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Moyen-Orient - Éclairage

Économie, santé, sécurité... Les nombreux défis qui attendent le nouveau Premier ministre irakien

Moustafa al-Kadhimi a obtenu la confiance du Parlement pour diriger le gouvernement dans un contexte de crise sans précédent.

Moustafa al-Kadhimi durant une rencontre avec le porte-parole du Parlement Mohammad al-Halboussi, à Bagdad, avant le vote de confiance le 6 mai 2020. Photo AFP

Après plus de cinq longs mois d’atermoiements, l’Irak s’est enfin doté d’un nouveau gouvernement, déjouant les pronostics qui pariaient sur un énième échec. Depuis la démission de l’ancien Premier ministre Adel Abdel Mahdi à la fin du mois de novembre 2019, les visages se sont succédé pour reprendre la fonction. Autant d’options qui ont, à chaque fois, abouti à un échec. Ni Mohammad Toufic Allaoui ni Adnan al-Zorfi, tous deux nommés par le président Barham Saleh, n’ont été en mesure de récolter suffisamment de soutiens pour former un gouvernement. C’est donc avec une dose de scepticisme que la désignation au début du mois d’avril de Moustafa al-Kadhimi avait été accueillie après cette double débâcle. Le nom même du personnage a pendant un temps fait couler beaucoup d’encre. À deux reprises par le passé, sa candidature a été écartée, en raison notamment des pressions venues du groupe pro-iranien au Parlement, certains allant même jusqu’à l’accuser d’avoir contribué aux assassinats de Kassem Soleimani et d’Abou Mahdi al-Mouhandis en janvier 2020, alors qu’il était chef des services de renseignements.

Né dans une famille chiite, le nouveau Premier ministre a fui avec sa famille la dictature de Saddam Hussein, d’abord en Iran, puis au Royaume-Uni. Il a également vécu aux États-unis. Rentré en Irak après la chute de l’ancien raïs, il cofonde le réseau des médias irakiens en même temps qu’il dirige la fondation pour la mémoire irakienne dont l’objectif est de documenter les crimes commis sous l’ancien régime. Placé à la tête des services de renseignements en 2016, Moustafa al-Kadhimi a développé de bons rapports avec les États-Unis et les pays membres de la coalition anti-EI, mais aussi avec la plupart des acteurs politiques irakiens. Face aux réticences des pro-iraniens, il a œuvré ces derniers temps au réchauffement de ses relations avec Téhéran et ses alliés dans le pays. Pour ces derniers, M. Kadhimi ne s’est certainement pas mué en premier choix, mais il relève toutefois d’un moindre mal dans un pays où toute nomination est tributaire des jeux confessionnels et des interférences extérieures.

« Lorsque le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale iranienne, Ali Chamkhani, a rendu visite à des officiels en Irak, y compris à Moustafa al-Kadhimi, cela a mis un terme à toutes les accusations proférées par certains groupes pro-iraniens dans le pays contre M. Kadhimi. L’Iran a ensuite donné son feu vert aux groupes qui lui sont affiliés dans le pays et son nom a pu circuler à nouveau », commente pour L’Orient-Le Jour Mohammad al-Waëli, analyste sur l’Irak spécialisé autour des questions relatives aux institutions et aux réformes. « L’homme a également joué un rôle important dans la guerre contre le groupe État islamique. Lorsqu’il est arrivé à la tête des services de renseignements, il a nettoyé l’administration de fond en comble et l’a rendue beaucoup plus efficace. Cela a abouti à des résultats. »

Le nouveau Premier ministre irakien arrive à une période charnière pour le pays qui traverse une grave crise économique dans un contexte marqué par la pandémie liée au Covid-19, le regain de tensions entre Washington et Téhéran sur le territoire national et la recrudescence d’attaques perpétrées par l’EI contre les forces de sécurité irakiennes et les milices pro-iraniennes. « Le coronavirus constitue le plus grand danger immédiat. Le nouveau gouvernement doit garantir l’amélioration des mesures préventives et la capacité à effectuer des tests. Le système de santé n’est pas préparé pour affronter une épidémie. Si le pays a été suffisamment chanceux pour n’avoir que peu de cas pour le moment, la situation peut vite devenir incontrôlable », rappelle M. Waëli.

Coupes budgétaires

Moustafa al-Kadhimi a obtenu la confiance du Parlement dans la nuit de mercredi à jeudi, mais seuls 15 des 22 ministres proposés ont été confirmés. Les ministres choisis à la tête de la Justice, du Commerce, de la Migration et des Déplacés, ainsi qu’à l’Agriculture ont été rejetés. « En fait, ce cabinet est le premier à avoir si peu de postes vacants et c’est la première fois que les ministres de la Défense et de l’Intérieur sont nommés sans faire l’objet de plus amples négociations », explique M. Waëli.

Les désignations aux ministères du Pétrole et des Affaires étrangères restent pour l’heure sujettes à discussions. « Le Premier ministre a confié durant le vote de confiance qu’il souhaite nommer une personne originaire de Bassora à la tête du ministère du Pétrole, car les habitants de la ville se sentent lésés. Ils considèrent que leur ville fournit le plus de pétrole mais n’a été que faiblement représentée politiquement dans les gouvernements successifs. »

Une vacance hautement symbolique au vu des enjeux qui attendent le nouveau Premier ministre. L’or noir constitue l’alpha et l’oméga de l’économie irakienne. De lui dépendent à plus de 90 % les exportations et les recettes budgétaires du pays. Les salaires des fonctionnaires y sont intrinsèquement liés. Or la crise pétrolière actuelle, née de la guerre des prix sur les marchés pétroliers entre Riyad et Moscou et aggravée par la mise à l’épreuve de l’économie mondiale dans le sillage de la pandémie liée au coronavirus, a réduit les rentrées du gouvernement à un niveau historiquement bas. D’après des chiffres cités par l’AFP, le pouvoir a laborieusement récolté près de 1,3 milliard de dollars pour le mois d’avril, soit cinq fois moins qu’il y a un an à la même période et trois milliards de moins que ce qui s’impose pour payer les fonctionnaires. Le gouvernement doit s’attaquer en premier lieu au vote de la loi budgétaire 2020. Le projet initié par le précédent Premier ministre est aujourd’hui caduc. Il avait été préparé sur la base d’un prix du baril de pétrole à 56 dollars, soit presque le double du niveau actuel.


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Selon la Banque mondiale, 2020 s’annonce comme la pire année pour l’Irak depuis l’intervention américaine de 2003 et la chute de Saddam Hussein. Le PIB s’est contracté de 9,7 %, le taux de pauvreté s’élève à 20 % et pourrait même doubler au cours des mois qui suivent. Le pays a connu une contestation sans précédent à partir d’octobre 2019, dénonçant dans un même élan l’incurie gouvernementale, la déliquescence des services publics, le chômage et la pauvreté.

Mais la nouvelle équipe en place pourrait opter pour des choix économiques qui menacent de détériorer davantage encore les conditions de vie difficiles d’une grande partie de la population. Alors que la situation des fonctionnaires – près de 40 % de l’emploi – semblait jusque-là relativement stable comparée à celle des travailleurs du secteur informel, majoritaire dans le pays, le nouveau gouvernement va devoir s’atteler à des coupes budgétaires importantes pour continuer à assurer aux huit millions de fonctionnaires et pensionnés leurs revenus, au risque de raviver la colère des protestataires.

« Le plus grand défi sur le long terme concerne la jeunesse. La population irakienne est jeune et a besoin d’emplois. Cela n’est pas faisable en seulement deux ans, ni même en quatre. Ce cabinet doit mettre en œuvre un plan que lui et ses successeurs suivront pour venir à bout du problème. Il ne suffira pas de quelques déclarations. Le gouvernement doit démontrer continuellement les progrès opérés afin de prouver son sérieux dans sa manière d’aborder la question de la jeunesse », avance M. Waëli. L’une des revendications principales des protestataires irakiens, à savoir la tenue d’élections anticipées, risque néanmoins de passer à la trappe. « Le Premier ministre a dit vouloir organiser des élections anticipées aussi vite que possible. Mais cela n’est pas une mince affaire. Cela demande du temps, une volonté politique et cela coûte beaucoup. Ces élections se tiendront, au mieux, dans deux ans, soit à la période à laquelle elles se tiennent d’ordinaire. La plupart des factions affirment souhaiter que des élections anticipées aient lieu, mais la plupart voudraient terminer leur mandat », conclut Mohammad al-Waëli.

Après plus de cinq longs mois d’atermoiements, l’Irak s’est enfin doté d’un nouveau gouvernement, déjouant les pronostics qui pariaient sur un énième échec. Depuis la démission de l’ancien Premier ministre Adel Abdel Mahdi à la fin du mois de novembre 2019, les visages se sont succédé pour reprendre la fonction. Autant d’options qui ont, à chaque fois, abouti à un échec....

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3ALA DAL3ONA... MA RA7 TCHOUFOUNA LA ENNOU NEYETNA MAL3ONA !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 08, le 08 mai 2020

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Commentaires (1)

  • 3ALA DAL3ONA... MA RA7 TCHOUFOUNA LA ENNOU NEYETNA MAL3ONA !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 08, le 08 mai 2020

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