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Politique - Dialogue national

Les sujets de fond évités, la fuite en avant se poursuit

Débat fiévreux entre Michel Sleiman et Mohammad Raad au sujet de la déclaration de Baabda.

Les sujets de fond évités, la fuite en avant se poursuit

La réunion du dialogue national, hier, à Baabda. Photo Dalati et Nohra

S’il faut tirer une seule conclusion des assises de Baabda, qui ont réuni hier autour du chef de l’État, Michel Aoun, un maigre parterre politique monochrome (si l’on en excepte bien entendu l’ancien président Michel Sleiman et le député Teymour Joumblatt, représentant le chef du PSP, Walid Joumblatt), ce serait l’absence de toute volonté de la majorité qui détient aujourd’hui le pouvoir d’apporter la moindre modification à son discours et à un état de fait dont elle tire sa puissance.

Avec un communiqué final qui reprend grosso modo un langage politique traditionnel fade et éculé, la réunion de Baabda, déjà boycottée notamment par l’ensemble de l’opposition parlementaire, est apparue surtout en déphasage total avec le désespoir de plus en plus accru d’une population, accablée par le poids d’une crise économique et financière sans précédent, qui investit les rues au quotidien pour faire entendre sa voix. Sauf que celle-ci continue de tomber dans les oreilles d’un sourd. Le message principal de la réunion, qui a montré toute l’étendue du fossé séparant la classe politique de la rue, est que « la stabilité au niveau de la sécurité est essentielle » et qu’il appartient à « toutes les composantes de la société de la préserver », en plus de critiques adressées à des parties anonymes, accusées d’attiser la discorde.

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Pas un mot sur le désarroi des Libanais qui s’est manifesté hier par la tentative d’un vieux de s’immoler par le feu lors d’un sit-in près du Palais de justice. Au contraire, le discours du chef de l’État met l’accent sur une « instrumentalisation » et sur des « tentatives de récupération » de la contestation populaire « au profit d’agendas étrangers suspects ». Pas un mot non plus sur les perspectives d’avenir dans un pays dont les dirigeants restent, en pratique, réfractaires à des réformes structurelles et continuent de gérer le pays avec les méthodes et les politiques qui l’ont conduit à sa faillite, sans oublier à l’occasion d’émailler leur discours de références à l’importance de ces réformes et de la lutte contre la corruption.

« Pas de solution »
L’attachement à ces politiques a notamment transparu dans les réactions hostiles rapides à la proposition de Michel Sleiman de revenir à la déclaration de Baabda (document adopté le 11 juin 2012 qui stipule la distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes), qui représente pour lui un point de départ incontournable pour le sauvetage du Liban, dans la mesure où elle permettra à l’État de reprendre son rôle souverain et de faire sauter les nombreux verrous qui empêchent aujourd’hui le pays d’accéder à une aide internationale dont il a désespérément besoin pour freiner le processus d’effondrement dans lequel il est engagé à une vitesse effroyable. « Il ne peut y avoir de solution sur le plan économique sans retour à la déclaration de Baabda », a insisté Michel Sleiman, dont la présence au meeting que le président Aoun voulait rassembleur, mais qui a été au final boycotté par l’opposition chrétienne et sunnite, a rappelé la participation du chef des Forces libanaises, Samir Geagea, au dialogue économique que le chef de l’État avait convoqué le 7 mai dernier. M. Geagea était la seule figure opposante aux assises de mai. Il avait profité de cette occasion pour plaider en faveur de réformes politiques, indispensables selon lui au succès de tout plan de redressement économique et financier, et pour exposer à la majorité les réformes structurelles qui peuvent être engagées rapidement, indépendamment du plan que le Parlement doit encore approuver.

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La réunion d’hier a servi ainsi de tribune à Michel Sleiman, qui se place également dans le camp de l’opposition, pour faire assumer au Hezbollah directement « l’isolement international du Liban, la perte de la crédibilité de l’État et l’effondrement financier du pays », déclenchant un débat qui a bien montré en définitive que le sujet des armes du Hezbollah reste tabou, contrairement à ce que le chef du CPL, Gebran Bassil, devait pourtant souligner dans son discours. L’ancien président a été ainsi pris à partie par le député Mohammad Raad. « Il n’y a aucun intérêt à revenir au passé, notamment en évoquant la prétendue déclaration de Baabda », a asséné le chef du bloc parlementaire du Hezbollah, non sans avoir auparavant critiqué ce document. « L’objectif de ce dialogue est de renforcer la paix civile », a commenté le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli.

Stratégie de défense
Dans les milieux de l’opposition, on voit mal cet objectif atteint sans s’attaquer aux problèmes politiques de fond, dont font partie tous les agissements en lien avec la stratégie politique du Hezbollah. Teymour Joumblatt, et le chef du CPL, Gebran Bassil, ont parlé de stratégie de défense, l’un en la plaçant dans le cadre d’une feuille de route présentée par son parti en vue d’une sortie de crise et l’autre pour dire qu’il n’y a pas de « sujets tabous » dans le cadre d’« un dialogue autour du plan de sauvetage, du développement du système et d’une redéfinition du rôle du Liban ». « Pour cela, a-t-il dit, rien ne devrait être tabou, comme l’examen de la stratégie de défense, la délimitation des frontières terrestres et maritimes et la protection du Liban », ce que le communiqué final devait reprendre, mais en des termes vagues qui ont été critiqués en soirée par le courant du Futur. Le parti de Saad Hariri y a vu une tentative de contourner Taëf.

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Sans grand risque de se tromper, c’est bien la première fois que le chef du CPL propose un examen de la stratégie de défense dans le cadre d’un dialogue national, du moins depuis l’élection du président Aoun à la tête de l’État. Pour certains observateurs, la référence à ce dossier que le CPL évite pourtant soigneusement – et dont le fondateur, Michel Aoun, avait lui-même enterré après les législatives de 2018, alors qu’il s’était engagé auparavant à l’ouvrir dans le cadre d’une conférence de dialogue – est à mettre sur le compte des signes positifs que le chef de ce courant s’emploie à adresser depuis quelque temps aux États-Unis, notamment avec la mise en vigueur de la loi César (imposant des sanctions à la Syrie et aux individus ou compagnies qui traitent avec le régime syrien) et les rumeurs sur des sanctions qui s’étendraient à des personnalités. Elle est aussi à interpréter sous l’angle des préparatifs de la présidentielle, selon l’opposition pour qui Gebran Bassil est « seulement en train de changer de tactique ». Aux yeux de l’opposition, une référence dans le communiqué final à un éventuel examen d’une stratégie nationale de défense aurait pu être une manifestation de bonne volonté.

S’il faut tirer une seule conclusion des assises de Baabda, qui ont réuni hier autour du chef de l’État, Michel Aoun, un maigre parterre politique monochrome (si l’on en excepte bien entendu l’ancien président Michel Sleiman et le député Teymour Joumblatt, représentant le chef du PSP, Walid Joumblatt), ce serait l’absence de toute volonté de la majorité qui détient...

commentaires (15)

On le répète... Ces gens ont voulu embobiner l'opposition pour les avoir comme boucliers pour protéger leurs fortunes dans des comptes bancaires à l'étranger. Etant pro ASSAD, ils savent que tôt ou tard, ils seront sur liste noire à cause de CEASAR ACT. Pq croyez-vous que BASSIL gesticule dans tous les sens et parle des armes du Hezbollah aujourd'hui ..Drôle de timing ? Pq cette table de salon stérile juste parce que Aoun, obstiné comme d'habitude a mis son égo avant l'intérêt du pays et n'a même pas écouté les conseils du Patriache RaÎ?? A l'origine de cette table ronde: Montrer aux USA que l'oppostion (anti Assad et anti Hezbollah) est aussi là avec eux . Peine perdue, ils seront touchés par Ceasar Act et leurs fortunes seront sans doute bientôt bloquées sur place, dans ces comptes "dits secrets" mais auxquels les Etats Unis peuvent y avoir accès. Ils le savent et paniquent.

LE FRANCOPHONE

13 h 00, le 26 juin 2020

Tous les commentaires

Commentaires (15)

  • On le répète... Ces gens ont voulu embobiner l'opposition pour les avoir comme boucliers pour protéger leurs fortunes dans des comptes bancaires à l'étranger. Etant pro ASSAD, ils savent que tôt ou tard, ils seront sur liste noire à cause de CEASAR ACT. Pq croyez-vous que BASSIL gesticule dans tous les sens et parle des armes du Hezbollah aujourd'hui ..Drôle de timing ? Pq cette table de salon stérile juste parce que Aoun, obstiné comme d'habitude a mis son égo avant l'intérêt du pays et n'a même pas écouté les conseils du Patriache RaÎ?? A l'origine de cette table ronde: Montrer aux USA que l'oppostion (anti Assad et anti Hezbollah) est aussi là avec eux . Peine perdue, ils seront touchés par Ceasar Act et leurs fortunes seront sans doute bientôt bloquées sur place, dans ces comptes "dits secrets" mais auxquels les Etats Unis peuvent y avoir accès. Ils le savent et paniquent.

    LE FRANCOPHONE

    13 h 00, le 26 juin 2020

  • Des fossoyeurs patentés ! Bravo Michel Suleiman, ne serait-ce que pour l’honneur...!

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 39, le 26 juin 2020

  • Plus nuls on meurt!!

    LeRougeEtLeNoir

    11 h 19, le 26 juin 2020

  • Tant que tous les médias ne se rassemblent pas pour dénoncer tout ce qui se passe sur notre sol libanais comme injustice, arrestations collaboration, vols et traîtrise avec l’Iran et la Syrie le Liban glissera vers une dictature et une censure générale parce qu’ils montrent leur faiblesse en les ménageant. Des dossiers explosifs dorment dans leurs tiroirs pour être publiés le moment venu. On y est il faut le faire maintenant en accord avec tous les autres médias pour qu’ils fassent la UNE de leurs journaux en mettant l’exclusivité de côté dans le but de se protéger d’une éventuelle vengeance des personnes qui seront éclaboussées par ces scandales qui les mettraient à nu et nous débarrasserait d’eux une fois pour toute. La presse a toujours eu un rôle principal dans les révoltes et la libération de beaucoup de pays. Au boulot...

    Sissi zayyat

    10 h 48, le 26 juin 2020

  • Quel cirque...

    Fadi Chami

    10 h 27, le 26 juin 2020

  • y a t il lieu de faire encore un commentaire de plus ?

    Gaby SIOUFI

    10 h 18, le 26 juin 2020

  • Est ce qu’ils se prennent vraiment au sérieux ces messieurs ? Si oui, ils sont encore plus pathétiques que ce je craignais. Si non, qu’ils arrêtent leurs gesticulations car ils de viennent encore plus ridicules face au monde entier qui se moque d’eux

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 02, le 26 juin 2020

  • Morale de l'histoire: ils sont tous encore là.

    Khalife Nayla

    09 h 25, le 26 juin 2020

  • QUAND L,ABRUTISSEMENT ET L,HEBETUDE... OUI IL Y A QUAND MEME UNE DIFFERENCE ENTRE LES DEUX... SE RENCONTRENT IL EN NAIT LA TORPEUR GENERALE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 13, le 26 juin 2020

  • Nous vivons dans un pays dont le "chef d'Etat" a largement dépassé l'âge de la retraite, et visiblement incapable de comprendre ce qui se passe réellement chez nous en ce moment. Il contijnue de vivre dans sa bulle bien confortable loin de tout, permettant ainsi aux profiteurs sans conscience ni honneur de maintenir leurs privilèges qui détruisent notre pays. Et il pense, à l'aide d'un soi-disant " dialogue" comme celui d'hier, qui était en réalité un monologue, de sauver la face d'un régime qui glisse lentement vers la dictature...tout en laissant son peuple mourir de faim ! Irène Saïd

    Irene Said

    09 h 01, le 26 juin 2020

  • Encore un dialogue de sourds pour un pays qui plonge dans la famine .

    Antoine Sabbagha

    08 h 35, le 26 juin 2020

  • Aux yeux de l’opposition, une référence dans le communiqué final à un éventuel examen d’une stratégie nationale de défense aurait pu être une manifestation de bonne volonté. Parfaitement vrai ... il aurait au moins demander à ce qu’elle apparaisse

    Bery tus

    06 h 31, le 26 juin 2020

  • "Sauf que celle-ci continue de tomber dans les oreilles d’un sourd. " S'il n'y en avait qu'un, ça irait encore... mais même avec un pluriel de sourd à 10 "s", ça ne suffirait pas...

    NAUFAL SORAYA

    06 h 21, le 26 juin 2020

  • « Toute forme de mépris quand elle entre en politique Prépare et instaure le fascisme » Albert Camus A intention du palais de Baabda....

    Robert Moumdjian

    01 h 34, le 26 juin 2020

  • Aujourd’hui au Liban, nous assistons à une vaste vague d’arrestations, d’interrogatoires et de poursuites judiciaires sous de faux prétextes contre des dizaines de militants pro-démocratie et imputabilité, ainsi que contre des blogueurs et figures publiques afin de les intimider et de les faire taire. Et pourtant, l’OLJ et les autres médias généralistes continuent d’accorder la part du lion à la même langue de bois, aux mêmes mensonges et bêtises des ténors de cette classe politique confessionnelle pourrie, toutes tendances confondues, et ce depuis des décennies. Si ce grand journal veut demeurer pertinent, il faut qu’il commence par rapporter ce qui se passe sur le terrain: la mise à mort de ce qui reste de cet espace de liberté qui se rétrécit comme une peau de chagrin. Comme conséquence directe de cette complaisance relative des médias conventionnels face à cette répression systématique, c’est leur propre liberté qui finira par être supprimée par ce régime répressif. Rapportez ces arrestations CHAQUE jour! Rapportez le noms des victimes et l’identité de leurs persécuteurs! Rapportez les raisons et motifs des arrestations et de leurs conditions de détention! Des mineurs sont mêmes pris dans ces rafles bon sens! Aujourd’hui, la vérité intégrale ne sort que grâce aux médias sociaux. L’OLJ va-t-il empiéter le pas aux médias sociaux en accordant à cette vérité toute la place qu’elle mérite?

    Shayne Ralph

    00 h 36, le 26 juin 2020

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