Le président libanais, Michel Aoun, a critiqué le fait que certaines formations politiques préfèrent "marquer des points au niveau politique" plutôt que d’œuvrer à résoudre la crise économique et financière que traverse le Liban depuis des mois. Ces déclarations du chef de l'Etat, faites à l'agence russe Sputnik dans le cadre d'une longue interview dont des extraits sont publiés depuis samedi, interviennent deux jours avant une réunion devant rassembler à Baabda les chefs des différents blocs parlementaires afin de leur présenter le plan de redressement approuvé jeudi par l'exécutif. Certaines formations, comme le courant du Futur de l'ancien Premier ministre Saad Hariri, ont annoncé ces derniers jours leur intention de boycotter cette réunion.
"La crise actuelle que connaît le Liban a trois aspects, qui ont tous des retombées catastrophiques sur la situation et qui sont venus s'ajouter aux politiques économiques erronées menées pendant une longue période, à la corruption au sein du pouvoir et à la mauvaise gestion administrative, qui ont fait que les citoyens ont perdu confiance en l'Etat", a affirmé M. Aoun à l'agence russe. Ces trois aspects sont, selon lui, "la crise causée par la présence massive de déplacés syriens", la crise économique que vit le pays depuis l'été, et la pandémie de coronavirus. Pour faire face à cette crise, le gouvernement actuel, "qui est composé de technocrates non-politisés" selon lui, est sur le point d'annoncer le contenu de son programme économique visant à éviter l'effondrement. Pour assurer une telle relance, le pays "a besoin du soutien de ses frères et amis", a-t-il ajouté, affirmant que la Russie "pourrait soutenir" ce plan financièrement, via des dépôts ou des prêts à long terme. "Nous avons besoin de travailler rapidement et d'être soutenus immédiatement parce que le peuple ne peut plus faire preuve de résilience", a-t-il souligné.
Le gouvernement libanais a paraphé vendredi une requête officielle qui sera envoyée au Fonds monétaire international (FMI) pour réclamer une aide financière, dans l'espoir de relancer l'économie au bord du naufrage dans un pays secoué par un violent regain de contestation sociale. Cette demande d'aide au FMI entre dans le cadre du plan de réformes approuvé jeudi par l'exécutif. Les autorités ne se sont toutefois pas exprimées sur le montant attendu du FMI ni sur les modalités de cette aide. Le Liban, qui a annoncé en mars être en défaut de paiement, croule sous une dette de 92 milliards de dollars, soit 170% du PIB, l'un des taux les plus élevés au monde. Selon des estimations officielles, 45% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces derniers mois, des dizaines de milliers de personnes ont perdu leur emploi ou vu leur salaire réduit. Le 17 octobre, dans ce contexte de crise, une révolte populaire sans précédent a éclaté, et depuis, des Libanais manifestent leur opposition au pouvoir de manière régulière à travers tout le territoire.
Michel Aoun a par ailleurs regretté que "certaines formations politiques ne s'intéressent pas au sauvetage du pays mais veulent seulement marquer des points au niveau politique", ce qui explique les critiques lancées à l'égard du plan de relance. "C'est désolant parce qu'aujourd'hui nous avons besoin de solidarité. Nous sommes tous dans le même bateau, les gens sont prêts à exploser et une explosion sociale porterait atteinte à toutes les formations politiques et risque de menacer la stabilité du pays", a-t-il ajouté.
Dans des propos tirés de ce même entretien, et qui avaient été publiés samedi sur Sputnik, le président libanais avait assuré qu'il ne permettrait pas que la situation sécuritaire au Liban se dégrade, soulignant que les changements attendus par la rue "ne pouvaient être réalisés en un jour".
La "malveillance" de la communauté internationale
Concernant la crise des réfugiés syriens, le chef de l'Etat a réitéré ses critiques à l'adresse de la communauté internationale qui "fait la sourde oreille" aux appels lancés par le Liban à ce sujet et agit "avec malveillance" pour que "la bombe à retardement" que représentent les réfugiés "reste dans les pays voisins de la Syrie". "Si la communauté internationale avait rempli ses obligations, nous ne serions pas dans la situation difficile dans laquelle nous sommes actuellement, a affirmé le président Aoun. Le retour des déplacés dépend d'une décision internationale et non pas d'une possible visite en Syrie". Il a dans ce cadre souligné "être en contact" avec Moscou, notamment en ce qui concerne l'initiative russe pour le retour des réfugiés qui a "malheureusement rencontré des obstacles internationaux qui ont empêché sa mise en œuvre, ce qui a provoqué la détérioration de la situation au Liban".
En ce qui concerne la lutte contre la pandémie de Covid-19, le président Aoun a indiqué être "ouvert à toute aide éventuelle" provenant de Russie, "surtout du point de vue de l'augmentation de notre stock de tests PCR qui nous permettraient de faire des dépistages aléatoires". "Jusqu'à présent, nous continuons à maîtriser l'épidémie", a-t-il souligné.
Interrogé par ailleurs sur les velléités de l'ancien ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, son gendre, de briguer la présidence à la fin du mandat, le chef de l'Etat a affirmé qu'"il revient aux députés d'élire le président". "Toutes les batailles concernant la future présidentielle sont uniquement lancées par d'autres formations politiques pour attiser les conflits", a-t-il relevé.
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Et le nom de ces certains qui veulent seulement marquer des points et non sauver le pays commence par Aoun, Nasrallah, Bassil et Berry. Il faut aller jusqu’au bout de ses idées MONSIEUR LE PRÉSIDENT.
Sissi zayyat
12 h 39, le 05 mai 2020