid-19. Le virus s’est propagé parmi des groupes de travailleurs invités et des communautés d’immigrants puis ensuite avec l’assouplissement des mesures de confinement par le gouvernement. La tentative initiale de l’Arabie saoudite d’affirmer sa domination sur le marché pétrolier a dû être revue à la baisse en raison de l’effondrement de la demande de pétrole. Les prix se sont stabilisés mais à un niveau nettement inférieur. Désormais, tous les pays du Golfe doivent prendre des décisions difficiles sur la manière d’ajuster leurs économies pour tenir compte de la forte perte de revenus.

Quels sont les dossiers les plus urgents actuellement pour les pays du Conseil de coopération du Golfe ? Qu’en est-il des futurs défis ?

Comme c’est le cas à l’échelle mondiale, les pays du Golfe doivent rester vigilants pour éviter une résurgence du virus. Pourtant, le bilan économique des fermetures (des commerces) parallèlement à l’effondrement des prix du pétrole a créé un défi budgétaire immédiat. À court terme, les gouvernements du Golfe cherchent à réduire leurs coûts et à augmenter leurs revenus, à un moment où les entreprises souffrent énormément. Les travailleurs migrants sont en train de partir et le secteur privé plaide pour plus de soutien. La manière dont les gouvernements peuvent mettre en œuvre ces mesures d’austérité sans une forte contraction de leurs économies n’est pas claire. Alors qu’ils se tournent vers l’avenir, ils sont confrontés à une véritable énigme : les industries sur lesquelles ils tablent pour diversifier leurs économies – les compagnies aériennes et les ports, le tourisme – dépendent totalement du flux mondial de marchandises et de personnes.

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Comment les mesures d’austérité mises en place en Arabie saoudite ont-elles été accueillies par la population ?

Je pense que les gens sont un peu choqués par la rapidité et l’ampleur de ces politiques. Les Saoudiens sont confrontés à la fois à des réductions de subventions avec l’élimination de l’allocation pour le coût de la vie et à une augmentation des impôts due à la forte augmentation de la TVA de 5 à 15 %. Cela laissera certainement les Saoudiens avec moins de revenus à leur disposition et désavantagera également le secteur privé par rapport aux voisins du Golfe qui n’ont pas augmenté leur TVA. Il y a un certain espoir que les Saoudiens réagiront en prenant plus d’initiatives, en occupant des emplois qui étaient autrefois occupés par des expatriés. Mais il ne fait aucun doute que ce sera un ajustement réel et difficile, en particulier pour les classes moyennes et inférieures. Il y a une prise de conscience croissante de ces divisions de classes et des inégalités régionales, et des inquiétudes quant à leur évolution.

Dans quelle mesure est-ce le début de la fin de « l’âge d’or » dans la péninsule Arabique ?

Il y a une prise de conscience progressive que le généreux État providence n’est plus une option et que le mode de vie (actuel) n’est plus durable. Les États du Golfe ont déjà donné un nouveau ton, se tournant vers de nouvelles industries et mobilisant les citoyens pour contribuer davantage à travers un discours nationaliste. Mais jusqu’à présent, cela a été encouragé grâce à des investissements publics importants pour soutenir de nouveaux secteurs, les entrepreneurs et les créateurs issus du Golfe. Il n’est pas clair comment ils poursuivront cette avancée en termes d’infrastructures et de capital humain avec moins d’argent.

Quelles sont les prédictions en termes de ressources pétrolières ?

Les ressources pétrolières dans la région du Golfe ne sont pas en train de s’épuiser. C’est la demande qui évolue, alors que les consommateurs se tournent vers de nouvelles formes d’énergie plus durables et plus vertes. Il y a un changement notable dans la pensée selon laquelle les pays du Golfe doivent exploiter leurs ressources pétrolières plus rapidement pour anticiper ce changement. Cela devrait produire un environnement plus compétitif, ce que nous avons vu très clairement lors du dernier effondrement des prix du pétrole.

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Où en sont les pays du Golfe dans leurs plans et objectifs de diversification de leurs économies ?

Il est très difficile de diversifier une économie tout en profitant de ses ressources. Nous avons observé des succès notables en termes de diversification du pétrole à la pétrochimie et d’autres dérivés. De nouveaux investissements massifs dans les infrastructures ont également été effectués, en particulier dans les centres de transport tels que les ports maritimes et les aéroports. Les gouvernements du Golfe cherchent également à attirer la jeune génération grâce à la technologie et des efforts plus créatifs. Il n’en demeure pas moins que la plupart des citoyens du Golfe dépendent de l’emploi public et que les secteurs privés du Golfe sont intimement liés aux dépenses publiques. Nous pourrions maintenant avoir l’occasion d’observer comment une plus grande austérité s’applique – par nécessité – pour accélérer ces changements.

Alors que les répercussions économiques de la pandémie de Covid-19, mêlées à celles de la chute des prix du pétrole en mars, ont frappé les pays du Golfe de plein fouet, Kristin Diwan, chercheuse à l’Arab Gulf States Institute à Washington, fait le point sur les défis qui les attendent.Comment la pandémie de Covid-19 et la crise des prix du pétrole ont-elles été gérées par les...

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La maladie hollandaise chère à Nicolas Sarkis les rattrapent ! Enfin, les pays de la région vont pouvoir espérer vivre en démocratie.

TrucMuche

17 h 20, le 08 juillet 2020

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Commentaires (1)

  • La maladie hollandaise chère à Nicolas Sarkis les rattrapent ! Enfin, les pays de la région vont pouvoir espérer vivre en démocratie.

    TrucMuche

    17 h 20, le 08 juillet 2020

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