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The legal agenda - Janvier 2018

Responsabilité des juges : les mécanismes alternatifs se multiplient aux dépens de la procédure ordinaire

Responsabilité des juges : les mécanismes alternatifs se multiplient aux dépens de la procédure ordinaire

La mise en œuvre de mécanismes de responsabilisation au sein de la Justice constitue l’une des principales garanties de son indépendance. Ce constat résulte du fait que les principes démocratiques exigent la mise en place d’un mécanisme de reddition de comptes de la part des acteurs publics, à la mesure de leur degré de responsabilités. Par ailleurs, la nature de la fonction judiciaire requiert la confiance publique en l’impartialité des personnes qui l’exercent.

Dans le discours sur la réforme judiciaire au Liban, on relève toutefois une erreur récurrente due à la séparation souvent faite entre les problématiques liées à la responsabilisation des juges et celles liées à leur indépendance. Il faudrait plutôt les considérer comme corollaires, toutes les deux inhérentes à l’exercice d’un pouvoir judiciaire transparent et indépendant.

L’indépendance séparée du principe de la responsabilisation est ainsi à même de susciter une suspicion généralisée à l’égard de la justice, en dépouillant celle-ci de sa transparence et donc de la garantie d’une confiance et d’une protection populaires. De même, une responsabilisation des acteurs judiciaires en l’absence de garanties d’indépendance peut devenir un moyen d’intervenir dans le travail de la Justice et de porter atteinte à son indépendance dans son ensemble. Cela peut se produire notamment lorsque la mise en œuvre de cette responsabilité est utilisée comme arme contre les juges qui résistent à l’autorité politique. Elle serait au contraire neutralisée dès lors que les acteurs judiciaires se plient aux desiderata du pouvoir politique en place. C’est la raison pour laquelle nous retrouvons dans la littérature judiciaire une réflexion qui met en avant la nécessité d’harmoniser les exigences de la responsabilité avec les garanties de l’indépendance, par le biais notamment de l’instauration de garanties entourant la mise en œuvre de la responsabilité des juges pour éviter tout abus, comme par exemple les garanties d’un procès équitable.

Depuis un certain temps, nous constatons une tendance croissante chez les autorités politiques mais aussi au sein du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) consistant à ignorer les « mécanismes ordinaires » de la mise en œuvre de la responsabilité (les mécanismes légaux), et à les contourner, sous prétexte de leur inefficacité, et ce dans le but de promouvoir d’autres mécanismes « alternatifs » ou « parallèles ».

En dépit de la diversité des mécanismes alternatifs, ils partagent tous une caractéristique commune : l’absence des garanties du procès équitable pour le juge. Cette absence ouvre la voie à une sélectivité dans la mise en œuvre de cette responsabilité et donc à des pratiques accentuant la mainmise sur la Justice. La promotion de ces mécanismes alternatifs se fonde souvent sur un discours populiste qui rejoint le mécontentement généralisé face aux performances de l’institution judiciaire. Ce discours consiste à présenter ses propres auteurs – les acteurs politiques – comme «bienveillants », s’attelant à protéger les citoyens des méfaits d’une Justice libanaise gangrénée par la corruption, la paresse, et l’incompétence. Un tel discours repose sur un diagnostic erroné du problème et par conséquent, sur des solutions inefficaces : alors qu’il occulte les véritables raisons de l’échec des mécanismes ordinaires de mise en œuvre de la responsabilité, dû à des ingérences chroniques des forces politiques destinées à immuniser les juges qui leur sont affiliés, ce discours fait en même temps la promotion de solutions qui élargissent le cadre de ces ingérences, en les justifiant par l’argument de la nécessité « de sauver la justice ». Comme si le traitement du fléau de la partialité et de l’inefficacité de la Justice se faisait par ce qui est à l’origine même de ce fléau : la volonté de contrôler la Justice libanaise. La prolifération de ces mécanismes parallèles a donc pour effet d’affaiblir la Justice et de renforcer son allégeance à la classe politique, le tout étant placé sous le signe de sa « réforme».

« Mécanismes ordinaires» de mise en œuvre de la responsabilité : les aléas

Les mécanismes de mise en œuvre de la responsabilité des juges sont, conformément aux normes internationales, entourés de garanties pour empêcher qu’ils soient utilisés en vue d’influencer l’action des juges. La loi sur l’organisation judiciaire au Liban a ainsi consacré plusieurs garanties. Il s’agit notamment de la création de l’Inspection Judiciaire, composée exclusivement de juges qui bénéficient de garanties supplémentaires par rapport aux autres juges, comme le principe d’inamovibilité. Cette instance est dotée du pouvoir exclusif d’enquêter sur les plaintes adressées contre les juges et leurs auxiliaires et de les traduire devant le Conseil disciplinaire. La loi a ainsi établi une séparation claire entre les autorités chargées des poursuites et des sanctions d’une part et l’autorité d’enquête (l’Inspection judiciaire). Le déclenchement de la poursuite peut se faire par tout individu lésé, tandis que l’autorité disciplinaire – donc de sanction – est représentée par les instances de premier degré et d’appel mises en place par le CSM.

Cependant, et malgré l’importance de ces garanties, on peut repérer les failles que recèle ce système de responsabilité en œuvre au Liban. Pour certains observateurs, ces failles sont dues au fait que l’Inspection judiciaire et l’instance disciplinaire se composent l’une et l’autre exclusivement de juges, rarement enclins à mettre en œuvre la responsabilité de leurs pairs1. Dans la pratique cependant et au-delà de ce risque corporatiste, on peut relever plusieurs exemples d’ingérences politiques accompagnées parfois de violence exercée à diverses étapes du processus de mise en œuvre de cette responsabilité, dans le but de le neutraliser ou du moins de l’entraver.

L’intervention la plus violente est sans doute celle dont avait été victime le regretté président de l’Inspection judiciaire, Abdel Basset Ghandour, au début de la période de tutelle syrienne sur le Liban après la fin de la guerre civile, un épisode qui a laissé une trace profonde dans la mémoire collective des magistrats libanais. Les services secrets syriens avaient en effet perquisitionné le domicile du grand magistrat en le ¬forçant à les accompagner hors de chez lui et en cherchant à l’humilier, à cause d’une enquête que l’inspection menait sur un juge proche des services syriens2. La Legal Agenda a également documenté des témoignages concernant la mise à feu de la voiture de l’un des présidents de l’Inspection judiciaire dans les années 1990, suite à la poursuite disciplinaire engagée contre un juge haut placé. Des sources ont également évoqué l’existence de « tranchées » entre le Procureur général près la Cour de cassation et l’Inspection judiciaire dans les années 1990, suite à la position soutenue par cette dernière selon laquelle le Ministère public ne pouvait entamer des investigations, en vertu de l’ancien Code de procédure pénale3.

Mais le témoignage le plus flagrant (et qui sonne comme un aveu au sujet des ingérences politiques) est consigné dans les procès-verbaux des délibérations du Parlement en 1965, lors du débat sur « la loi de l’épuration de la Justice»4. À cette occasion, nombre de députés avaient exigé la fin des ingérences dans le travail de l’Inspection judiciaire comme substitut à la mise en œuvre selon eux injustifiée des mécanismes d’épuration sans procès prévus par le projet de loi alors débattu. En effet, un certain nombre de députés avaient attribué le déclin de la qualité du travail judiciaire à la faiblesse de l’Inspection judiciaire ainsi qu’à la multiplication des ingérences politiques dans son action. Le député Subhi al-Mahmassani avait ainsi déclaré à l’époque que l’Inspection se résumait à la production d’un rapport qui était systématiquement jeté dans les tiroirs, et qu’il y avait un manque d’intérêt certain pour une inspection rigoureuse. Le député Kamal Joumblatt avait également considéré que la réforme réelle commençait par l’interdiction des ingérences du pouvoir politique dans l’action de la Justice. Ces ingérences avaient abouti, selon lui, à la neutralisation des institutions judiciaires, notamment l’Inspection judiciaire, ce qui avait empêché la mise en œuvre du principe de la responsabilité au sein de la Justice. M. Joumblatt avait soutenu5 que « durant le mandat français, aucun juge, quel que fut son pouvoir au sein de l’État, n’osait retarder un dossier, même d’un seul mois. Si cela se produisait, il était poursuivi par l’Inspection judiciaire qui lui demandait pourquoi ce dossier était toujours en suspens et enfoui dans son tiroir ». Autre exemple, trente ans plus tard, lorsqu’un quotidien6 rapporte en 1998, en se fondant sur les propos de l’un des responsables de l’Inspection, qu’environ 200 plaintes déposées contre des juges par des justiciables demeuraient en suspens, et qu’il fallait en discuter en privé avec le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Ce responsable avait même établi un lien entre l’activation de ces dossiers à l’Inspection et le nouveau mandat présidentiel, preuve supplémentaire qui illustre la conviction répandue au sein même de la magistrature vis-à-vis de l’influence que peuvent avoir les forces politiques sur la capacité des juges de l’Inspection à mener les dossiers à terme.

Ces interventions visant à neutraliser l’Inspection judiciaire pourraient être certes liées aux considérations confessionnelles qui sont inhérentes au système politique en place. A titre d’exemple, les liens entre les dirigeants politiques et certains membres du CSM appartenant à leur communauté religieuse facilitent l’ingérence de ces dirigeants dans l’action du Conseil7. Il en est de même pour l’Inspection judiciaire dont tous les membres sont nommés par le pouvoir exécutif. Tout comme le CSM, l’Inspection est composée aujourd’hui de dix membres, choisis sur la base d’une égalité communautaire. C’est ce qu’avait déjà souligné le regretté Nassib Tarabay, éminent juge et cofondateur à la fin des années 60 de l’association des juges libanais, le « Cercle d’études judiciaires », dans sa célèbre conférence sur les nominations et permutations judiciaires, dans laquelle il avait déclaré que la composition de l’Inspection reflétait un consensus confessionnel8.

Dans ce même ordre d’idée, nous constatons que jusqu’en 2010, la majorité des postes de l’Inspection judiciaire étaient restés vacants, ce qui témoigne d’une volonté politique de marginaliser son rôle, ou du moins d’alimenter le sentiment de son inutilité. Bien que la loi sur l’organisation judiciaire prévoie que l’Inspection est composée de 11 membres, la réalité des nominations est venue contredire le texte de loi. En effet, durant la période post-Taëf, le nombre des membres de l’Inspection était constamment limité à 5 ou 6 juges. Cette situation s’est poursuivie après l’élection du président Émile Lahoud, en dépit du durcissement du discours anti-corruption à l’époque, y compris la corruption au sein de la Justice.

Il convient de noter que les obstacles qui empêchent la mise en œuvre de la responsabilité ne tiennent pas uniquement à l’action de l’Inspection (l’autorité d’enquête), mais également et très souvent, à celle des Conseils disciplinaires de première instance ou d’appel (l’autorité de sanction). Les membres du Conseil de discipline sont en effet nommés par le président du CSM, tandis que les membres de l’Instance suprême de discipline sont nommés par le CSM dont le président est également placé à la tête cette instance. Les Conseils disciplinaires sont ainsi susceptibles d’être soumis à la même pression exercée sur le CSM pendant la période des nominations et permutations judiciaires et éventuellement par le biais des mêmes canaux. Ceci s’est confirmé durant la période 2005-2008 durant laquelle 17 saisines du Conseil de discipline sont demeurées en suspens, certaines ayant été réactivées par le CSM cinq ans plus tard, comme l’a révélé l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar9. Parallèlement, de nombreuses infractions n’ont abouti en définitive qu’à des peines réduites, telles que le blâme ou la rétrogradation10, des sanctions qui ne reflètent pas la gravité des infractions mises en cause. Cela est notamment dû à l’absence, dans la loi sur l’organisation judiciaire, de toute règle consacrant le principe de proportionnalité entre la sanction et la gravité de l’infraction, et au secret des décisions disciplinaires qui empêche tout débat entourant leur opportunité ou l’examen de l’évolution de la jurisprudence à cet égard.

Il demeure ainsi qu’en dehors des décisions disciplinaires aboutissant à la révocation du juge de ses fonctions, toutes les procédures d’inspection et de discipline restent entourées de secret, ce qui accroît les doutes des justiciables et affaiblit leur confiance dans les mécanismes de la responsabilisation. La partie plaignante ignore ainsi totalement le sort de sa plainte.

« Mécanismes alternatifs » de mise en œuvre de la responsabilité : un danger réel

Devant la faiblesse de la mise en œuvre de la responsabilité ordinaire et de ce fait, de la perte progressive de la confiance du public, d’autres mécanismes se sont développés, essentiellement à caractère populiste, loin de toute réflexion sur la réalité de leur contenu ou de leur efficacité. Dans la plupart des cas, la marge d’intervention politique s’élargit à travers ces mécanismes nouveaux, et se double d’un affaiblissement des garanties du juge ou de sa capacité à se défendre. Ainsi, au lieu de prendre les mesures nécessaires pour réactiver les voies ordinaires (et légales) de mise en œuvre de la responsabilité, le prétexte de la défaillance de ces dernières est avancé pour créer des mécanismes alternatifs qui aboutissent au final, en dépit de certains succès enregistrés ici et là, à la consécration de pratiques dangereuses qui renforcent et approfondissent la dépendance et la faiblesse de la Justice. Nous nous contenterons ici de souligner deux mécanismes alternatifs : les investigations alternatives et l’épuration sans procès. À ces deux modes, on pourrait ajouter le transfert punitif de poste et l’incitation à la démission, que ces lignes ne permettront pas de développer.

Les investigations alternatives : ingérences déguisées

Parallèlement au déclin du rôle de l’Inspection judiciaire et à la faiblesse de son interaction avec les justiciables et l’opinion publique, certaines autorités ont cherché à exploiter cette situation. Au lieu de réformer l’Inspection et ses méthodes de travail, ces autorités ont cherché à combler le vide par la mise en place de mécanismes alternatifs de plainte et d’enquête.

Par exemple, le CSM a mis en place ces dernières années un système pour recueillir les plaintes des citoyens auprès de son secrétariat général, tout en confiant aux membres de ce secrétariat la tâche d’assurer leur suivi auprès de leurs collègues juges, en vue de prendre la position appropriée à leur égard11.

Les ministres de la Justice sont également intervenus de différentes manières dans ce domaine. Alors que la loi autorise le citoyen à présenter sa plainte auprès de l’Inspection judiciaire par l’intermédiaire du ministère de la Justice, le ministère a utilisé cette compétence de réception des plaintes pour entamer lui-même des enquêtes, soit par le biais du ministre directement, soit à travers les conseillers désignés par ce dernier (dont certains sont des juges). Le ministère a souvent justifié ces pratiques en affirmant que la procédure de saisine de l’Inspection judiciaire lui permettait de mener une enquête préliminaire afin de déterminer le caractère sérieux ou non d’une plainte. D’ailleurs, le rôle du ministère s’est souvent amplifié par le biais de sa proximité avec les partisans du groupe politique auquel appartient le ministre, ou ceux des partis qui lui sont alliés. S’ajoute à cela la capacité de communication médiatique dont dispose le ministre. Cet aspect a atteint son apogée avec le ministre actuel de la Justice, Sélim Jreissati, qui a œuvré à la promotion par le biais des médias du rôle du ministère dans la supervision du travail des juges, partant du fait que le ministre de la Justice est le ministre de « la performance judicaire » ou du service public12. Il a même été jusqu’à donner des instructions au juge, dans l’affaire « Al-Rif », en présence des médias, sous prétexte que cette affaire faisait partie des dossiers brûlants, des « Front files »13. Cela représente une invitation adressée à tout citoyen lésé à soumettre sa plainte au ministère, avec ce que cela implique de légitimation des pratiques d’ingérence dans la Justice en faveur des justiciables dans certains cas, mais le plus souvent en faveur des forces et des partis politiques. À la suite de vives critiques de la part de la Legal Agenda soulignant la gravité de ces pratiques qui renforcent la mainmise du pouvoir exécutif sur la Justice14, le bureau d’Information du CSM a publié, le 19/5/2017, une déclaration annonçant un accord conclu entre le ministre de la Justice et le Président du CSM en vue de l’adoption d’une approche unifiée, consistant à transférer les plaintes déposées contre les juges à l’Inspection Judiciaire. Cependant, plusieurs éléments permettent de confirmer la persistance des pratiques « d’investigation préliminaire » au sein des deux instances. Il résulte de cet état de fait un accablement des juges, envahis de prises de contact et de demandes d’éclaircissement formulées par différentes autorités intervenant sous le prétexte de l’enquête. Mais le plus alarmant reste que ces mesures sont susceptibles de renforcer la mainmise du ministre de la Justice et du CSM (dont l’indépendance est loin d’être garantie) sur les juges, accentuant leur capacité à intervenir dans leur travail et à influencer leurs actions.

L’épuration sans procès : le droit de défense bafoué

Nous arrivons ici à la procédure la plus dangereuse, qui consiste à révoquer le juge sans passer par les procédures d’investigation et de procès. Cette procédure doit sa popularité à l’échec, pour les raisons expliquées ci-dessus, des voies normales destinées à assainir la Justice et à y renforcer le sentiment de responsabilité. Si cette procédure a fait l’objet de plusieurs textes législatifs par le passé (la loi sur l’épuration de la Justice (1965), ou le projet de loi sur la levée de l’immunité des juges pour une période déterminée (1999)), elle est instaurée depuis 2001 par l’article 95 de la loi sur l’organisation judiciaire qui permet au CSM de déclarer un juge incapable par une décision définitive prise par une majorité de 8 à 10 voix, sur recommandation de l’Inspection judiciaire. La décision intervient dans ce cas après avoir entendu le juge concerné mais en dehors de tout procès et donc sans qu’il ne puisse se défendre et, plus grave encore, sans qu’il ne bénéficie d’un droit de recours contre la décision de le révoquer. Et alors que de nombreux politiques (dont plusieurs anciens ministres de la Justice : Charles Rizk, Ibrahim Najjar et Chakib Cortbawi) ont estimé que la mise en œuvre de cet article est nécessaire pour garantir un assainissement rapide de la Justice, toute analyse sérieuse des conditions de son application laissent entrevoir les faibles chances de le voir s’appliquer à l’encontre de juges bénéficiant d’une couverture confessionnelle et politique, juges qui sont en général les plus dangereux. En effet, comment imaginer pouvoir obtenir 8 voix entre les 10 membres du Conseil pour révoquer un juge bénéficiant d’une telle protection, alors que le pouvoir exécutif nomme 8 de ces membres, souvent désignés parmi ceux qui lui sont les plus proches ? Quand bien même il y aurait une volonté politique de protéger le principe de la mise en œuvre de la responsabilité des juges des intérêts et des calculs politiques (rien ne montre à ce jour que cette volonté existe), n’est-il pas alors préférable d’investir cette volonté présumée pour consolider les voies ordinaires et « légales », garantes de l’indépendance judiciaire, en les rendant plus efficaces ? Cette question suffit en elle-même pour souligner le caractère peu sérieux et démagogue du discours défendant l’article 95.

Malgré le tumulte provoqué depuis des années par l’article 95, ce dernier n’a effectivement été mis en œuvre qu’une seule fois, et ce durant le mandat du ministre Cortbawi. Le CSM avait en effet convoqué en octobre 2013 un juge sur le fondement de l’article 95. Anticipant la séance prévue pour son audition, ce dernier présenta sa démission. Dans les autres cas de figure, la seule menace de recourir à l’article 95 avait dû suffire15.


La mise en œuvre de mécanismes de responsabilisation au sein de la Justice constitue l’une des principales garanties de son indépendance. Ce constat résulte du fait que les principes démocratiques exigent la mise en place d’un mécanisme de reddition de comptes de la part des acteurs publics, à la mesure de leur degré de responsabilités. Par ailleurs, la nature de la fonction...

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