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Société - Covid-19

Les prisons pourraient devenir des foyers infectieux, s'alarme l'ordre des médecins

Abou Charaf offre la Turquie et l’Iran en modèles de lutte contre la surpopulation carcérale.

La réunion de la commission sanitaire des prisons hier au siège de l’ordre des médecins. Photo DR

« À l’instar des camps de réfugiés et des milliers de Libanais rapatriés, les prisons du Liban sont un foyer d’épidémie potentiel, une menace latente qui, si elle se concrétise, compromettrait tous nos efforts pour contenir la Covid-19. » C’est l’avertissement lancé hier par le président de l’ordre des médecins, Dr Charaf Abou Charaf, qui a présidé au siège de l’ordre une réunion de la commission sanitaire des prisons. Le problème numéro un dans ce domaine est la surpopulation carcérale, a résumé pour L’Orient-Le Jour le Dr Abou Charaf, dénonçant au passage « les conditions inhumaines » qui prévalent dans certains dépôts transformés, faute de place, en prisons. « C’est en particulier le cas à Baabda, ainsi qu’au Palais de justice » de Beyrouth, a-t-il souligné. Et de s’étonner, comme beaucoup de Libanais, de la réticence que manifestent les autorités concernées à libérer des prisonniers détenus arbitrairement, compte non tenu de ceux qui sont reconnus coupables d’actes de terrorisme. Précisant que les deux tiers des 9 000 prisonniers du Liban sont détenus sans jugement, le Dr Abou Charaf a plaidé en faveur de mesures judiciaires immédiates qui permettraient d’alléger de façon significative les prisons. « Cela s’est fait dans des pays comme la Turquie ou l’Iran, a-t-il dit, alors pourquoi pas chez nous ? »

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Cette proposition sera débattue au cours de deux réunions qu’un comité de suivi de la commission tiendra avec la ministre de la Justice et le président du Conseil supérieur de la magistrature, a précisé le médecin. Le Dr Abou Charaf a par ailleurs demandé qu’un hôpital spécial soit réservé à l’admission des détenus atteints de la Covid-19, s’étonnant que l’on n’y ait pas songé plus tôt.

Les recommandations du Dr Abou Charaf ont été émises à l’issue d’une réunion de la commission au siège de l’ordre des médecins, en présence de représentants de l’ordre des avocats, du syndicat des infirmières, de responsables du ministère de la Santé, du Comité international de la Croix-Rouge et de l’Organisation mondiale de la santé, ainsi que du chef du département médical à la prison de Roumié. La réunion a été consacrée à l’examen des mesures préventives déjà prises pour éviter l’apparition de foyers d’épidémie dans les prisons. Ces mesures ont apparemment porté leurs fruits, puisqu’aucun cas de Covid-19 n’a encore été signalé en milieu carcéral. Toutefois, le Dr Abou Charaf estime qu’il faut prévoir le pire et renforcer les mesures préventives déjà prises pour répondre aux risques d’un foyer épidémique, que ce soit dans la prison centrale surpeuplée de Roumié ou ailleurs.

Remises de peine

Les recommandations de la commission sont de deux natures : le renforcement des mesures sanitaires préventives destinées à parer à un éventuel foyer d’infection et le déblocage des fonds nécessaires à cette fin, ainsi que le désengorgement maximal des prisons grâce à l’accélération des procédures judiciaires ou à des remises de peine et des libérations anticipées.Selon un document distribué aux députés par le ministère de l’Intérieur dont L’OLJ a obtenu une copie, sur un total de 9 000 prisonniers, il y a au Liban 1 684 individus arrêtés pour crime et emprisonnés depuis plus d’un an sans jugement, et 619 autres détenus pour délits depuis plus de quatre mois et attendant toujours leur jugement, sachant que la loi limite à 48 heures, renouvelables une fois, la détention préventive. Par ailleurs, le ministère de l’Intérieur détient une liste nominale de 1 158 détenus soit qui ont atteint un âge avancé, soit souffrant de maladies chroniques ou contagieuses (cancer, sida, tuberculose), soit à besoins spéciaux ou encore atteints de pathologies psychiques, et leur libération pourrait désengorger significativement les prisons.

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Il y a également 576 détenus auxquels il ne reste à purger que des peines allant de 3 à 8 mois, ou qui n’ont pas réglé l’amende qui leur est infligée et la règlent sous forme de journées d’incarcération supplémentaire. Il faut noter à cet égard que l’ordre des avocats avait proposé de créer un fonds d’aide aux détenus incapables de régler leurs amendes et souffrant des peines de prison supplémentaires en lieu et place de ce règlement.Au nombre des recommandations prises hier par la commission sanitaire des prisons, figurent également : l’adoption de l’interrogatoire électronique ; l’adoption de mesures de substitution à l’arrestation (confiscation de passeport, interdiction de voyager) ; la suspension immédiate de tout nouvel emprisonnement dans les prisons surpeuplées ; la fourniture d’un équipement de protection adéquat au personnel des prisons ; le choix d’un espace spécial pour d’éventuels membres du personnel pénitencier touchés ; la consécration de fonds au renforcement des mesures préventives et la poursuite des sessions de formation des membres du personnel médical dans les prisons.

Ferzli : « Une certaine forme de quasi-entente » sur une loi d’amnistie

« Après de gigantesques efforts des députés, une certaine forme de quasi-entente, mais non une pleine entente s’est établie » sur un projet de loi d’amnistie unifié, a annoncé hier le vice-président de la Chambre, Élie Ferzli, au terme d’une réunion des commissions conjointes qu’il a présidées, en présence de la ministre de la Justice, Marie-Claude Najm. Obtenu au forceps, le projet aurait intégré les demandes contradictoires émises par les différents camps politiques en présence. « Je ne vous cache pas que les demandes étaient largement contradictoires, a dit M. Ferzli en fin de séance. Les “contradictions” portaient sur “les Libanais qui ont fui en Israël (au moment du retrait de l’armée israélienne de la bande frontalière en 2000) et les réductions de peines de certains condamnés (pour terrorisme)” », a précisé le député. « Naturellement, ces réserves ont été relevées dans le procès-verbal de la séance », a précisé M. Ferzli, qui a ajouté que « le débat est clos » et que c’est désormais à l’Assemblée de se prononcer. Se mobilisant depuis plus d’un mois contre le danger de la propagation de la Covid-19 dans les prisons, la ministre de la Justice recommande de ne recourir à la détention préventive qu’en cas d’« extrême urgence ».

« À l’instar des camps de réfugiés et des milliers de Libanais rapatriés, les prisons du Liban sont un foyer d’épidémie potentiel, une menace latente qui, si elle se concrétise, compromettrait tous nos efforts pour contenir la Covid-19. » C’est l’avertissement lancé hier par le président de l’ordre des médecins, Dr Charaf Abou Charaf, qui a présidé au siège de...

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