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Société - Sécurité alimentaire

Pour le représentant de la FAO au Liban, il est essentiel aujourd'hui de soutenir les agriculteurs

Il n’y a pas encore de pénurie visible sur les marchés, à part certains retards de livraison, mais pour Maurice Saadé, le problème majeur du Liban reste l’inflation.

A un moment où le Liban aurait eu besoin d’une augmentation de la production, les agriculteurs sont en grave difficulté et leur production baisse. Photo d'archives AFP

Dans un monde ultra-connecté du fait de la globalisation, le confinement et la fermeture des frontières, imposés par la lutte contre la propagation du Covid-19, ont mis à mal la filière agroalimentaire mondiale. Une situation qui peut susciter des craintes dans plusieurs pays, à commencer par ceux qui, comme le Liban, dépendent énormément de l’importation des denrées alimentaires. Risque-t-on réellement une pénurie de denrées alimentaires au Liban? Pour Maurice Saadé, représentant de la FAO au Liban, le risque principal est ailleurs et il est indispensable de soutenir les agriculteurs.

« Le système global est inévitablement fragilisé par une telle pandémie, mais il n’est pas pour autant en train de s’effondrer, déclare-t-il d’emblée. La FAO et d’autres organisations surveillent de près la situation. Nous avons un système d’alerte en cas de brusque hausse des prix, ou si un pays donné se met à imposer des restrictions sur ses exportations, ce qui peut en affecter d’autres. »

Et si la crise se prolonge ? « Nous ne savons pas quel sera l’impact d’un prolongement de la crise, mais pour l’instant, le système tient bon étant donné qu’en cas de retards dans les livraisons d’un pays, un autre peut encore combler les lacunes, répond-il. On ne sera vraiment inquiets qu’en cas d’effondrement du système sur une large échelle. Pour le moment, notre principal souci est l’impact socio-économique de cette crise du coronavirus sur les pays pauvres. Toutes les prévisions font état d’une récession majeure de l’économie mondiale, ce qui signifie davantage de chômage, une pauvreté grandissante… Les plus vulnérables sont les pays d’Afrique sub-saharienne. »

M. Saadé est convaincu que cette crise, comme les précédentes, poussera les pays à modifier leurs politiques en vue de plus d’adaptabilité, mais il souligne qu’il est encore tôt pour en prévoir la teneur, étant donné « qu’il existe encore beaucoup d’inconnues au sujet de ce nouveau virus ».


Deux crises plutôt qu’une

Le représentant de la FAO énumère trois ou quatre recommandations principales, la première portant sur la protection des plus démunis et leur accès aux denrées essentielles à des prix abordables, et la seconde étant la création de filets de sécurité pour les populations atteintes par le chômage et la pauvreté. « Nous préconisons également que les pays ne provoquent pas d’interruption injustifiée dans le commerce mondial et qu’ils essayent, autant que possible, d’augmenter leur propre production alimentaire, poursuit-il. Ainsi, en cas de perturbation du commerce mondial ou de soudaine hausse des prix, la production interne pourra combler certaines lacunes. »


Maurice Saadé, représentant de la FAO au Liban. Photo FAOR


On peut aisément deviner qu’une telle crise mondiale affecte surtout les pays qui comptent principalement sur l’importation. « Le Liban importe près de 85% de ses denrées alimentaires, rappelle M. Saadé. Or dans ce pays, la crise du coronavirus s’accompagne d’une profonde crise économique et financière, et il est très difficile de distinguer l’une de l’autre. Même s’il n’y a pas encore de pénurie visible sur les marchés, à part certains retards de livraison, le problème majeur du Liban reste l’inflation due à l'évolution du taux de change (sur le marché secondaire) et à certaines perturbations dans l’importation dues au contrôle des capitaux. Et cela a commencé en novembre. »


Pour l’agriculture, une occasion ratée ?

Le plus grave, estime cependant M. Saadé, est l’impact sur l’agriculture. Les agriculteurs, en effet, comptent sur des produits de base importés – graines, pesticides, engrais… Or les importateurs sont en difficulté, les prix sont en hausse, parfois de 30 à 40%, et la production agricole est en baisse. De plus, ces fournisseurs, qui acceptaient auparavant de vendre à crédit et patientaient jusqu’à la fin de la saison, doivent désormais imposer à l’agriculteur de régler en espèces et en dollars, étant eux-mêmes endettés auprès des banques. « C’est tout un système qui s’effondre », martèle. M. Saadé.

« Cette situation nous préoccupe particulièrement car les agriculteurs libanais auraient eu l’opportunité de combler certaines lacunes au niveau de l’importation, tout en contribuant à combattre l’inflation des prix puisqu’ils offrent une alternative locale au consommateur, déplore-t-il. Malgré le manque de chiffres, on estime que 2020 verra une baisse de 20 à 30% de la production agricole, à un moment où nous avons besoin d’une production plus abondante. Si en 2021 les restrictions sur les importations demeurent inchangées, la situation va empirer. Jusqu'à présent, les agriculteurs ont pu compter sur leurs stocks. Ce serait dommage parce qu’avec la dévaluation de facto de la livre, la production agricole libanaise aurait pu devenir plus compétitive, notamment à l’exportation. »

Pour aider les agriculteurs et les sociétés d’importation, M. Saadé recommande d’ouvrir une ligne de crédit au niveau de la Banque centrale et de rééchelonner la dette des entreprises auprès des banques, tout en reconnaissant que « ces solutions ont un coût ».


Se lancer dans l’agriculture… sans négliger les professionnels

Et d'ajouter : « La FAO s’apprête à lancer avec le gouvernement un projet pilote qui consistera à distribuer des bons aux agriculteurs afin de leur permettre d’acheter les produits nécessaires. Nous ciblerons les agriculteurs les plus vulnérables, en leur distribuant des bons et en remboursant nous-mêmes la marchandise au fournisseur. Le budget est encore limité, mais nous travaillerons avec les donateurs pour l’augmenter. Notre souci, c’est que les agriculteurs ne ratent pas la saison de plantation. »

M. Saadé voit toutefois, dans cette crise multiforme, un aspect positif. « Beaucoup d’entrepreneurs voient dans cette situation une opportunité et veulent se lancer dans l’agriculture, confie-t-il. De plus, en raison du confinement imposé par la propagation du coronavirus, nombreux sont ceux qui ont quitté les villes et regagné leurs villages. Ce retour pourrait être une opportunité de revitaliser l’économie rurale. Certains possèdent de petits terrains et pensent déjà les planter, voire lancer de petites exploitations agricoles, encouragés par la société civile. » « Toutefois, la priorité, selon nous, devrait être le soutien aux petits agriculteurs en difficulté, parce que ce sont les professionnels de la production agricole », ajoute-t-il.


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commentaires (3)

TOUT A BESOIN DE SOUTIEN DANS CET ATOLL CRABIEN.

MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

12 h 07, le 20 avril 2020

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Commentaires (3)

  • TOUT A BESOIN DE SOUTIEN DANS CET ATOLL CRABIEN.

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    12 h 07, le 20 avril 2020

  • Des paroles de bon sens, merci pour la terre.

    Christine KHALIL

    10 h 25, le 20 avril 2020

  • "... Certains possèdent de petits terrains et pensent déjà les planter, voire lancer de petites exploitations agricoles, encouragés par la société civile. ..." Si seulement il y avait une distribution décente d’eau pour pouvoir arroser en été. Mais même là, l’état (je n’arrive pas à l’écrire avec une majuscule) a failli. Pas d’eau... Dans le réservoir d’eau du Moyen-Orient... Comme le disait si bien Coluche, ils sont tellement nuls, que même si on leur donnait le désert, ils trouveraient le moyen d’acheter du sable ailleurs... Qui "ils"? Ben nous déjà, pour avoir voté pour eux. Nous sommes complices, pas victimes...

    Gros Gnon

    09 h 58, le 20 avril 2020

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