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Culture - Cimaises

Retour en douceur à « L’Éclat de la vie » avec Georges D. Corm...

Après trois mois de fermeture pour cause de pandémie, le musée Sursock rouvre ses portes aux visiteurs*, avec une exposition consacrée aux portraits au pastel de l’un des maîtres de l’art libanais du début du XXe siècle.

Retour en douceur à « L’Éclat de la vie » avec Georges D. Corm...

Georges Corm fils devant les œuvres de son père, Georges D. Corm. Photo Michel Sayegh

L’ambiance est intimiste, un peu feutrée. Repeints en vert tendre, les murs des deux salles, au premier étage, dédiées à l’exposition Georges D. Corm (1896-1971), enveloppent d’une douceur supplémentaire les portraits d’une grande finesse d’exécution qui y sont accrochés. Ces figures de jeunes femmes (majoritaires, malgré la présence de quelques représentants de haut vol de la gent masculine libanaise du siècle dernier, à l’instar de Michel Chiha) reproduites au pastel sur papier racontent une époque révolue. Celle de la première moitié du XXe siècle dans un Liban, un Levant plus précisément, où l’élégance et la douceur de vivre se conjuguaient sans ostentation. Une période bienheureuse que l’on aimerait bien retrouver de nos jours, ne serait-ce que furtivement, et que cet accrochage, qui signe la réouverture postconfinement du musée Sursock après trois mois de fermeture totale, contribuera peut-être à faire ressentir aux visiteurs. Dont une poignée de fidèles commençait à affluer hier, dès l’ouverture à midi de cette première exposition muséale sans vernissage pour cause de Covid-19.

Sauf que la douce nostalgie véhiculée par cet art venu du passé ne ternit pas le moins du monde L’Éclat de la vie (pour reprendre l’intitulé de l’exposition) qui se dégage avec force des portraits exposés.

Ce qui frappe dans cette galerie de visages immortalisés au pastel – sélectionnés parmi le vaste fond d’œuvres laissé par Georges D. Corm et généreusement confié en dépôt à long terme au musée Sursock par son fils et légataire, l’ancien ministre des Finances Georges Corm – c’est la vivacité des regards des portraiturés, l’éloquente animation de leurs traits et l’éclat de leur carnation qui exsudent la vie…


Portrait du peintre Georges D. Corm. Photo DR


Portraitiste-physionomiste chevronné

Une trentaine de peintures accrochées sur les cimaises, accompagnées de quelques dessins et esquisses préliminaires, qui offrent dans la plus pure tradition muséale une (re)mise en lumière de l’un des grands peintres prémodernes libanais. Un artiste d’une étincelante sensibilité, paysagiste adroit mais surtout physionomiste virtuose qui excellait à saisir le caractère des personnes qu’il peignait. S’il a signé nombre de portraits à l’huile (dont une sélection est présentée au sein d’une autre exposition au deuxième étage du musée), ce portraitiste chevronné avait une prédilection pour le pastel « qui donne un rendu plus brillant et vivant que la peinture à l’huile », signale dans un texte d’accompagnement la curatrice de cette exposition Yasmine Chemali. Une orientation qui le distinguera de son père Daoud Corm, grand peintre reconnu pour ses portraits à l’huile de notables et de religieux… aux faciès figés. Alors que c’est l’expression si vivante qui anime les personnages, très souvent féminins et issus de la société bourgeoise de son temps, qui signe la facture du travail de Georges D. Corm.


Même dans ses nus feminins, Georges D. Corm met l’accent sur le regard. Photo Michel Sayegh


« Votre âme est un paysage choisi »

On retiendra de cette exposition l’élégance du tracé, la fraîcheur de la palette de couleurs et surtout la primauté du regard dans les portraits de Georges D. Corm. Lequel, même dans ses nus féminins, d’une grande sensualité, et d’une surprenante crudité parfois, n’omettait pas de faire parler les yeux, ces fenêtres de l’âme.

« Votre âme est un paysage choisi », formulait d’ailleurs, au cours d’une conférence donnée à Alexandrie, cet artiste cosmopolite (il a vécu à Beyrouth, Paris et Alexandrie), cultivé et rompu au classicisme pictural. « Bien qu’ayant expérimenté une grande variété de styles, il s’était élevé contre le fait que la peinture libanaise était devenue abstraite par effet de mode », indique son fils, dans une vidéo placée en début de parcours.

Un attachement à un art académique que certains critiques libanais de son époque lui reprocheront. Mais qui lui vaudra l’appréciation d’autres, étrangers, qui iront même jusqu’à le designer par « le Maurice Quentin-de la Tour levantin ».

Un peintre à redécouvrir donc à travers ce petit corpus d’œuvres qui, bien que souvent non datées, restent de toute évidence réalisées, pour la plupart, au cours des années 30 à 50 du siècle dernier.

Mesures sanitaires et gestes barrières

Le Pastel ou L’Éclat de la vie, qui devait être à l’origine inaugurée le 21 mars, avait été entièrement mise sur pied avant l’entrée en confinement de l’établissement le 13 mars dernier. Son ouverture, sans vernissage, hier en matinée, en fait donc la première exposition muséale visitable en temps de Covid-19. Une expérience bardée de précautions que signale, d’ailleurs, une liste énumérant les gestes barrières exigés pour la visite, placardée à l’entrée du musée.

Port du masque exigé, prise de température à l’arrivée, installation d’une barrière de protection en plexiglas à l’accueil et de plusieurs distributeurs de gel hydro-alcoolique, nettoyage régulier des ascenseurs, marquage au sol pour délimiter la distanciation physique requise ainsi que le sens de la circulation à travers les différentes salles… Les aménagements et mesures de sécurité pour prévenir tout risque sanitaire ont été pensés dans les moindres détails. « Depuis l’enregistrement des noms des visiteurs à l’entrée et à la sortie afin de permettre de retracer un éventuel cas de contamination au remplacement des banquettes dans les salles d’exposition par des chaises individuelles », avise la directrice de l’établissement, Zeina Arida. Laquelle espère une reprise de l’affluence habituelle au fil des jours…

*« Le Pastel » ou « l’Éclat de la vie « au musée Sursock. Horaires d’ouverture : 10h à 18h, tous les jours, sauf les lundis et mardis.

Au musée, l’art et la solidarité font front commun

L’accès aux différentes expositions du musée Sursock n’étant pas payant, le fonctionnement de l’institution culturelle est financé partiellement par un programme de mécénat ainsi que par les dons des visiteurs. Ceux-ci sont recueillis dans une caisse placée à l’entrée. En cette période de crise économique ravageuse, la contribution des visiteurs est plus que jamais nécessaire, d’autant que l’équipe du musée a décidé de reverser la moitié du montant prélevé de la caisse au profit de la Lebanese Food Bank, une ONG qui distribue des caisses alimentaires aux familles dans le besoin.


L’ambiance est intimiste, un peu feutrée. Repeints en vert tendre, les murs des deux salles, au premier étage, dédiées à l’exposition Georges D. Corm (1896-1971), enveloppent d’une douceur supplémentaire les portraits d’une grande finesse d’exécution qui y sont accrochés. Ces figures de jeunes femmes (majoritaires, malgré la présence de quelques représentants de haut vol de...

commentaires (3)

Une parenthèse éclectique et élégante Comme tout ce qu’écrit Zena Zalzal Une fenêtre civilisée et agréable Merci !??

Noha Baz

19 h 07, le 18 juin 2020

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Commentaires (3)

  • Une parenthèse éclectique et élégante Comme tout ce qu’écrit Zena Zalzal Une fenêtre civilisée et agréable Merci !??

    Noha Baz

    19 h 07, le 18 juin 2020

  • Un très grand plaisr intellectuel de pouvoir contempler ces tableaux

    Chucri Abboud

    18 h 10, le 12 juin 2020

  • Le tableau représentant "Saint-Georges terrassant le dragon" qui trône depuis le début du XXème siècle au dessus de l'autel principal de la cathédrale Saint-Georges à Sarba (Kesrouan) est signé par Daoud Corm 1901. Il ressemble au tableau "Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard" de Jacques-Louis David, peint entre 1800 et 1803.

    Un Libanais

    13 h 38, le 12 juin 2020

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