L’interdiction du narguilé dans les endroits publics dans le cadre des mesures de prévention contre la propagation du Covid-19 a fait long feu et la joie des non-fumeurs qui se réjouissaient de fréquenter des endroits non enfumés aura été de courte durée.
Mercredi, le ministre du Tourisme Ramzi Moucharrafiyé a autorisé de nouveau à le servir « dans les cafés, restaurants et plages ». Selon la circulaire, la chicha doit être servie en plein air et les tubes et embouts doivent être à usage unique. De plus, le narguilé doit être lavé et désinfecté après chaque usage, sachant qu’il ne peut être utilisé qu’une seule fois par jour. En prenant une telle décision, M. Moucharrafiyé aurait peut-être cédé à la pression des restaurateurs. Ces derniers se plaignaient de la baisse de leurs rentrées et du risque de fermeture de plusieurs d’entre eux, en raison de la crise économique et du fait qu’ils ne peuvent fonctionner qu’à moitié de leur capacité dans le cadre des mesures de prévention imposées pour lutter contre le Covid-19. Le ministre, qui était injoignable hier, aura ainsi commis lui-même une infraction à la loi 174 de lutte antitabac, entrée en vigueur le 3 septembre 2012, alors qu’il devrait veiller à son application.
Cette décision a fait l’objet d’une lettre ouverte adressée au gouvernement par des recteurs d’université, des présidents de plusieurs ordres, des doyens de facultés de santé et des ONG, appelant le ministre à revenir sur cette décision et à une application de la loi antitabac.
« Une telle mesure est un scandale venant d’un responsable politique, qui est de surcroît médecin », dénonce le Dr Ghazi Zaatari, directeur du Centre de connaissances sur le narguilé, un programme relevant de l’Organisation mondiale de la santé s’inscrivant dans le cadre des pôles de connaissances de la Convention-cadre de l’OMS de lutte antitabac (FCTC) et président du Groupe d’études sur la régulation des produits du tabac relevant de l’OMS.
« Malheureusement, l’article 5 de la loi 174, conformément auquel le tabac doit être interdit dans les lieux publics fermés, n’est toujours pas appliqué, déplore-t-il. Les ministres de l’Intérieur et du Tourisme qui se sont succédé n’ont pas œuvré pour le faire. » Le spécialiste revient à ce stade sur de nombreuses études effectuées au Liban sur la densité des particules fines PM2,5 (polluants de petite taille qui peuvent pénétrer profondément dans les poumons) qui ont montré que celle-ci était nettement plus élevée dans les lieux enfumés fermés que les taux de pollution conformes aux normes internationales. « L’impact de ces particules sur le système respiratoire a également été démontré dans de nombreuses études », insiste-t-il.
Le Dr Zaatari ajoute à L’Orient-Le Jour que d’autres études menées sur le narguilé ont démontré que « des substances classées comme cancérigènes par le Centre international de recherche sur le cancer émanent de la combustion du charbon et du tabac, notamment celui aromatisé au miel ». « D’autres travaux ont montré la présence de ces substances dans le sang et les urines des fumeurs, mais aussi des non-fumeurs qui y sont exposés. »
Covid-19 et narguilé
Une telle décision, à l’heure où la lutte contre la propagation du coronavirus doit rester de mise puisque la pandémie est loin d’être terminée, est inopportune de l’avis de plusieurs spécialistes. Charaf Abou Charaf, président de l’ordre des médecins, devra tenir une conférence de presse aujourd’hui à midi, à la Maison du médecin, pour dénoncer cette mesure. « Depuis le début de l’épidémie au Liban, nous multiplions les efforts pour lutter contre le Covid-19 et limiter ses dégâts dans la mesure du possible, confie-t-il à L’OLJ. Alors que nous recommandons aux gens de prendre soin de leur santé et leur proférons les conseils pour se protéger de la maladie, notamment en abandonnant le tabac, et à l’heure où les gens continuent de mourir du Covid-19, dans quelle logique on autorise le narguilé, sachant qu’il a été démontré que les fumeurs ont plus de risques de développer les complications de la maladie ? »
« L’autorisation du narguilé remet en question la distanciation sociale, une mesure principale dans la lutte contre la propagation du coronavirus », affirme à L’OLJ le Dr Mirna Waked, pneumologue. « En effet, quand on se retrouve à plusieurs à partager le narguilé, on est à moins d’un mètre de distance l’un de l’autre, ajoute-t-elle. Par ailleurs, on ignore encore si le partage du tuyau par plusieurs personnes, même si l’embout est changé, augmente le risque de contamination par le SARS-CoV-2, sachant qu’il y a quelques années, on a détecté plusieurs cas de tuberculose chez des personnes ayant partagé un même narguilé. »
Par ailleurs, insiste le Dr Waked, « le narguilé augmente le risque de contamination par d’autres virus et germes ». « Sans oublier que les études ont montré que les fumeurs, surtout chroniques, contaminés par le SARS-CoV-2 développaient une forme plus sévère de la maladie, d’où le message lancé durant la pandémie appelant les gens à arrêter de fumer. »
en France, les discussions sur les mesures post covid portent sur le télétravail, la reindustrialisation, les mesures sanitaires, economiques, etc... ET LE BIEN ETRE ANIMAL !!! Au Liban : le bien-être des non fumeurs est mis sous le tapis.
00 h 13, le 20 juin 2020