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Culture - Festival al-Bustan

« Impossible de continuer, par responsabilité civique aussi »

La prestigieuse manifestation, qui devait se dérouler du 18 février jusqu’au 22 mars, s’est arrêtée après le concert du 6 mars pour cause d’épidémie de coronavirus. Laura Lahoud, vice-présidente du festival, explique avec tristesse le défi et le combat acharné réalisés.

Laura Lahoud, vice-présidente du Festival al-Bustan. Photo DR

C’est un programme faste que proposait le Festival al-Bustan (du 18 février au 22 mars) pour sa 27e édition en hommage à Beethoven. Étaient prévues quinze performances, toutes à guichet fermé, et de grands artistes enthousiastes et heureux de venir ou de revenir au Liban. Une salle toujours comble et de la joie à partager malgré tout ce qui arrivait dans le pays. Jusqu’au jour où, après le concert du 6 mars, la présidente Myrna Boustani et le comité arrêtent le programme, une décision confortée par le décret du ministère du Tourisme du 9 mars 2020 suspendant toutes les activités musicales et culturelles au Liban afin de limiter la propagation du coronavirus. Le festival – avec à sa tête Myrna Boustani, connue pour sa témérité et sa passion pour la musique qu’elle a communiquées à tout le comité ainsi qu’aux spectateurs assidus – a dû surmonter, comme chaque année, beaucoup d’obstacles pour continuer. Mais cette année, les difficultés étaient d’ordre différent. « Dès le début, explique Laura Lahoud, vice-présidente du festival, on nous traitait de fous quand nous disions que le festival serait prêt dès le 18 février pour célébrer l’année Beethoven. Les manifestants étaient encore dans la rue, les routes coupées et certains soirs témoignaient de violences. Par ailleurs, la situation économique était désastreuse et on se demandait comment les gens iraient à un concert de musique alors qu’ils faisaient la file devant les banques. » « Nous avons quand même persévéré, poursuit-elle, mais comme nous comprenions les demandes de la rue, nous avons trouvé cette formule, de trente mille livres le billet, adéquate. » Le festival était-il ainsi parti perdant ? « C’était, je le reconnais, dès le départ, un suicide. Car bien que les salles étaient tous les jours remplies, nous n’arrivions pas à couvrir les frais. Mais à quoi ça sert de faire un concert s’il n’y a personne dans la salle ? Le but de ce festival étant de partager de la belle musique et de grands moments avec le public et avec les autres. Il fallait faire de sorte que chaque personne puisse assister aux concerts, et puis à nous de nous débrouiller pour la suite. » Le festival suivait sa vitesse de croisière, « malgré d’énormes difficultés », raconte Laura Lahoud. « Un jour, la chorale qui venait d’Italie (pays fortement touché par l’épidémie) a dû être remplacée par celle de la NDU. Un autre soir, la représentation de la Missa Solemnis a été remplacée par une seconde performance de la 9e symphonie parce qu’aucune chorale libanaise ne l’avait à son programme. Les organisateurs avaient toujours un plan B et ne cédaient pas au désespoir. »


(Lire aussi : Crise économique, coronavirus... les coups durs s’enchaînent pour le secteur culturel)


Témérité et passion
Ce festival devait continuer coûte que coûte. Le vendredi 6 mars, la situation s’envenimait et la rumeur enflait comme quoi le pays devait s’attendre à un arrêt des rassemblements culturels et autres pour endiguer la propagation du coronavirus. « Nous nous sommes réunis et nous avons décidé de garder la seconde performance de la Camerata de Salzbourg, avec au programme La Symphonie pastorale. Il nous restait six concerts, dit Laura Lahoud. Du point de vue musical et logistique, tout était prêt et garanti. Même l’hôtel et l’auditorium ont été désinfectés. Mais après le décret ministériel, il était impossible de continuer. Pour deux raisons : c’était illégal de le faire, mais aussi par responsabilité civique. L’idée qu’on puisse risquer des contaminations était impensable. Il fallait trancher. C’est ce qu’a fait le festival. Même les musiciens étaient tristes car ils croyaient jusqu’à présent que le Liban était épargné. »

« Certes, il y avait la totalité du programme qui était fantastique, affirme Laura Lahoud. Rares sont les festivals qui affichent à la fois les 9 symphonies, les 5 concertos, l’intégrale des sonates pour violon et violoncelle de Beethoven. Nous nous enorgueillissions de la présence des deux frères Capuçon, de Kit Armstrong et de tant d’autres. Il y avait également la joie, la satisfaction de s’être battu tous les jours pour offrir le meilleur au public. Mais que faire ? Le risque d’une contamination était trop grand. »

Laura Lahoud se veut confiante en l’avenir : « Nous savons que d’autres occasions vont se présenter et que nous continuerons à nous battre pour la musique et la culture. D’ailleurs, nous préparons déjà 2021 et 2022. » Elle ajoute : « Nous avons par ailleurs ressenti un élan incroyable de la part des gens dont un grand nombre ne demande pas à être remboursé, par solidarité avec le festival. »

Toujours en hommage à Beethoven, le festival a par ailleurs collaboré cette année avec la communauté malentendante.

Le public retiendra quelques moments forts du festival lorsque les élèves de l’IRAP ont signé l’hymne national au concert d’ouverture et quand un groupe de jeunes, guidé par le danseur et chorégraphe sourd Pierre Geagea, a interprété la Symphonie pastorale à sa manière. Avoir offert à ces jeunes une occasion unique de se produire sur scène avec un ensemble prestigieux était un exploit de plus, qui s’affiche au palmarès du Festival al-Bustan.



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