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Nos Lecteurs ont la Parole

6 feet apart

L’autorisation de sortie aurait enfin été approuvée. Mais il semble que l’on ne puisse encore entrer nulle part. Les portes se sont ouvertes mais les visages se sont fermés. Après avoir mis le temps entre parenthèses, les libérés découvrent en fin de phrase tous ces points d’interrogation. Ils sont libres, mais ne savent plus où aller. Oui... hiberner les a déboussolés.

Le despote n’a pas encore été vaincu. Peu importe, ils sont dans la rue, sur le champ de bataille. Résistants, inconscients, résilients, peu importe, ils veulent voir. Ils veulent respirer. Ils sont là, libres, mais en cavale. La police veille. Elle les surveille en les fuyant du regard. Les plus petits trébuchent. Pas facile de porter un masque en promenant sa poupée. La maman aussi veille. Petits et grands marchent sur un fil. L’équilibre est fragile. Oui... la liberté des uns s’arrête là où la survie des autres commence. Alors on se donne la main « 6 feet apart ». On est libre, mais piégé entre la sauvegarde de droits longtemps revendiqués, et la survie d’une espèce que plus rien ni personne ne semble protéger. Sauf ce masque. Sauf ce « 6 feet apart ».

L’armistice n’a pas encore été signée. Pourtant les traités de paix sont déjà appliqués, par phases, complètement déphasées. Elle est fragile notre paix... Elle l’a toujours été.

À l’école, ils sont nombreux, encore absents, à avoir déjà peur. Mais personne ne les voit. Oui... ils sont « 6 feet apart ».

Ils sont libres, masqués et déjà à genoux. Ils réalisent enfin... Après le lockdown, le lockout, « 6 feet apart ».

Déjà touchés par la misère, la pauvreté et l’insécurité, on leur annonce que le cessez-le-feu est éphémère, qu’il continue d’alimenter la poudrière et de menacer toutes les frontières.

Ils sont libres, masqués et déjà visés, no feet apart. Ils redoutent encore les attaques silencieuses de cette guerre «extraterrestre». Une guerre qui opère de manière sous-marine pour détruire au sol, alors qu’elle avait été déclarée « aérienne ».

Ils sont libres, masqués et déconcertés. Il aura suffi d’une attaque « éclair » pour que tous les fronts soient touchés, sans aucune concession, sans aucune discrimination. Ils découvrent le champ de bataille. Plus de victimes que pendant la guerre du Vietnam. Des soldats inconnus.

Ils sont libres, masqués et tristes.

Chez eux, la course aux armements a déjà commencé. L’artillerie devra être lourde pour contrer tous les gaz asphyxiants déjà présents sur tous les continents. Oui... Du despote éclairé au tyran invisible, il semble qu’il n’y ait plus aucune ligne de démarcation.

Cette ligne... Ils en avaient mis du temps à l’effacer... Derrière les murs, ils se sont rappelés de leur abri, celui qui les avait protégés, il y a trente ans. Ils pensaient sortir détruits de cette guerre. La leur. L’inoubliable. Celle qui a tout fait basculer. Pour eux. Pour leur famille. Pourtant, c’est elle qui les a construits. Elle leur a appris à résister pour protéger leur dignité. Elle leur a appris à puiser leur force dans toutes les choses simples. Il suffisait de peu. Mais peu, pour eux, c’était déjà tout.

Ils sont libres, masqués et ils se sont promis de ne jamais oublier. Après tous leurs détours, en quête de justice et de paix, ils sont encore résilients, ici, ailleurs, partout, « 6 feet apart ».

Et puis, il arrive. Lui, le Résistant. Le Survivant. Il marche, le dos droit, décidé à ne pas faire tomber cette bouteille qui trône sur sa tête.

Vents, courants, tempêtes. Peu importe. Il veut garder son équilibre. Il arrive devant la fontaine, enjambe les pierres. La bouteille est toujours là. Il s’avance vers les quatre chérubins : la tempérance, la pureté, la prospérité et la paix. Il est face à l’Ange des Eaux et il l’implore de maintenir tous les équilibres. Pour tous. Sauf celui de la terreur.

Il veut encore y croire. Il doit encore y croire. Et nous aussi... Même « 6 feet apart ».

Les textes publiés dans le cadre de la rubrique « courrier » n’engagent que leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue de L’Orient-Le Jour. Merci de limiter vos textes à un millier de mots ou environ 6 000 caractères, espace compris.

L’autorisation de sortie aurait enfin été approuvée. Mais il semble que l’on ne puisse encore entrer nulle part. Les portes se sont ouvertes mais les visages se sont fermés. Après avoir mis le temps entre parenthèses, les libérés découvrent en fin de phrase tous ces points d’interrogation. Ils sont libres, mais ne savent plus où aller. Oui... hiberner les a déboussolés.Le...

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