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Nos Lecteurs ont la Parole

Liban : terre des braves

Une république ne se résume pas à l’énoncé de valeurs unanimement partagées. Elle constitue au contraire, plus que jamais, un choix politique susceptible de créer des clivages, de susciter des oppositions, de traverser les frontières traditionnelles du jeu partisan.

Être républicain a-t-il encore un sens ? Pareille interrogation semble hors de propos dans un régime qui proclame, depuis un siècle, la forme républicaine de son gouvernement.

Être républicain, ce n’est pas seulement s’affirmer partisan de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. C’est aussi et surtout s’engager pour façonner un modèle institutionnel, économique et social qui leur permette de s’épanouir.

Que reste-t-il de l’universalisme quand on instaure des quotas pour imposer la participation de tel ou tel ministre relevant d’une communauté ou d’un parti, ou instaurer des quotas pour imposer la participation des femmes à la vie publique ?

Que reste-t-il de la solidarité sociale et de la souveraineté économique quand le bien-être des citoyens est sacrifié aux impératifs supérieurs de la profitabilité, de la concurrence et de la corruption ?

Ces exemples donnent la mesure de la difficulté du choix républicain. On voit surgir des communautés fondées sur l’appartenance ethnique, le sexe, des catégories sociales, religieuses ou partisanes reposant sur l’argent et qui font valoir des droits ou veulent garder des privilèges.

Tous les efforts se brisent entre nos mains, et la plus effroyable catastrophe menace d’engloutir la république entière : les dernières ressources du Trésor se sont épuisées. Les secours les plus prompts et les plus puissants nous sont indispensables. Le chômage sonne à la porte, le gouffre de la pauvreté s’agrandit et le pays gronde de colère. Le peuple se soulève, s’irrite, s’indigne. Les politiciens ont mis au Liban un bandeau sur les yeux et un bâillon dans la bouche. Pourquoi ? C’est pour cacher leurs malversations. Qui a peur de la clarté fait le mal. Vous avez enfreint les règlements, les institutions, la Constitution.

Vous dites que non.

Je dis que si.

Avec vous, on a le droit de supposer, le droit de soupçonner, le droit d’accuser, et quand vous vous taisez ou vous niez, on a le droit de croire.

Le peuple se soulève, s’irrite, s’indigne. Une erreur généreuse l’a saisi, une illusion l’égare. Il se méprend sur un fait, un acte, une mesure, une loi. Il entre en colère, il sort de ce superbe calme où se repose sa force, il accourt sur les places publiques avec des grondements sourds et des bonds formidables. C’est une émeute, une insurrection, une révolution peut-être. La tribune est toute dressée. Une voix s’élève et dit au peuple : « Arrête, regarde, écoute, juge ! »

Le peuple ne renverse pas les tribunes. Elles sont à lui et il le sait. La tribune rayonne pour le peuple et ce peuple ne l’ignore pas.

Où sont ces temps, ces beaux temps mêlés d’orages, mais splendides où tout était vie, où tout était liberté, ces temps où le Liban disait aux autres peuples et surtout aux peuples du Moyen-Orient et du Maghreb : « Soyez tranquilles, je fais la besogne de tous. »

Les mots « indépendance », « progrès », « orgueil populaire », « fierté nationale », on ne peut plus les prononcer au Liban. Nous sommes dans la chambre d’un malade. À la dégradation morale se joint la dégradation politique.

Fixons la situation. Le monde civilisé sent plus que jamais que le Liban est en péril.

L’apathie ingrate des gouvernements n’a fait qu’accroître l’anxiété des pays amis. Mais l’histoire du Liban a montré que malgré toutes les guerres, toutes les vicissitudes et une terreur de décapitation, ce pays va sortir du tunnel.

Aujourd’hui, ce qui eût tué toute autre nation, grande ou petite, l’a seulement blessé. L’assombrissement de son horizon a rendu plus visible sa lumière. Le Liban est une nation de citoyens, et non un troupeau de sujets. L’avenir est à la vie et non à la mort. Aucune catastrophe, politique, militaire ou économique, ne lui ôtera cette suprématie mystérieuse. Le nuage passé, on revoit l’étoile. Le Liban se sait aimé, parce qu’il est bon. Le juste, c’est le fond de l’homme ; le vrai, c’est le fond de Dieu.

Le Liban, terre des braves, est voulu et consenti de tous.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

Une république ne se résume pas à l’énoncé de valeurs unanimement partagées. Elle constitue au contraire, plus que jamais, un choix politique susceptible de créer des clivages, de susciter des oppositions, de traverser les frontières traditionnelles du jeu partisan.Être républicain a-t-il encore un sens ? Pareille interrogation semble hors de propos dans un régime qui proclame,...

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