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Culture - Initiative

I.M.A.gination, ou la générosité de Claude et France Lemand pour aider les artistes du monde arabe

Pour alimenter le fonds Claude et France Lemand de l’Institut du monde arabe, qui a notamment pour mission de soutenir les artistes, particulièrement touchés par la crise sanitaire et économique actuelle, ces donateurs ont confié 44 œuvres de leur collection personnelle à Christie’s Paris, qui organise une vente caritative en ligne, du 24 juin au 16 juillet.

I.M.A.gination, ou la générosité de Claude et France Lemand pour aider les artistes du monde arabe

Claude et France Lemand, en juin 2018. Photo Dahmane, Paris

Claude et France Lemand, dont la galerie représente la scène artistique arabe depuis 1988 à Paris, s’étaient déjà illustrés en octobre 2018 par leur générosité, lorsqu’ils avaient fait don de plus de 1 300 œuvres au musée de l’Institut du monde arabe, qui devenait l’établissement le plus important dans ce domaine en Occident. Un an plus tard, 200 œuvres sont venues compléter cette donation. « Plusieurs personnes du monde arabe avaient promis à l’époque d’alimenter le fonds que nous avions créé, dont la mission est d’enrichir et de valoriser les collections, d’organiser des expositions, d’encourager la recherche, de publier des catalogues et de soutenir la créativité de trois générations d’artistes, en particulier les jeunes », indique Claude Lemand à L’Orient-Le Jour. « Malheureusement, personne ne l’a fait, sans doute à cause de la détérioration de la situation dans tous les pays arabes. Des amis collectionneurs ont sauvé l’honneur, en offrant une peinture remarquable à l’IMA, comme Abraham Karabajakian et Amer Huneidi », précise le galeriste franco-libanais. Et d’ajouter : « Ce sont les artistes qui ont été les plus généreux, car ils ont vu que notre seul but était de faire connaître leur créativité aux visiteurs nombreux et variés des musées de Paris. » Citons comme exemple le grand artiste irakien de Londres, Dia al-Azzawi, les artistes libanais Etel Adnan, Fatima el-Hajj, Ayman Baalbaki, les syriens Youssef Abdelké, Khaled Takreti et Boutros al-Maari, et l’artiste yéménite de Marseille Nasser al-Aswadi. Sans oublier de nombreux artistes algériens et marocains, et une vingtaine de peintres parisiens, originaires des quatre coins du monde (Europe, Japon, Argentine, Mexique, Chili…). Le galeriste tient également à raconter comment s’est progressivement enrichi le corpus des œuvres d’Etel Adnan au musée de l’IMA. « Au départ, il comportait deux leporellos de l’artiste dans ses collections. Notre donation a ajouté 24 créations, réalisées entre 1976 et 2016. Notre geste l’a profondément touchée, et elle nous a offert plusieurs peintures, leporellos, aquarelles et dessins, qui ont ensuite rejoint la collection permanente du musée », ajoute le collectionneur.


Al-Maari, « Victor Hugo, Hakawâti Notre-Dame », 2019. Acrylique sur toile, 134 x 134 cm.


« C’est la mission de ma vie de soutenir les artistes »
La décision de Claude et France Lemand de mettre à la vente aux enchères une quarantaine d’œuvres pour alimenter le fonds de l’Institut du monde arabe, qui a entre autres pour mission de soutenir les artistes, particulièrement touchés par la crise sanitaire et économique actuelle, s’inscrit dans un projet au long cours. « C’est la mission de ma vie de soutenir les artistes. Depuis que j’ai commencé dans ce domaine, j’ai travaillé avec trois générations d’artistes, et j’essaye d’être à leurs côtés pour accompagner leur créativité. Nous avons dépensé beaucoup d’argent au cours des deux dernières années, et pour pouvoir continuer, nous avons confié à Christie’s la vente de 44 œuvres, réalisées par 26 artistes, originaires du monde arabe pour la plupart, sauf un Japonais et un Français, tous présents dans les collections du musée de l’IMA », explique Claude Lemand au sujet de la vente caritative, intitulée I.M.A.gination, qui aura lieu uniquement en ligne. Les estimations sont modérées, elles vont de 1 000 à 40 000 euros. Le premier lot est constitué d’une toile de Shafic Abboud, Saisons, réalisée en 1959, estimée entre 40 000 et 60 000 euros. Le corpus comporte d’autres peintres libanais de grande renommée, comme Etel Adnan, Assadour, Chaouki Choukini, Fatima el-Hajj, Hussein Madi ou François Sargolo.

La vente se terminera par une série de neuf peintures, produites entre 2019 et 2020 à l’initiative de Claude Lemand, en hommage à la cathédrale Notre-Dame de Paris, dévastée par un grave incendie en avril 2019. « J’ai pu remarquer à plusieurs reprises que lorsque je subis un choc très fort, je réagis sur le moment de manière constructive. Ainsi, lorsque j’ai été enlevé et blessé au début de la guerre civile libanaise (après un doctorat en France, Claude Lemand était revenu au Liban pour enseigner à l’université. Neuf mois plus tard, la guerre éclatait et, en décembre 1975, il était enlevé, NDLR), je suis resté positif pour m’en sortir, et la dépression est venue plus tard. Récemment, avec l’incendie de la cathédrale, j’ai été très ému, comme des millions de personnes, et j’ai appelé dès le lendemain plusieurs artistes. Je les ai invités à créer une œuvre d’art à partir de cette vive émotion. Ils ont réussi à rendre un hommage personnel, chacun dans son style et selon son univers artistique, à ce symbole du patrimoine universel de l’humanité. Dans cette démarche, un artiste du monde arabe est aussi légitime qu’un artiste français ou européen. L’incendie de cet édifice presque millénaire a rappelé à plusieurs d’entre eux leur enfance ou leur jeunesse, durant lesquelles ils avaient pu lire le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris, traduit en arabe dans une version abrégée, sous le titre Le Bossu de Notre-Dame (Ahdab Notre-Dame). Depuis que nous avons ouvert notre galerie en 1988, nous cherchons à montrer à l’Occident la part lumineuse de la civilisation arabe, avec ses grands artistes, ses écrivains, ses musiciens... » poursuit celui qui a ainsi rassemblé une série unique. Parmi les œuvres qui la composent, My tribute to Notre-Dame de Dia al-Azzawi, Salâm de Nasser al-Awadi, La Vierge à l’enfant de Najia Mehadji, Victor Hugo, Hakawâti Notre-Dame de Boutros al-Maari, ou encore Maryamouna, de Hani Zurob.

Une foi indéfectible dans l’art
Pour Claude et France Lemand, l’art et la culture sont déterminants pour l’épanouissement personnel et collectif des citoyens, et leur donation traduit leur souci de transmettre leur passion aux générations futures, appelées à visiter le musée de l’Institut du monde arabe, qui va rouvrir ses portes le premier juillet.

« J’ai grandi au Liban dans une famille modeste, croyante et pratiquante, raconte le galeriste. Au cours de mes études, je me suis intéressé aux questions religieuses, j’ai beaucoup lu et je me suis interrogé sur l’existence de Dieu et sur les religions du monde. Petit à petit, j’ai abandonné toute croyance aux religions établies et à leurs dogmes. Je ne suis ni croyant ni athée, mais agnostique, car je suis persuadé que l’intelligence humaine n’est pas capable de définir Dieu et de répondre aux questions métaphysiques fondamentales. » « Quand on ne croit pas dans un Dieu traditionnel, l’art devient “la seule religion possible”, selon la formule de Malraux. La création artistique est ce que l’humanité a produit de mieux depuis ses origines. L’instinct de mort et de destruction semble inscrit dans nos gènes, mais les artistes sont l’exception qui font honneur à notre humanité, ils lui permettent de se dépasser et lui donnent du sens, estime M. Lemand. Quand je suis devant un tableau qui me procure beaucoup d’émotion, peint par Abboud, Benanteur ou datant des siècles passés, j’ai l’impression que je communie avec l’univers et l’humanité. »

Claude et France Lemand, dont la galerie représente la scène artistique arabe depuis 1988 à Paris, s’étaient déjà illustrés en octobre 2018 par leur générosité, lorsqu’ils avaient fait don de plus de 1 300 œuvres au musée de l’Institut du monde arabe, qui devenait l’établissement le plus important dans ce domaine en Occident. Un an plus tard, 200 œuvres sont venues...

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