L’affaire du chauffeur de taxi-service qui a mis le feu à son véhicule, au niveau de la Cité sportive, à la sortie sud de Beyrouth, après avoir été verbalisé par la police pour non-respect des mesures de confinement, a résonné hier comme un signal d’alarme. Ce geste motivé par le désespoir montre toute l’étendue de la catastrophe sociale qui risque de faire surface parallèlement à l’épidémie de coronavirus, si rien n’est fait pour venir en aide aux familles et aux individus les plus démunis.
C’est ce que le président du syndicat des chauffeurs de taxi, Chadi el-Sayyed, a d’ailleurs mis en relief en commentant l’incident. « Il est temps que l’État comprenne que ses mesures (…) seront la cause de tragédies, catastrophes et beaucoup de chagrins à venir. Un chauffeur de taxi peut se priver de nourriture, mais il ne peut pas en priver sa famille et ses enfants », a-t-il averti, alors que plusieurs hommes politiques avaient mis en garde au cours des derniers jours contre l’impact des mesures de confinement sur la frange la plus vulnérable économiquement de la population.
Le geste désespéré du chauffeur a semble-t-il eu pour effet de secouer les autorités. Les aides à fournir aux plus défavorisés ont été discutées en Conseil des ministres. « Il est de notre devoir de trouver un moyen d’aider les personnes dont le travail a été interrompu en raison du confinement, et de nous pencher sur leurs conditions sociales et de vie difficiles », a déclaré le chef du gouvernement Hassane Diab durant la réunion.
Il a exhorté les ministres, chacun au sein de son département, à faire le nécessaire pour « suspendre les paiements à l’échéance et reporter le paiement des droits et taxes liés à l’électricité, l’eau, la téléphonie, la caisse de Sécurité sociale, la mécanique et les taxes judiciaires ». Le Conseil des ministres a ensuite approuvé un projet de loi revêtu du caractère d’urgence pour la non-imposition de la TVA pour une période de six mois, sur les dons en faveur des administrations publiques, institutions et municipalités, fournis par des parties libanaises ; un autre visant à suspendre certaines dispositions de l’article 32 de la loi de finances 2020, permettant à toutes les institutions publiques, municipalités, fédérations de municipalités, conseils, fonds, professions indépendantes et personnes de droit public de financer ou de contribuer au financement, en espèces ou en nature, de tout organisme public ou privé, à condition que cet argent soit exclusivement consacré aux aides sanitaires ou alimentaires à la population.
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Le Conseil des ministres a décidé de réduire, à titre exceptionnel et pour une durée limitée, les tarifs des heures internationales, locales et supplémentaires exigées par les fournisseurs d’accès à l’internet, ainsi que des opérateurs DSP et ISP, après consultation du Conseil d’État. Il compte en outre prolonger jusqu’au 3 juin les formalités de paiement à la Caisse nationale de Sécurité sociale.
Le gouvernement a également discuté des moyens de fournir une aide en nature ou matérielle aux étudiants libanais à l’étranger.
Quelques heures, plus tard, le ministre des Affaires sociales, Ramzi Moucharrafieh, devait présider une réunion du comité technique chargé du suivi des questions urgentes liées aux affaires sociales, en présence de sa collègue du Travail Lamia Yammine et du directeur du Haut Conseil des secours, le général Mohammad Kheir, pour examiner le plan national d’assistance aux familles les plus pauvres. Ce plan sera de nouveau examiné durant la réunion que le ministre tiendra ce matin en son bureau, avec les membres de la commission parlementaire de la Santé, que préside le député Assem Araji. M. Moucharrafieh a expliqué que ce plan consiste à donner une caisse alimentaire et une autre de produits d’hygiène et de désinfection aux familles les plus pauvres et à mettre en place des « facilités financières, pour aider les Libanais à surmonter cette crise », mais sans plus de détails. Il a indiqué que ce plan d’intervention urgente a été établi « après plusieurs réunions avec les ministères de l’Industrie, de l’Agriculture, de la Défense, de l’Intérieur et des Municipalités, du Travail, de l’Économie et du Commerce, des Finances et de l’Information ».
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Aide financière directe
Le Conseil économique et social a pour sa part préconisé une aide financière directe aux plus démunis. Dans un « avis urgent » qu’il a rendu hier, le CES a appelé le gouvernement à fournir d’urgence une aide financière directe aux familles les plus pauvres, pour une durée de trois mois, leur permettant de la sorte de subvenir à leurs besoins essentiels. Cela, étant entendu que le montant mensuel alloué serait de 500 000 LL par famille, versé en espèces ou sous forme de ticket de rationnement. Les municipalités pourraient être chargées de la distribution sur le terrain, en raison de leur contact direct avec les citoyens. L’avis a été rendu à la majorité des deux tiers des membres.Dans le respect des règles de l’état d’urgence sanitaire pour lutter contre la propagation du coronavirus, le bureau du CES et son assemblée générale se sont concertés en vidéoconférence.
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commentaires (6)
Qu'attendent les membres de notre gouvernement actuel pour enfin agir en toute urgence pour aider ces malheureux, victimes des criminels précédents qui prétendaient diriger notre pays ? Nous avons aussi la chance, paraît-il, d'avoir une "résistance intelligente et adaptée"...pourquoi n'utilise-t-elle pas ces qualités remarquables en ces moments si difficiles pour les plus défavorisés, dont beaucoup vivent dans les quartiers contrôlés par ses responsables, qui manient à longueur de journée les formules religieuses citant la miséricorde de DIEU ? Irène Saïd
Irene Said
14 h 36, le 25 mars 2020