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Société - Reportage

La reprise oui, mais à quel prix ? demandent les commerçants

Nombreux sont ceux qui ne supportent plus d’être confinés dans leurs petits appartements, mais ils savent que le retour à la normale prendra du temps.

Chez le coiffeur pour hommes, la proximité est inévitable. Photo João Sousa

La seconde étape de la levée progressive du confinement a pris l’allure d’une journée test, hier au Liban, pour les promeneurs, les restaurateurs, les coiffeurs pour hommes et les concessionnaires de voitures, tant sur le plan des mesures barrières de protection contre le coronavirus que sur le plan économique. Après plus d’un mois et demi de fermeture liée à la pandémie de Covid-19 et l’effondrement continu de la valeur de la livre libanaise sur le marché parallèle, les acteurs économiques n’ont qu’une hâte : rouvrir. Mais sous quelle forme et à quel prix ? se demandent les commerçants.

Besoin de se dégourdir les jambes

Le front de mer de Raouché s’animait progressivement en ce lundi qui marque une nouvelle étape de la levée du confinement. Désormais, la promenade et le jogging sont autorisés entre 5h et 19h, à condition de porter un masque couvrant le nez et la bouche et de respecter la distanciation physique. Mais en ce premier jour de reprise de l’activité pour nombre de professions, les promeneurs ne sont pas nombreux. Il faut dire que le soleil tape fort en milieu de journée. Et le jeûne du ramadan est peu propice aux activités physiques. Un contexte qui fait l’affaire des familles, équipées de vélos et de trottinettes, qui encouragent leurs enfants à se dégourdir les jambes, sans la moindre mesure de protection. « Cela fait si longtemps qu’ils sont enfermés dans l’appartement, je suis contente qu’ils se défoulent. Nous avons d’ailleurs tous besoin de respirer un peu d’air pur », soupire Nisrine, une mère de famille, qui surveille ses trois enfants. Face à la mer, des pêcheurs s’adonnent à leur loisir favori, alors que joggeurs, marcheurs et promeneurs s’en donnent à cœur joie. Comme partout ailleurs, le port du masque est aléatoire. « Le corona, c’est de l’histoire ancienne ! » lance Ali, un jeune Beyrouthin qui flâne sur la corniche avec un ami, sans masque. « Nous, les jeunes, aimons sortir, sans contraintes. Hier, j’étais dans la Békaa. Aujourd’hui, je viens écouter de la musique face à la mer », dit-il. « C’est si agréable aujourd’hui, comparé à dimanche où la corniche était noire de monde », se réjouit de son côté Rima, une joggeuse. « Je ne prends aucun risque. J’ai respecté le confinement à la lettre et me suis juste autorisé la marche en solo, souligne-t-elle. Mais aujourd’hui, vu que nous sommes si peu nombreux, autant en profiter en toute liberté. Sait-on jamais, nous pourrions être contraints de nous confiner une nouvelle fois, en cas de nouvelle vague de la pandémie. » À mesure que les heures passent, les promeneurs affluent. Et juste avant 19h, l’intervention de la police sera nécessaire pour convier les promeneurs à rentrer chez eux.


« Attendez d’être installés » : les nouvelles règles de la restauration au Liban. Photo João Sousa)

La grande souffrance du marché automobile

Place aux choses sérieuses. Chez un concessionnaire de voitures neuves Suzuki, à Jdeidé, qui a l’autorisation d’ouvrir ses portes de 8h à 17h, la direction a adopté les mesures d’hygiène et de distanciation nécessaires. Les employés ont l’obligation de respecter les mesures barrières (usage du gel hydroalcoolique, port du masque, distanciation physique) et viennent travailler par roulement, en fonction des mesures de circulation alternée imposées par les autorités. La clientèle elle, encore timide, peine à se conformer et doit être rappelée à l’ordre pour le port du masque notamment. Mais ce n’est pas ce dont se soucie le concessionnaire, Nabil Bazerji. « La vente de voitures ne draine pas foule, il nous sera facile de prévenir la contamination », assure-t-il. Ce qui l’inquiète en revanche, c’est « la grande souffrance du marché de l’automobile au Liban », plombé par une crise économico-financière sans précédent, qui « tourne désormais à 30 % » et « risque l’extinction ». « Outre la baisse drastique des ventes, nous sommes face à l’impossibilité de transférer des devises pour importer de nouveaux véhicules, déplore M. Bazerji, sans compter qu’avec la dépréciation continue de la monnaie locale, nous fonctionnons à perte et n’arrivons pas à pratiquer une politique de prix décente ». Résultat, « l’entreprise n’a d’autre choix que de couper les coûts, fermer des points de vente, licencier du personnel et réduire les salaires de ses employés qui ne travaillent pas à plein temps », regrette-t-il.

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Dans son petit salon de coiffure d’Achrafieh, Jacques n’a pas un moment à lui. Depuis 7h, il coupe, rase et tond les cheveux et barbes de sa clientèle, au rythme d’un client tous les quarts d’heure. Il en sera ainsi tous les lundis, mardis et mercredis, jusqu’à la fin de la mobilisation générale. « J’ai déjà reçu une vingtaine de clients sur rendez-vous depuis ce matin, dit-il. Et je ne m’arrêterai pas avant le soir. » Car après avoir fermé son salon à 17h, il ira coiffer sa clientèle à domicile, celle qui ne peut pas se déplacer ou qui est trop prise par ses occupations professionnelles. La bouche recouverte d’un masque, le coiffeur dit ne pas craindre le virus : « Les médecins qui me confient leur tête ne sont pas inquiets outre mesure. Pourquoi le serais-je ? » demande-t-il. Idem pour sa clientèle qui, elle, ne porte aucune protection. « À la grâce de Dieu », répond un client qui vient tout droit de Sabtieh. « C’est mon coiffeur depuis toujours. S’il lui arrive quelque chose, je subirai le même sort », dit-il avec affection. Jacques est ce qu’on appelle un ancien, 52 ans de métier, des relations à la pelle et des enfants financièrement indépendants. « Je travaille pour passer le temps, affirme-t-il. Et même en plein confinement, je n’ai pas arrêté d’aller chez les clients. » La dépréciation de la livre face au dollar, la hausse des prix et toute cette crise financière ne le privent pas de sa bonne humeur. « Je m’en fiche de l’argent. Ma clientèle vaut tout l’argent du monde », lance-t-il. C’est la raison pour laquelle il a maintenu le prix de la coupe de cheveux à 10 000 LL. « C’est le tarif pour les habitués », précise-t-il, ajoutant que les plus nantis lui versent entre 30 000 et 40 000 LL.

Les restos à 30 % de leurs capacités

La rue principale de Badaro est bordée de voitures. Il est 14h, mais l’animation des beaux jours a laissé la place à une quiétude inhabituelle. Malgré la reprise progressive, les restaurants sont encore peu fréquentés, vides ou fermés pour certains. À la terrasse du restaurant Onno, un couple est pourtant attablé devant des spécialités arméniennes de la maison. Un autre se prépare à s’installer, mais doit au préalable se plier aux mesures d’hygiène obligatoires : désinfection des chaussures, prise de température, gel hydroalcoolique pour les mains et désinfectant pour les vêtements. « Nous ne laissons rien au hasard. Nos tables sont espacées et désinfectées. Nos menus sont jetables et nos employés respectent les mesures à la lettre », explique Élie Nicolas, directeur des opérations de l’enseigne. Depuis le matin, six tables ont été servies et sept commandes envoyées à domicile. Mais pour le responsable, cette première journée d’ouverture fait office de « test ». Non seulement pour prendre le pouls du déconfinement, mais aussi sur le plan financier. « Nous n’avons pas augmenté nos prix, malgré la dépréciation de la livre, précise M. Nicolas. Et comme nous n’accueillons la clientèle qu’à 30 % de notre capacité, nous sommes conscients de fonctionner à perte. » À une centaine de mètres de là, un groupe de jeunes habitués attablés devant une bière à la terrasse du snack Roy’s mettent un peu d’animation dans le quartier. « C’était notre lieu de rencontre. Et le coronavirus nous en a privés », regrette Ramzi, patron d’une maison d’hôtes. Même s’ils sont conscients qu’un retour à la normale prendra du temps, ils ne supportent tout simplement plus d’être confinés dans leurs petits appartements… Comme la plupart des gens.

La seconde étape de la levée progressive du confinement a pris l’allure d’une journée test, hier au Liban, pour les promeneurs, les restaurateurs, les coiffeurs pour hommes et les concessionnaires de voitures, tant sur le plan des mesures barrières de protection contre le coronavirus que sur le plan économique. Après plus d’un mois et demi de fermeture liée à la pandémie de...

commentaires (2)

LA REPRISE DE PLUSIEURS SECTEURS N,EST PAS FACILE AVEC LA DISTANCIATION. LE PORT DU MASQUE A LUI SEUL EST UNE PREVENTION MAIS NON UNE GARANTIE OU CERTITUDE D,EVITER L,INFECTION. MAIS LA VIE DOIT REPRENDRE COUTE QUE COUTE !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 39, le 05 mai 2020

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Commentaires (2)

  • LA REPRISE DE PLUSIEURS SECTEURS N,EST PAS FACILE AVEC LA DISTANCIATION. LE PORT DU MASQUE A LUI SEUL EST UNE PREVENTION MAIS NON UNE GARANTIE OU CERTITUDE D,EVITER L,INFECTION. MAIS LA VIE DOIT REPRENDRE COUTE QUE COUTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 39, le 05 mai 2020

  • Respecter les droits des commerçants, certes, mais plus encore ceux des consommateurs. Le pouvoir doit exercer un contrôle des pris. Chez la plupart des petits commerçants (ceux de plus de 100m2 n'ayant pas le droit d'ouvrir), les prix doublent chaque semaine..

    Yves Prevost

    07 h 40, le 05 mai 2020

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