Le Premier ministre libanais, Hassane Diab, a dressé un sombre constat de la situation du pays lors du Conseil des ministres qui s'est tenu au Grand sérail jeudi, appelant la Banque du Liban à assumer la responsabilité de la stabilisation du taux de la livre qui continue de s'effondrer, ou d'expliquer les raisons qui l'empêchent de le faire. Le chef du gouvernement a également reconnu que "le pays traverse une crise majeure" et que "les résultats ne sont pas positifs". Ce constat intervient au moment où le pays fait face à sa pire crise économique et financière en trente ans et où la livre libanaise poursuit sa chute face au dollar, s'échangeant jeudi à plus de 7.000 L.L. pour un dollar sur le marché noir, un nouveau record.
"Le pays traverse une crise majeure. Les solutions à la crise du dollar se heurtent à une réalité différente, et les résultats ne sont pas positifs pour l'instant. Il incombe à la Banque du Liban de déterminer la façon par laquelle l’on devrait faire face à la hausse du cours du dollar. La BDL est responsable de la préservation du taux de change de la livre libanaise. Cependant, nous devons assurer le suivi de cette question qui menace la stabilité sociale et la paix civile", a déclaré le Premier ministre. "Si la BDL n'est pas en mesure de faire face à la crise du taux de change élevé du dollar, elle devrait en expliquer les raisons sous-jacentes, pointer du doigt ceux qui l'empêchent d’agir et ceux qui s’immiscent dans son travail. Il n'est pas permis de traiter cette question froidement, comme si tout allait bien", a-t-il ajouté
Il y a plusieurs semaines, les relations entre Hassane Diab et le gouverneur de la Banque centrale, Riad Salamé, s'était gravement détériorées. Des appels à la démission de M. Salamé avaient été formulés par plusieurs formations et responsables politiques, mais cette option a finalement été écartée.
Lancement de la plateforme "Sayrafa"
La ministre de l'Information Manal Abdel Samad qui s'exprimait à l'issue du Conseil a en outre indiqué que le ministre des Finances, Ghazi Wazni, est intervenu durant les débats sur le taux de change, "insistant sur l'importance de suivre cette question, à l'ombre de la publication de chiffres imprécis concernant le taux". Elle a également affirmé, en citant M. Wazni, que "le gouvernement allait lancer vendredi la plateforme électronique auprès des changeurs". Ghazi Wazni fait référence à l'application "Sayrafa", qui a vocation à être utilisée par les agents de change de la filière pour enregistrer toutes les transactions effectuées hors du secteur bancaire. Sa mise en service a été annoncée pour le 23 juin (circulaire n° 5) puis décalée au 26 (selon une source proche de la Banque centrale). Il reste, selon plusieurs témoignages concordants, que les agents de change semblent pour l’instant réticents à se plier aux exigences imposées par leur syndicat qui a fixé pour chaque catégorie de transactions un nombre important de documents justificatifs à fournir qu’ils devront eux-mêmes réclamer et vérifier.
Selon les informations de la chaîne LBCI, un débat a eu lieu au sein du Conseil autour du taux de la livre et le contrôle du marché de change. Selon des sources anonymes citées par la chaîne, une réunion du comité de crise en charge de la question du taux de la livre, qui doit se tenir vendredi au ministère des Finances, doit permettre de "discuter de nouvelles propositions car la circulaire actuelle n'a pas donné les effets escomptés", explique la chaîne. Elle fait référence à une procédure lancée par le syndicat des bureaux de change en coordination avec les autorités au début du mois et reconfirmée le 12 juin à l’issue d’un Conseil des ministres exceptionnel consacré aux moyens de stabiliser la livre sur le marché.
En outre, des sources informées au sein du Sérail ont affirmé à la LBCI que "le faible taux de la livre est artificiel et que c'est à la Banque du Liban de stabiliser ce taux. Le gouvernement ne peut décider à sa place car c'est elle qui est responsable de trouver des solutions. C'est à elle aussi de déterminer la quantité de dollars à injecter dans le marché". "La crise du dollar est intentionnelle", ont insisté ces sources.
Par ailleurs, le Premier ministre a déploré en début de séance "l'absence de certaines forces du dialogue national auquel le président de la République a convié, en raison de diverses considérations"."Le pays n’est pas en bon état. Le dialogue est donc une nécessité, et il ne devrait pas y avoir de rupture entre les Libanais. Le pays ne pourrait supporter une telle division. Les divergences politiques sont permises, et l'opposition est nécessaire, à condition, au moins, que le dialogue prévale, car en l'absence de dialogue autour de la table et dans des salles fermées, le dialogue se déplacera vers la rue, ce qui représente un grand danger pour le pays", a-t-il aussi dit.
Plus tôt, jeudi, une séance de dialogue national s'est tenue au palais présidentiel de Baabda, sous la houlette du chef de l'Etat, Michel Aoun, et en présence du président du Parlement, Nabih Berry, et de M. Diab, ainsi que des formations proches du pouvoir, alors que les partis d'opposition ont boycotté la séance. Les responsables se sont accordés sur l'importance de la stabilité sécuritaire, "condition à la stabilité économique et financière" du Liban, après des émeutes qui ont pris une tournure confessionnelle au début du mois, faisant craindre une résurgence d'une guerre civile.
Interrogées sur les appels du Hezbollah à orienter le Liban vers les pays de l'Est, à savoir la Chine, l'Iran et la Syrie, pour sortir de la crise, ces sources ont dit : "Avions-nous jamais délaissé l'Est? Nous n'avons jamais été entièrement du côté de l'Ouest ou de l'Est".
Par ailleurs, Manal Abdel Samad a annoncé que le gouvernement a approuvé le projet de décret portant sur l'adoption de l'enseignement numérique à distance pour l'année universitaire 2019-2020. Le cabinet a aussi approuvé la demande du ministère de la Défense de vendre cinq avions Hawker Hunter et trois hélicoptères Sikorsky, ainsi que les pièces de rechange et les équipements correspondants, aux enchères publiques à la direction générale du ministère de la Défense nationale. Il a aussi demandé au ministère de la Défense de préparer un cahier des charges pour la réalisation d'un appel d'offres pour l'achat d'hélicoptères spécialisés dans la lutte contre les incendies.
Le Conseil des ministres a décidé d'approuver la résiliation du contrat de location des bureaux occupés par la Société nationale de garantie des investissements. Enfin, le gouvernement a confié aux ministres de l'Agriculture, de l'Economie et du Commerce, de l'Industrie et des Finances la mission d'élaborer une vision sur les accords commerciaux internationaux et la possibilité de modifier certaines de leurs dispositions en fonction des circonstances exceptionnelles du Liban, en plus de rendre compte des résultats au Conseil des ministres dans un délai maximum de 6 mois.
Euh.. c’est presque drôle Sérieuse la question?
07 h 48, le 26 juin 2020