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Nos Lecteurs ont la Parole

Aujourd’hui, j’espère

J’ai longtemps blâmé, encore et encore, et cela n’a fait que nourrir en moi un insoutenable sentiment d’impuissance. Voilà pourquoi maintenant je ne blâme plus. Aujourd’hui, j’espère. J’espère pour les seuls à qui cela peut encore faire une différence : nos petites Libanaises et petits Libanais, qui forgent encore leur personnalité.

Je suis désolée que vous ayez ouvert les yeux sur des temps aussi pénibles. Sachez que le Liban a connu des jours meilleurs dont vos aînés vous parleront, non sans une lueur de nostalgie qui pétille au fond de leurs yeux. J’espère que vous vous en souviendrez et qu’à votre tour vous les conterez aux générations à venir.

J’espère que vous pardonnerez à vos parents d’être restés, ils ont fait ce qu’ils ont pu. Le Liban a de tout temps été un mur étonnamment solide, malgré ses fissures mouvantes et ses fondations douteuses. Il était difficile de prévoir que le potentiel risque d’effondrement était à prendre au sérieux cette fois.

J’espère que vous ne haïrez pas votre patrie, parce que au fond, elle n’y est pour rien, elle. Le capitaine est le chef de l’expédition maritime, le navire n’en est que le jouet. Et, tout naturellement, c’est une chaîne de complémentarité, un commandant et un bateau seuls, cela ne fonctionne pas. Il faut un port, un quai, des docks, un équipage de matelots, tous aussi impliqués ; du bosco au mécano, du second au mousse.

J’espère que vous parviendrez à vous réfugier dans vos rêves, malgré votre enfance secouée. J’espère que le soir, lorsque vos parents craignent de ne pas avoir de quoi arrondir les fins de mois, vous êtes bel et bien endormis. J’espère que ce vécu quotidien de corruption et d’avilissement n’aura pas de répercussions majeures sur vos vies ultérieurement.

J’espère que les calomnies dont témoignent vos yeux innocents vous servent de leçon, et non d’exemple. J’espère que vous comprendrez que le respect des principes fondamentaux des droits humains est de ce monde, mais pas de cet État.

Enfin, si vous avez déjà changé de cap, je vous souhaite bonne chance, en espérant que la vie vous sourit de toutes ses dents et qu’un jour viendra où vous aurez la témérité de risquer un coup d’œil en arrière pour voir ce qu’il est advenu de votre pays d’origine. D’ici là, peut-être que nous aurons retrouvé notre Liban d’antan, un havre d’épanouissement et de prospérité. Et peut-être, je dis bien peut-être, que vous reviendrez.


Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

J’ai longtemps blâmé, encore et encore, et cela n’a fait que nourrir en moi un insoutenable sentiment d’impuissance. Voilà pourquoi maintenant je ne blâme plus. Aujourd’hui, j’espère. J’espère pour les seuls à qui cela peut encore faire une différence : nos petites Libanaises et petits Libanais, qui forgent encore leur personnalité. Je suis désolée que vous ayez ouvert...

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