L’uléma Ali el-Amine aurait-il rencontré à Bahreïn, en décembre 2019, le grand rabbin de Jérusalem ? Telle est l’accusation, jugée improbable par tous ceux qui le connaissent, que lancent à son endroit quatre particuliers chiites proches du Hezbollah, qui ont demandé au parquet d’appel du Mont-Liban l’ouverture d’une enquête à ce sujet.
De fait, l’Agence nationale d’information (ANI, officielle) a rapporté hier que le parquet général de la cour d’appel du Mont-Liban a ouvert une instruction au sujet de l’uléma Ali el-Amine, un opposant chiite, sur la base d’une plainte déposée par un avocat, Ghassan Maoula, agissant pour le compte des quatre plaignants, Nabih Awada, Khalil Nasrallah, Chawki Awada et Hussein Dirani. Les « crimes » reprochés au haut dignitaire chiite s’énumèrent comme suit, selon l’ANI : « réunion avec des responsables israéliens à Bahreïn, critiques persistantes adressées à la résistance et à nos martyrs, incitations interconfessionnelles, machinations à des fins de discorde, atteintes aux règles religieuses de l’école jaafarite ».
Joint au téléphone, le bureau de Ali el-Amine à Tyr a clairement accusé le Hezbollah d’être derrière ces poursuites. « On relance la campagne qui nous vise, car les circonstances leur sont favorables », a déclaré à L’Orient-Le Jour l’un des fils de l’uléma.
Le dignitaire religieux avait publié un communiqué au lendemain du congrès interreligieux de deux jours tenu à Bahreïn (10-11 décembre 2019), qui avait réuni nombre de figures religieuses musulmanes, chrétiennes, juives et autres. Assistait à l’ouverture du congrès une délégation venue de Palestine et de nombreux ambassadeurs, dont celui du Liban, Milad Nammour, a précisé le communiqué, qui dément toute rencontre entre l’uléma el-Amine et une personnalité religieuse juive israélienne. Et le dignitaire chiite y précisait qu’il n’avait appris la présence au congrès de cette personnalité qu’après coup, et que « tout ce qui se dit d’autre est contraire à la vérité ». Plus tard, on apprenait que « la figure religieuse juive » dont il est question dans le communiqué n’était autre que le grand rabbin de Jérusalem, Shlomo Amar.
Le recours judiciaire engagé contre le dignitaire chiite, six mois après l’événement, a surpris les milieux chiites, qui pensaient que l’affaire avait été classée, après un premier interrogatoire de l’uléma par la Sûreté générale à son retour de Bahreïn. L’uléma Amine s’y était fermement défendu des accusations de « normalisation avec Israël ». Malgré tout, il avait vu abroger par le Conseil supérieur chiite sa capacité de promulguer des fatwas (décrets religieux). Dans une conférence de presse, le dignitaire religieux avait considéré que la campagne qui le vise est liée à son « opposition au projet iranien » dans la région. « Qu’une personnalité religieuse et un intellectuel de l’envergure de sayyed Ali el-Amine soit poursuivie pour avoir participé à une conférence sur le dialogue interreligieux, dans un pays que son président souhaite transformer en “Centre international pour le dialogue des cultures et des religions”, voilà qui laisse rêveur », a relevé l’un de ses proches.
Indigné par le harcèlement judiciaire dont l’uléma fait l’objet, l’ancien député Bassem el-Sabeh (courant du Futur) a affirmé hier que « le parquet du Mont-Liban a battu tous les records de politisation du pouvoir judiciaire » en engageant des poursuites contre l’uléma Ali el-Amine. « C’est un point noir pour la justice » et un « crime moral et légal qui devrait valoir à son auteur d’être radié de la magistrature ». « Sayyed Ali el-Amine est une haute figure religieuse et nationale hors de la portée de ces mensonges douteux », a également indiqué Bassem el-Sabeh. À son tour, l’ancien Premier ministre Fouad Siniora a pris contact avec l’uléma pour lui faire part de son indignation et s’en est pris avec virulence au président Michel Aoun, mais sans le nommer. « Ceux qui prétendent être soucieux de préserver l’autonomie de la justice continuent de porter atteinte à ce qui reste de la réputation et de l’image de la justice au Liban. Ils le font tantôt en retardant ou en bloquant les nominations judiciaires, tantôt en utilisant la justice comme instrument politique vindicatif », a-t-il dit.En soirée, le chef du courant du Futur et ancien Premier ministre Saad Hariri a dénoncé sur son compte Twitter les poursuites engagées contre l’uléma, les qualifiant « de crime et d’attaque flagrante contre la dignité des Libanais ». « L’atteinte portée à l’uléma nous frappe à tous, musulmans et chrétiens, de plein fouet. Cessez ces hérésies au nom de la justice et de dossiers montés de toutes pièces », a-t-il ajouté.
commentaires (14)
Pauvre Liban tombe si bas . On voit qui dirige le pays
Eleni Caridopoulou
12 h 35, le 25 juin 2020