Abandonnés, parfois même empoisonnés, les animaux domestiques font également les frais du coronavirus

C’est le branle-bas de combat pour les ONG de défense des animaux, mais aussi les vétérinaires, qui doivent gérer la panique créée par les rumeurs de transmission du coronavirus des animaux aux hommes, avec des conséquences dramatiques. « Les gens ont maintenant peur de nourrir les chats dans la rue et l’abandon d’animaux domestiques a augmenté de manière spectaculaire. C’est particulièrement triste parce que les animaux domestiques ne peuvent pas survivre par eux-mêmes quand ils ont été habitués à un foyer, » explique Sevine Fakhoury, membre de l’ONG BETA pour la protection animale.

Et la peur des propriétaires peut mener parfois à des décisions monstrueuses : « Quand ils ne les abandonnent pas, des propriétaires abattent parfois à bout portant leur chien d’une balle dans la tête », dit Sevine Fakhoury. Dans certaines municipalités, des habitants ont aussi déposé de la viande empoisonnée dans les rues, tuant plusieurs chiens.

« Aucune ONG n’est préparée à tant d’abandons », s’alarme Sevine Fakhoury. « BETA essaie de répondre à la situation au jour le jour, mais aussi de contacter les autorités compétentes pour la mise en place d’un plan de crise, d’autant plus que les chiffres risquent encore d’augmenter fortement », indique la jeune femme contactée au téléphone par L’Orient-Le Jour.

La diffusion la semaine dernière d’une information sur un chat supposément contaminé par son maître au Covid-19 en Belgique, et la cascade de fake news qui a suivi, a fait empirer les choses. L’ONG Animals Lebanon a quant à elle décidé, en plus de sensibiliser et d’informer les propriétaires d’animaux sur les risques réels, de s’adresser directement aux municipalités dans un communiqué déplorant que les animaux errants soient molestés par les agents municipaux. L’ONG affirme aussi que les mesures de restriction de déplacements des animaux domestiques prises par certaines municipalités, en plus d’être inutiles, démobilisent des agents de la lutte réelle contre le coronavirus. Animals Lebanon rappelle aussi l’existence de la loi de 2017 sur la protection animale, qui sanctionne l’abandon ou le meurtre d’animaux, et encourage les municipalités à la faire appliquer.

« Est-ce qu’on abandonnerait sa famille ? »

Depuis quelques jours, les vétérinaires sont aussi beaucoup sollicités en devenant les intermédiaires privilégiés des propriétaires d’animaux domestiques inquiets. « Dans ma clinique vétérinaire, comme dans beaucoup d’autres, de plus en plus de gens nous posent des questions sur la propagation du virus par les animaux », explique Michel Salamé, vétérinaire à Hazmieh.

Selon lui, « il n’y a absolument aucune preuve que les animaux puissent transmettre le virus et contaminer leurs maîtres. C’est notre rôle de l’expliquer aux clients ». « Nous ne sommes pas des chercheurs mais des praticiens. Donc quand les propriétaires appellent, on leur explique les conclusions sur le Covid-19 des spécialistes de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) », dit-il. D’ailleurs, l’ordre des vétérinaires au Liban a publié un communiqué dans lequel il dément que le virus puisse se transmettre de l’animal à l’homme.

Rahif, un jeune Beyrouthin qui s’occupe d’un vieux boxer, s’offusque de telles attitudes. « Est-ce que l’on abandonnerait sa famille ou ses enfants ? » demande-t-il. D’autant que pour sa colocataire Laura, « avoir un animal de compagnie est forcément bénéfique en période de confinement car les animaux permettent de combattre la solitude. En plus, s’occuper d’eux, les balader ou les nourrir nous force à garder une routine saine ».

Sur Twitter, l’Organisation mondiale de la santé au Liban avait aussi tenu dès dimanche à réagir via les réseaux sociaux pour limiter les dégâts, en relayant une vidéo d’une secouriste de la Croix-Rouge libanaise soulignant qu’il n’y a aucune preuve scientifique que les animaux domestiques transmettent le coronavirus.

La vidéo rappelle aussi que la seule façon de nettoyer son animal après qu’il fut sorti est de savonner ses pattes, pour éviter, comme cela a pu être observé, que des animaux se retrouvent en coma éthylique après avoir été nettoyés au gel hydroalcoolique et s’être léché les poils.

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