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Environnement - Ressources hydrauliques

À Qornet es-Saouda, le litige autour de l’eau reprend de plus belle

En attendant le verdict de la justice, la tension remonte d’un cran entre les habitants de Bécharré et ceux de Denniyé.


À Qornet es-Saouda, le litige autour de l’eau reprend de plus belle

Qornet es-Saouda. Photo Samih Zaatar

Chaque année, depuis 1998, le même litige autour des ressources hydrauliques de Qornet es-Saouda (au Liban-Nord) revient, à un moment ou un autre, opposer les habitants de Bécharré à ceux de Denniyé, les deux cazas se disputant les riches ressources du plus haut sommet du Liban et du Proche-Orient. Cette année, le conflit revient dans l’actualité avec le début de la saison estivale et les tensions risquent de monter d’un cran entre les deux parties. En effet, une fois de plus, plusieurs canalisations placées par les habitants de Bkaasefrine à Denniyé, au niveau des glaciers de Qornet es-Saouda, pour assurer l’irrigation de leurs terres agricoles pendant l’été, ont été sciées et sabotées. Et ils accusent les habitants de Bécharré d’en être responsables. Quelques jours après le premier incident, des habitants de Denniyé ont essuyé des coups de feu par des inconnus, alors qu’ils se rendaient en voiture au sommet de Qornet es-Saouda. Dix jours plus tard, des randonneurs originaires du caza de Zghorta, mais habitant Bkaasefrine en été, ont, à leur tour, été la cible de coups de feu tirés une nouvelle fois par des inconnus, alors qu’ils effectuaient une randonnée dans les environs de Qornet es-Saouda. Pour tous les habitants de Denniyé, ces incidents sont liés au litige qui les oppose à leurs voisins de Bécharré. De leur côté, les forces de l’ordre ont ouvert une enquête afin d’identifier les tireurs. Ce conflit avait déjà pris une certaine ampleur en septembre dernier avec la construction d’un lac artificiel dans la zone de Samara à 2 700 mètres d’altitude (voir L’OLJ du 10 octobre 2019). L’affaire, censée revêtir un caractère purement environnemental, s’était transformée en un conflit confessionnel opposant une localité majoritairement maronite (Bécharré) à une autre majoritairement sunnite (Denniyé). Ce projet de lac, lancé par la municipalité de Bkaasefrine à Denniyé et financé par le Plan vert, un service semi-autonome créé en 1963 dépendant du ministère de l’Agriculture libanais et ayant pour mandat l’aménagement des terres agricole, est considéré par Denniyé comme pouvant assurer les ressources nécessaires pour l’irrigation des terres agricoles du caza.

Mais du côté de Bécharré, on voyait les choses autrement. Une fois les travaux entamés, les habitants de Bécharré se sont opposés à ce projet estimant que la zone dans laquelle la construction du lac était envisagée leur appartenait. En raison des tensions suscitées par ce projet, les travaux ont été interrompus suite à une décision du juge des référés de Bécharré, Joe Khalil. Le juge a considéré en outre que le projet viole une décision prise par le ministère de l’Environnement en 1998 interdisant tous les travaux d’infrastructure à plus de 2 400 mètres, et, par conséquent, toute exploitation de l’eau souterraine à cette altitude.

Le plus haut sommet du Liban et du Proche-Orient à 3 088 mètres d’altitude. Photo Samih Zaatar

En attendant le verdict de la justice

Au cours du week-end écoulé, le député de Tripoli Fayçal Karamé a publié un communiqué de presse dans lequel il dénonce « les derniers incidents qui ont eu lieu à Qornet es-Saouda ». Il y annonce également avoir pris contact avec la direction de l’armée et le Premier ministre Hassane Diab. Toujours selon le communiqué, M. Karamé a fait part à M. Diab du fait que les habitants de Denniyé possèdent des documents qui prouvent que ces terrains à Qornet es-Saouda leur appartiennent. Il appelle enfin les habitants de Bkaasefrine à « coopérer avec l’armée et à éviter de tomber dans le piège de la discorde que leur tendent certaines parties ».

Joint au téléphone par L’Orient-Le Jour, Ala’ Jleilati, conseiller auprès de M. Karamé, estime que l’affaire ne se limite pas au conflit de territorialité mais également à des agressions à l’encontre des habitants de Bkaasefrine. « Depuis la création du Grand Liban il y a cent ans, nous considérons que Qornet es-Saouda appartient aux habitants de Denniyé », affirme M. Jleilati. Et de poursuivre : « Les documents, notamment les cartes géographiques de l’armée, constituent des preuves irréfutables de cette appartenance, à moins que la justice n’en décide autrement. » Pour le député de Bécharré, Joseph Ishac, l’affaire suit son cours devant la justice. « Le juge foncier examine les pièces de procédure qui lui ont été transmises par les deux parties et nous attendons le verdict qui sera émis sur la base de ces données », affirme-t-il. « Quant aux incidents qui ont marqué le mois de juin sur le plus haut sommet libanais, nous attendons également les résultats des enquêtes ouvertes par l’armée en ce sens », poursuit M. Ishac. Par ailleurs, il condamne le pompage de l’eau des glaciers à travers les canalisations, parce qu’il contribue à appauvrir le stockage en eau qui alimente les trois cazas de Denniyé, Zghorta et Bécharré.

Qornet es-Saouda, un réservoir d’eau

Samir Zaatiti, hydrogéologue, abonde dans le même sens. « Les nappes souterraines de Qornet es-Saouda constituent la source première et principale d’eau pour les trois cazas concernés », dit-il à L’OLJ. Selon l’expert, l’eau des glaciers est censée s’infiltrer dans les roches pour être stockée dans les nappes souterraines. Par conséquent, extraire l’eau des glaciers, note-t-il, entravera son stockage dans les réservoirs souterrains. La semaine dernière, M. Zaatiti s’est réuni avec le président de la Fédération des municipalités de Denniyé afin de trouver une solution au manque de ressources nécessaires pour l’irrigation des terres agricoles dans le caza. « Les agriculteurs n’ont besoin ni de lac artificiel ni de canalisations posées au niveau des glaciers », affirme M. Zaatiti, estimant que des études doivent être menées afin de trouver la bonne solution. « Creuser un puits à proximité des terres agricoles pourrait être la solution idéale à ce problème », ajoute-t-il. Pour l’expert, il est crucial de ne plus permettre de lancer des projets qui vont à l’encontre du cours normal de la nature. « La montagne à Qornet es-Saouda est un véritable réservoir d’eau qui doit être proclamée réserve naturelle », souligne-t-il.

Chaque année, depuis 1998, le même litige autour des ressources hydrauliques de Qornet es-Saouda (au Liban-Nord) revient, à un moment ou un autre, opposer les habitants de Bécharré à ceux de Denniyé, les deux cazas se disputant les riches ressources du plus haut sommet du Liban et du Proche-Orient. Cette année, le conflit revient dans l’actualité avec le début de la saison estivale et...

commentaires (2)

TOUT DIVISE DANS CE PAYS. RIEN N,UNIT MALHEUREUSEMENT.

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 20, le 23 juin 2020

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Commentaires (2)

  • TOUT DIVISE DANS CE PAYS. RIEN N,UNIT MALHEUREUSEMENT.

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 20, le 23 juin 2020

  • A l'OLJ, ce ne sont pas des glaciers mais des névés, accumulation de neige qui peut perdurer en dessous de la limite de neiges éternelles pendant une partie de l'été.

    Ghaith Moufarege

    08 h 18, le 23 juin 2020

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