D’un côté comme de l’autre de l’échiquier politique, on semble résigné au maintien du gouvernement Hassane Diab, faute d’alternative. C’est le sentiment qui ressortait dimanche auprès des parties concernées au lendemain du discours prononcé par le Premier ministre, Hassane Diab.
Après les violences inédites observées ces derniers jours à Beyrouth et ailleurs, M. Diab s’est adressé à la nation, samedi, pour vilipender ses adversaires politiques, les accusant d’avoir essayé de monter un coup d’État contre lui. Au vu du contexte dans lequel il est intervenu, avec la chute du cours de la livre et les réactions que cela avait entraîné sur le terrain, le discours de M. Diab était supposé revenir sur cet épisode pour détailler les actions du gouvernement dans la prochaine phase. Du moins, c’est ce à quoi on s’attendait. Mais il n’en était rien. Le chef du gouvernement s’est, au lieu de cela, lancé dans une diatribe contre ses adversaires, notamment le courant du Futur. Il a fait état d’une tentative de « coup d’État » contre son cabinet, indiquant que celle-ci « avait échoué », et menaçant de dévoiler en temps voulu « des documents » portant sur des personnes corrompues. Il a critiqué implicitement les politiques haririennes, mais aussi les choix de tous ceux qui étaient au pouvoir durant la phase précédente, et qui, selon lui, ont mené le pays à la situation actuelle. C’est donc à coups d’allusions que Hassane Diab a tancé aussi bien ses adversaires que ses propres parrains, donnant lieu dans les milieux politiques à des interprétations parfois contradictoires de ses messages. Un analyste contacté par L’Orient-Le Jour estime que M. Diab n’a pas épargné le Hezbollah, dans la mesure où il ressent un lachâge de la part du parti chiite qui serait favorable à un retour de l’ancien Premier ministre Saad Hariri à la tête du gouvernement. Le compte à rebours pour la survie de l’équipe Diab aurait ainsi commencé, en attendant le moment propice pour son départ, souligne l’analyste. Ce point de vue n’est cependant pas partagé par un autre analyste, qui affirme qu’on n’en est pas encore là.
Fouad Siniora, un des faucons du haririsme, ne cache pas son indignation face au discours du chef du gouvernement, à qui il a reproché de « camoufler ses échecs en critiquant ses adversaires ». « Le Premier ministre est dans un état de déni total. Il n’a même pas pris la peine de nous dire ce qu’il entend faire pour résoudre une crise qui a explosé », déplore-t-il dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour. Partant, Fouad Siniora juge « sans intérêt » le message du Premier ministre à la nation. Pour lui, ce cabinet et son chef ont fait preuve « d’une incapacité et d’un manque de vision ». « Il est plus que jamais crucial de respecter la Constitution et les textes de loi en vigueur », a-t-il ajouté. « Comment se fait-il que l’on refuse, dans un premier temps, de pourvoir aux postes vacants au sein de l’administration et des institutions financières pour ne pas avaliser un partage du gâteau, puis plus tard on approuve un train de nominations qui ne fait que perpétuer cette pratique ? » s’interroge-t-il, dans une allusion aux nominations adoptées lors de la séance ministérielle de mercredi dernier.
Il reste que les propos virulents de Hassane Diab contre son prédécesseur interviennent à l’heure où Saad Hariri multiplie ses critiques envers le gouvernement, mais aussi en direction du tandem Baabda-Courant patriotique libre. Ils coïncident aussi avec des informations qui circulent dans certains milieux politiques sur des contacts qui seraient en cours avec M. Hariri pour diriger un cabinet d’indépendants, comme le veut le mouvement de contestation. Sauf que cette proposition se heurterait à certaines conditions imposées par M. Hariri, dont son refus de collaborer de nouveau avec le chef du CPL, Gebran Bassil. Or pour le moment, les milieux haririens ne confirment pas ces informations. Tout en notant que « le haririsme politique crée des complexes chez tout le monde », M. Siniora estime qu’aujourd’hui, « l’heure n’est pas à la recherche d’un substitut à Hassane Diab, mais à sortir les Libanais de la crise économique ». En fait, c’est l’éventualité d’un vide qui affole tout le monde.
Une source haut placée du Hezbollah assure ainsi à L’Orient-Le Jour que le parti chiite est toujours attaché à M. Diab et à son gouvernement, « dans la mesure où les alternatives n’existent pas ».
Contactée par L’OLJ, une source proche du Sérail se contente de déclarer que M. Diab ne pouvait plus rester les bras croisés face aux accusations lancées contre lui, y compris d’ailleurs par Baabda. En Conseil des ministres, vendredi, le président de la République, Michel Aoun, avait lui-même souligné, pour la première fois, la part de responsabilité du gouvernement Diab dans la situation actuelle. Mais à en croire la source du Sérail, M. Diab n’a pas voulu attaquer qui que ce soit. Preuve en est, il n’a nommé aucun des protagonistes.
Raï accuse certaines parties d’envoyer des « fauteurs de troubles » pour « dénaturer la révolution »
Le patriarche maronite Béchara Raï a accusé hier certaines parties d’envoyer des « fauteurs de troubles » dans les manifestations afin de « dénaturer la révolution civilisée et juste que nous bénissons ».
« Ces individus ont été chargés de détruire les entreprises, les négoces et les propriétés des autres. Si vous avez un tant soit peu de conscience, retirez ces personnes de la rue afin d’éviter que le pays ne glisse vers des discordes incontrôlées », a-t-il lancé.Dans son homélie, Mgr Raï a estimé que le Liban « traverse une période difficile » de son histoire, telle qu’il n’en a pas connue au cours de ses cent ans d’existence. Il s’en est pris ainsi avec virulence aux responsables politiques, administratifs et partisans, qu’il a notamment accusés de poursuivre sur la voie de la logique du partage du gâteau, qui « bafoue les lois et la justice, pille les fonds publics, vide les caisses de l’État, appauvrit le peuple et jette les jeunes affamés dans la rue ».
Le Liban connaît actuellement une crise de confiance entre le peuple et l’État, alors que « la confiance du peuple doit être la source de tous les pouvoirs », a estimé le patriarche. « Le peuple a confiance dans la nation. Par contre, sa confiance en l’État est quasiment inexistante. La confiance dans la démocratie est grande, mais la confiance dans la performance des politiques et des institutions est maigre », a-t-il martelé.
« Vous avez promis des réformes, mais la corruption a augmenté et la logique des luttes d’influence communautaires a été renforcée », a encore accusé Mgr Raï, affirmant qu’il ne soutiendra le gouvernement que si ce dernier « entend enfin la voix du peuple qui veut un État qui chapeaute tout le monde ». Il a terminé son homélie en affirmant que les Libanais réclament « des nominations qui n’avantagent pas les politiciens et leurs intérêts et un cabinet qui lance les réformes réclamées, notamment par la communauté internationale ».
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QUAND ON SOUFFRE ET S,HABITUE A LA GANGRENE ON PENSE A DEUX FOIS POUR EVITER LE CANCER DONT TOUS NOS ABRUTIS CORROMPUS ET VOLEURS EN SONT AUSSI PORTEURS. RIEN NE SAUVERA CE PAYS QUE LE BON DEBARRAS DE MALGRE SINON POSSIBLE DE BONGRE DE TOUTE LA CASTE MAFIEUSE QUI LE GOUVERNE.
LA LIBRE EXPRESSION
14 h 03, le 15 juin 2020