Depuis que les contestations ont repris la semaine dernière, le chef de l’État Michel Aoun est à nouveau la cible de critiques de la rue et de nombreux internautes pour sa gestion de la crise. Une situation qui a poussé le procureur général près la Cour de cassation, Ghassan Oueidate, à charger les enquêteurs de la police judiciaire à lancer des investigations pour déterminer l’identité de personnes qui ont diffusé des publications et des images portant atteinte à la personne du président de la République.Le chef du parquet a en outre demandé à la Cour de cassation que les détenteurs de ces comptes sur les réseaux sociaux soient poursuivis pour diffamation et outrage public, les textes et images incriminés étant visibles de tous. Une mesure dénoncée par des militants de la société civile qui considère qu’elle favorise la répression de la liberté d’expression.Selon plusieurs activistes contactés par L’Orient-Le Jour, la décision du procureur ne serait pas liée à une publication particulière sur les réseaux sociaux, mais plutôt à une volonté de museler toute critique à l’égard du chef de l’État de manière générale. « Ils veulent s’en prendre à tous ceux qui osent s’exprimer. On se dirige progressivement vers un régime policier et répressif », dénonce l’avocat et militant Wassef Haraké. « Le chef de l’État est criticable dans un contexte de crise. Si les autorités veulent lancer des investigations à ce sujet, elles vont devoir traîner la moitié de la population en justice », ajoute-t-il.
Pour Nizar Saghiyé, directeur de l’ONG Legal Agenda, cette mesure s’inscrit dans le cadre d’une tentative d’établir un « régime fondé sur le culte de la personnalité ». « Il y a une intolérance inacceptable face à toute critique adressée au président », indique-t-il en rappelant que le code pénal interdit, certes, de porter atteinte à la personne du chef de l’État, mais que ce texte de loi, que l’on retrouve également dans d’autres pays, n’est pas forcément appliqué partout. « La non-application de cet article sert d’indice de la démocratie », souligne-t-il.
« À quoi s’attendent les autorités ? »
L’annonce du procureur Oueidate est intervenue en même temps que la dénonciation, par les autorités, des actes de vandalisme commis la semaine dernière à Beyrouth et Tripoli. Le président et le Premier ministre ont appelé hier, au cours d’une réunion du Conseil supérieur de défense consacrée aux tensions, à « une vague d’arrestations englobant ceux qui ont planifié et exécuté » de tels actes. L’armée a mené hier des descentes à Tripoli et ses environs pour rechercher des personnes soupçonnées d’implication dans les violences, alors que « les vandales qui sont au pouvoir courent toujours », relève Nizar Saghiyé.
« Au lieu de poursuivre les corrompus qui ont détruit le pays, on poursuit les gens qui les critiquent, note l’avocat. Dans un contexte économique et social difficile, on demande à la victime de se soumettre et de rester silencieuse », indique-t-il.
Pour M. Saghiyé, « il faut régler le problème à la base et non pas s’attacher aux effets du problème », tels que le vandalisme. « Il faut mener des investigations pour voir si les destructions opérées par certains manifestants avaient des motivations politiques ou si elles étaient l’expression de la colère populaire », poursuit-il.
« À quoi s’attendent les autorités quand on sait que les gens ont tout perdu ? Ils ont vandalisé les épargnes des gens, mais personne n’a responsabilisé les banques par exemple. Il faut lutter contre la corruption commise par les gens qui étaient au pouvoir ces dernières années. Les actes de vandalisme ne sont qu’un effet de cette corruption », estime-t-il.
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La loi est la loi et doit être respectée. Pendant une finale de tennis, John McEnroe qui venait de se faire réprimander, demanda à l’arbitre: si je vous traite de connard, est-ce que je devrais payer une amende? L’arbitre: oui, il est interdit d’insulter l’arbitre. John: et si je le pense seulement, sans le dire, est-ce que je devrais payer une amende? L’arbitre: non, pas si vous le pensez seulement mais sans le dire. John: alors je voudrais simplement vous dire que je le pense très très fort...
Gros Gnon
08 h 49, le 17 juin 2020