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Moyen-Orient - Moyen-Orient

En Irak, Téhéran et Washington font taire leurs tensions... pour l'instant

"Même s'il n'y a pas de tirs de roquettes, les Iraniens se repositionnent", décrypte Phillip Smyth, du Washington Institute for Near East Policy. "De leur côté, les troupes américaines sont retranchées et prennent la menace très au sérieux".

Des membres de la Défense civile irakienne désinfectant une rue contre le coronavirus dans le district de Tweirij situé entre Hilla et Karbala, dans le sud de l'Irak, le 16 avril 2020. Photo AFP / Mohammed SAWAF

Depuis des semaines les violences ont cessé entre Américains et Iraniens en Irak. Mais cette pause observée en pleine pandémie du nouveau coronavirus permet en fait aux deux ennemis de se mettre en ordre de bataille, préviennent experts et diplomates.

Après les dernières attaques à la roquette contre des installations américaines en mars en Irak, un plan d'ampleur a été dessiné à Washington prévoyant une centaine de frappes simultanées. Dans l'autre camp, des factions obscures se réclamant de l'axe iranien au Moyen-Orient ont appelé à des assassinats d'Américains.

"Même s'il n'y a pas de tirs de roquettes, les Iraniens se repositionnent", décrypte Phillip Smyth, du Washington Institute for Near East Policy. "De leur côté, les troupes américaines sont retranchées et prennent la menace très au sérieux", explique-t-il à l'AFP.

L'Iran et les Etats-Unis qui dirigent la coalition internationale antijihadistes, sont des puissances agissantes en Irak. Mais les relations irako-américaines sont au plus bas depuis que Washington a assassiné à Bagdad en janvier le puissant général iranien Kassem Soleimani et son lieutenant irakien.

Après une vingtaine d'attaques en six mois et la mort mi-mars de deux soldats américains et d'une soldate britannique, membres de la coalition, le Pentagone a imaginé la riposte la plus dévastatrice possible contre les brigades du Hezbollah, la faction irakienne pro-Iran accusée d'avoir mené cette attaque meurtrière. "Les Américains nous ont dit qu'ils frapperaient simultanément 122 cibles en Irak si plus de leurs ressortissants étaient tués", rapportait fin mars à l'AFP un haut responsable irakien.


(Lire aussi : En Irak, un 2e Premier ministre désigné jette l'éponge, le chef du renseignement lui succède)


Coalition reconfigurée

Les brigades du Hezbollah agissent en Irak sous l'ombrelle du Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires intégrés aux troupes régulières, et hors d'Irak comme des supplétifs de Téhéran ou du régime syrien. S'en prendre à ces brigades dans un pays qui ne cesse d'accuser Washington de violer sa souveraineté, et dont les députés ont voté l'expulsion des soldats américains, pourrait avoir des conséquences explosives, reconnaît même le chef -américain- de la coalition antijihadistes à Bagdad, le général Pat White. Ce dernier a écrit à son état-major en mars qu'il était "inquiet" que la réponse des pro-Iran ne mette "sérieusement" en danger la coalition, indique à l'AFP un gradé américain ayant lu ce rapport.

Les autres membres de la coalition, qui compte 75 pays outre les Etats-Unis, ont fait entendre leurs craintes que des attaques américaines ne soient contre-productives, selon deux diplomates de pays membres. Mais avec la pandémie de la maladie Covid-19, "la coalition telle que nous la connaissions n'existe plus", dit l'un d'eux. Ses 2.500 instructeurs toutes nationalités confondues sont partis d'Irak sans date de retour connue et les troupes restantes, presque toutes américaines, se sont regroupées dans une poignée de bases, dont deux désormais protégées par des batteries antiaériennes Patriot envoyées par Washington.

Face à ces départs, les paramilitaires pro-Iran ont soufflé le chaud et le froid. Les brigades du Hezbollah ont promis qu'il n'y aurait "aucun mort si ces forces se retirent entièrement". Mais le chef des députés du Hachd a ensuite accusé les Américains de "ne pas être sérieux" et de chercher à "redéployer leurs troupes pour mieux les protéger" du coronavirus ou des roquettes.


(Lire aussi : L’État irakien au bord de l’effondrement)



"Avec ou contre nous?"

Dans le même temps, de nouveaux acteurs, obscurs, sont apparus, que diplomates, experts et gradés voient comme de simples faux-nez des pro-Iran en Irak. Une "Ligue des révolutionnaires" a revendiqué des tirs de roquettes et diffusé des images de drone des sites de l'ambassade américaine à Bagdad et de la base aérienne d'Aïn al-Assad, dont le survol est interdit. Une autre brigade se présentant comme faisant partie de "l'axe de la résistance" -les alliés de Téhéran au Moyen-Orient- a appelé à assassiner les ambassadeurs britannique et américain.

Dans ce contexte tendu, les Etats-Unis vont envoyer en juin une délégation en Irak pour renégocier relations militaires et économiques. D'ici là, un gouvernement pourrait être nommé, après cinq mois de vacance, dirigé par le chef du renseignement Moustafa al-Kazimi, ayant ses entrées tant à Washington qu'à Téhéran ou à Ryad. Mais si M. Kazimi échouait, prévient un diplomate occidental, Washington pourrait considérer Bagdad comme définitivement "hostile et pro-Iran", ce qui entraînerait des sanctions. "C'est une relation en dents de scie et elle ne devrait pas l'être", plaide un haut responsable irakien. Pourtant, estime Renad Mansour, chercheur au Chatham House, les Etats-Unis continuent de dire à l'Irak: "'soit vous êtes avec nous soit vous êtes contre nous'".


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