La réouverture de l’Aéroport international de Beyrouth, après trois mois et demi de fermeture pour cause de confinement, devait être l’occasion hier pour les autorités aéroportuaires d’exhiber les mesures de sécurité sanitaires, annoncées à grands cris la veille, pour l’arrivée des premiers passagers. Du sérieux de ces mesures dépendra l’évolution de la pandémie de coronavirus au Liban. Mais la journée test, qui a vu la présence des deux ministres de la Santé, Hamad Hassan, et des Transports, Michel Najjar, et d’un nombre impressionnant de journalistes, a débuté dans le chaos le plus total. Un chaos alimenté par la colère des journalistes réduits à suivre les ministres dans leur bain de foule au pas de charge, à la rencontre des voyageurs arrivants, mais empêchés de photographier les manquements flagrants à la distanciation ou même d’interviewer les voyageurs. Résultat, le ton est monté, les forces de sécurité de l’aéroport ont fortement bousculé cameramans et journalistes qui s’entêtaient, malgré la réticence de certains voyageurs pris de court. Des caméras et appareils photos ont même été jetés à terre et brisés par les agents sécuritaires. En réponse à cette atteinte à leur liberté d’expression et d’exercice de leurs fonctions, les reporters dirigés vers la sortie ont qualifié tout haut de « chabbihas » (voyous à la solde du pouvoir) les agents de la sécurité de l’aéroport, annonçant par la même occasion leur décision de boycotter les ministres.
« Agglutinés comme des mouches »
Dans la zone franche du hall des arrivées, les voyageurs de la classe affaires attendent déjà leurs bagages. Premier vol commercial à se poser sur le tarmac depuis la nuit du 18 mars, l’avion de Dubaï a atterri il y a une demi-heure. Il est le premier d’une série de vols en provenance principalement des pays arabes. Et déjà, les plus chanceux ont terminé leurs formalités. Derrière son masque, Rami, un jeune consultant libanais résidant à Dubaï, sort tout juste de la boutique hors taxes où le dollar est comptabilisé à 8 000 livres libanaises avec un escompte de 20 % à la caisse. Il est impatient de rejoindre ses parents qu’il n’a pas vus depuis février. « J’avais l’habitude de venir les voir chaque week-end », dit-il. Pour ce faire, le jeune homme s’est plié aux recommandations des autorités libanaises. Il a réalisé un test de dépistage à Dubaï il y a 48 heures, et un second à son arrivée à Beyrouth. « Mes parents sont âgés et à risque, je vais donc me soumettre à une quatorzaine avant de les approcher », promet-il, faisant part de son désir de passer l’été au Liban. Quant aux mesures prises à l’AIB, il observe qu’elles se sont déroulées sans accroc. Sauf qu’il constate à regret la lenteur des formalités qui se déroulent toujours par écrit, avec papiers et crayons. « Qu’attend-on pour tout informatiser ? » demande-t-il.
Devant le carrousel à bagages, Lara attend sa valise. Cette habitante de Dubaï vient à peine de fouler le sol libanais pour y rendre visite à son père malade qu’elle déverse déjà ses griefs contre les autorités locales. « Non seulement j’ai peur de venir au Liban à cause du désordre ambiant, mais on m’a forcée à contracter une nouvelle assurance à mon arrivée, alors que je suis totalement couverte par mon assurance internationale, même en cas de Covid-19 », gronde-t-elle, visiblement irritée.
Derrière ces premiers arrivants, les queues s’étirent déjà. Les passagers, dont de nombreuses familles avec enfants, se pressent comme des mouches aux comptoirs, sans respect des normes de distanciation, pour se faire enregistrer aux tests PCR, passer le test, puis vérifier la conformité de leur couverture de santé. Et ce avant de passer au contrôle de la Sûreté générale, où les consignes sont plus strictes. Nul ne les rappelle à l’ordre. Le sol est pourtant tapissé d’autocollants rappelant aux passagers la sacro-sainte règle de distanciation d’un mètre et demi au moins. Mais il faut compter avec l’indiscipline des Libanais et le laxisme des autorités. Il faut aussi dire que le port du masque est de rigueur, une consigne généralement respectée, mis à part quelques rares personnes qui font parfois mine de reprendre leur souffle ou ajustent leur masque… sous la bouche.
Si la grande majorité des arrivants prennent leur mal en patience, comme Raquel, 32 ans, architecte d’intérieur, qui fait part de « son bonheur de venir respirer l’air de son pays pour quelques semaines de vacances », d’autres n’hésitent pas à afficher leur exaspération. Comme cette chercheuse en chimie, soucieuse de préserver son anonymat, qui, perdant ses nerfs, accuse pêle-mêle les responsables de lui avoir fait débourser 100 dollars pour un test de dépistage alors qu’elle venait à peine de le faire à Dubaï, et de ne pas respecter la distanciation. « Le pire, c’est qu’on ne m’a même pas donné un reçu pour mon test, accuse-t-elle. Allez voir aussi les gens agglutinés comme des mouches, dans l’attente de passer le test. C’est de la folie ! »
Des mesures à améliorer, promet la direction de l’AIB
C’est dans cette ambiance pour le moins fébrile qu’est survenu l’incident qui a provoqué la colère des journalistes. Un incident qui a aussitôt été dénoncé par les deux syndicats des rédacteurs de la presse libanaise et des photographes de presse. Ces derniers ont en effet accusé, dans des communiqués, les services de l’aéroport d’avoir eu recours à des « mesures musclées » et à « la force envers les journalistes qui ne faisaient qu’exercer leur métier ». Le premier invitant la direction de l’aéroport « à présenter ses excuses », le second réclamant « une enquête ».
Dans une volonté d’excuser les dérives des éléments sécuritaires, le chef du service de la sécurité aéroportuaire, le général Georges Doumit, sollicité par L’Orient-Le Jour devant la sortie de l’aéroport, a accusé la presse d’être à « l’origine du désordre ». « Les choses se déroulaient sans souci lors des vols de rapatriement. Pourquoi, aujourd’hui, en présence de la presse, les choses ont-elles dérapé ? » demande-t-il. « Pourquoi certains journalistes ont-ils qualifié nos agents sécuritaires de chabbiha ? » ajoute-t-il, dénonçant « le refus de certains journalistes de respecter le droit à la vie privée des voyageurs ».
De son côté, le directeur général de l’aéroport, Fady el-Hassan, a reconnu « les failles » de cette journée test. « Ce ne sont que les premiers vols commerciaux après une longue fermeture. Nous avons eu deux vols consécutifs (en provenance de Dubaï et de Dammam) et donc un rush d’arrivants », explique-t-il à L’OLJ, sans commenter les atteintes aux journalistes. « Nous avons mis en place des mesures sanitaires de sécurité que nous évaluerons lors d’une réunion qui se tiendra incessamment. Nous pourrons alors améliorer l’accueil des passagers, de sorte à mieux respecter la distanciation physique, et tout rentrera dans l’ordre », promet-il.
En dépit des appels au boycott, les deux ministres se sont exprimés devant la presse. Le ministre de la Santé a rappelé que « les équipes aéroportuaires et sanitaires doivent désormais composer avec quelque 2 200 voyageurs arrivants par jour, un nombre qu’ils traitaient en une semaine en période de confinement ». De son côté, le ministre des Transports a invité la presse « à transmettre une image globale, sans entrer dans les détails, car il est important de ne pas donner aux Libanais désireux de rentrer l’impression que leur pays n’est pas à la hauteur de ses responsabilités »… Sauf qu’en cette période de pandémie, l’urgence sanitaire ne peut être prise à la légère.
On. Nous invitE à venir dépenser des dollars au liban , dollars tant nécessaire mais qui va nous protéger des pickpockets Des agressions à mains armes organisés par la mafia de l aeroport qui appelle leurs copains sur motos afin d agresser un arrivant avec des dollars On risque de passer nos vacances à Ouzaii !!!!!
16 h 22, le 03 juillet 2020