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Monde - Éclairage

Les manifestations américaines vues du Moyen-Orient

Entre sentiment de solidarité envers les insurgés et jubilation de voir les États-Unis en crise, les réactions sont très partagées.

Les artistes Aziz Asmar et Anis Hamdoun à côté de leur portrait de George Floyd, hier dans la ville de Binnish, dans la province d’Idleb en Syrie. Omar Haj Kadour/AFP

« L’Amérique dans le chaos. » Derrière ces mots écrits en blanc, une photo d’un drapeau américain déchiré s’étalait sur quasiment l’ensemble de la une d’hier du quotidien al-Akhbar. Pas étonnant de voir le journal, proche du Hezbollah, qui a fait de l’anti-impérialisme américain l’un de ses piliers éditoriaux, sauter sur l’occasion des manifestations qui secouent les États-Unis depuis la mort de George Floyd pour pointer du doigt les faiblesses de l’ennemi. C’est de bonne guerre. Mais au-delà du simple exercice de propagande, le choix éditorial reflète ce qu’une partie des populations du Moyen-Orient ressentent en observant ce qui se passe au pays de l’Oncle Sam : le sentiment que les États-Unis sont en crise et l’espoir, pour certains d’entre eux, que celle-ci affaiblira la première puissance mondiale, accusée d’être à l’origine de nombreux maux dans la région.

Décédé lundi dernier à Minneapolis à la suite de sa violente arrestation par des policiers blancs, l’Afro-Américain de 46 ans est devenu le dernier symbole en date du mouvement « Black Lives Matter » (« La vie des Noirs compte ») alors que la vidéo de l’homme plaqué au sol et suffoquant dans l’indifférence des forces de l’ordre a provoqué une vague d’indignation à travers le monde. Si la plupart des médias arabes se sont seulement contentés de rapporter l’information pour le moment, les réseaux sociaux sont en ébullition dans la région, alors que les États-Unis fascinent autant qu’ils révulsent les populations locales.

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L’Amérique continue de s’embraser, sans répit prévisible

De nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l’interventionnisme de Washington au Moyen-Orient sous couvert des violations des droits de l’homme des régimes en place en comparant les images des guerres de la région avec celles des manifestations aux États-Unis. Sur Twitter, un internaute invite « les États-Unis à passer plus de temps à s’occuper du problème du racisme chez eux plutôt que de venir chercher du pétrole au Moyen-Orient », reflétant une pléthore de propos de la même veine sur le réseau social. Dans un commentaire publié sur le site qatari al-Jazeera, l’analyste politique Marwan Bishara fait pour sa part le bilan du mandat du président américain Donald Trump, estimant que « dans le processus, l’Amérique a retrouvé tout sauf sa grandeur (en référence au slogan “Rendre sa grandeur à l’Amérique”). Au contraire, elle est devenue plus raciste encore une fois ». Certains régimes locaux en profitent même pour se faire passer pour des parangons de liberté et de tolérance. Le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Abbas Moussavi, s’est adressé hier aux Américains, estimant que « le monde a entendu (leur) cri sur l’état d’oppression », avant d’appeler les États-Unis à « arrêter les violences » contre leur peuple. Samedi, le chef de la diplomatie iranienne, Javad Zarif, avait écrit sur Twitter: « Certains pensent que les vies des Noirs ne comptent pas », avant de poster une capture d’écran d’un communiqué officiel américain sur les manifestations en Iran en 2018 contre la corruption et l’injustice, et remplaçant l’Iran par les États-Unis dans le texte. Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a également présenté ses condoléances à la famille de George Floyd sur son compte vendredi et a dénoncé le racisme. « On note une hypocrisie des régimes arabes, iranien et turc qui se précipitent aujourd’hui à qui mieux mieux pour critiquer l’administration Trump, alors qu’eux-mêmes au fil des ans ont foulé aux pieds les droits des minorités dans leurs pays respectifs », souligne Karim Émile Bitar, directeur de l’Institut des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph.

« L’Amérique se révolte »

Les images des émeutes ont également donné lieu à des réactions beaucoup plus positives, sur le ton de l’humour et de la solidarité. « Ces événements sont suivis de très près à partir du Moyen-Orient avec beaucoup de sens de l’humour, les peuples ayant vécu les révolutions arabes retrouvent des images qui leur sont souvent familières et cherchent à les tourner en dérision », remarque Karim Émile Bitar. « Les hashtags les plus populaires dans le monde arabe ces derniers jours faisaient référence à des événements marquants soit de l’an dernier, soit de 2011 », observe-t-il.

Le hashtag en arabe « L’Amérique se révolte » a notamment fait son apparition sur Twitter – en écho au hashtag « Le Liban se révolte » utilisé depuis le début de la révolution le 17 octobre dernier –, tandis qu’un véritable élan de solidarité avec les manifestants américains s’est créé sur la Toile. Un document intitulé « From Beirut with Love » donne des conseils aux manifestants à Minneapolis pour rester en sécurité pendant les émeutes, tandis que des images et des articles pour s’éduquer sur le racisme et le concept de « privilège blanc » ont été partagés en masse sur différentes applications.

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Iyad Hallak : le George Floyd palestinien, l’indignation collective en moins

En Syrie, les artistes Aziz Asmar et Anis Hamdoun ont pris la pose à côté d’un portrait de George Floyd réalisé par leurs soins sur les ruines d’un immeuble détruit dans la province d’Idleb assiégée et en proie aux interventions militaires du régime et de la Turquie. Des internautes ont pour leur part repris l’une des dernières phrases prononcées par George Floyd « Je ne peux pas respirer » sous la formule « La Syrie ne peut pas respirer ».

La photo d’Iyad Hallak, un trentenaire palestinien autiste tué samedi à Jérusalem par la police israélienne qui le suspectait de porter une arme, a également été largement relayée alors que des activistes ont effectué des parallèles entre les conditions de vie des Palestiniens et de la communauté afro-américaine.

« Une sorte de convergence des luttes se crée entre les Noirs américains, les Palestiniens, les populations arabes en lutte contre les dictatures… Et cela peut présager d’une éventuelle lutte commune pour la dignité de l’homme, pour la justice et l’égalité des droits à l’échelle planétaire », indique Karim Émile Bitar. Des gestes de solidarité qui ont toutefois fait l’objet de critiques sur les réseaux sociaux, rappelant qu’un racisme systémique est également entretenu à l’égard des communautés noires ou asiatiques dans les pays arabes à travers, entre autres, le vocabulaire encore utilisé aujourd’hui ou en les considérant comme des citoyens de seconde zone dans la vie quotidienne.

« L’Amérique dans le chaos. » Derrière ces mots écrits en blanc, une photo d’un drapeau américain déchiré s’étalait sur quasiment l’ensemble de la une d’hier du quotidien al-Akhbar. Pas étonnant de voir le journal, proche du Hezbollah, qui a fait de l’anti-impérialisme américain l’un de ses piliers éditoriaux, sauter sur l’occasion des manifestations qui...

commentaires (1)

Mais qu'attend donc le gouvernement pour rapatrier les ressortissants Libanais ou à défaut d'émettre des consignes de sécurité. L'Amérique devenue zone de non-droits...où l'on ne trouve même plus de Livres Libanaises....

C…

08 h 39, le 02 juin 2020

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Commentaires (1)

  • Mais qu'attend donc le gouvernement pour rapatrier les ressortissants Libanais ou à défaut d'émettre des consignes de sécurité. L'Amérique devenue zone de non-droits...où l'on ne trouve même plus de Livres Libanaises....

    C…

    08 h 39, le 02 juin 2020

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