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Culture - Festival al-Bustan

C’est finalement Egmont qui a clôturé la 27e édition

Retour, à travers les commentaires de la soprano Christina Gansch et du chef d’orchestre Jérémie Rhorer, sur un concert mémorable au Bustan, avant la décision du festival d’annuler les six représentations qui devaient se tenir entre le 11 et le 22 mars.

La soprano autrichienne Christina Gansch et la Camerata de Salzbourg. Photo Christopher Baaklini

Le Festival al-Bustan aura tout fait pour maintenir sa 27e édition dédiée à Ludwig Van Beethoven à l’occasion du 250e anniversaire de sa naissance. Bravant la crise financière sans précédent qui secoue le Liban et outrepassant les défis économiques en instaurant par exemple des billets à moindre coût, le festival a accueilli plusieurs artistes locaux et internationaux – dont les frères Renaud et Gautier Capuçon, Abdel Rahman el-Bacha, Charlie Siem, Jérôme Ducros, Kit Armstrong, Gloria Campaner, Filipo Gorini – pour 9 soirées, entre le 18 février et le 6 mars. Mais suite au décret du ministère du Tourisme, publié le 9 mars et suspendant toutes les activités musicales et culturelles au Liban afin de limiter la propagation du Covid-19, la présidente et le comité du Festival al-Bustan ont décidé d’annuler les 6 derniers concerts du 11 au 22 mars.

Si les festivaliers regrettent l’annulation de ces concerts, et plus spécialement peut-être celui très attendu du 13 mars lors duquel l’Orchestre philharmonique libanais, dirigé par Gianluca Marciano et accompagné du chœur de l’USJ dirigé par Yasmina Sabbah, devait interpréter la 9e Symphonie de Beethoven, ceux qui ont assisté au dernier concert en date peuvent se consoler d’avoir au moins vécu de beaux moments lyriques.

Retour sur cette soirée à travers les commentaires de la soprano autrichienne Christina Gansch et du chef d’orchestre français Jérémie Rhorer.

Diplômée du Mozarteum de Salzbourg et de la Royal Academy of Music, Christina Gansch, lauréate du prix Kathleen Ferrier en 2014, a dévoilé lors de cette soirée mémorable toute l’amplitude de sa voix cristalline, accompagnée de la Camerata de Salzbourg, sous la baguette de maestro Jérémie Rhorer. Son interprétation de l’aria Hier schlummert seinen stillen frieden (Ici réside sa paix silencieuse), extraite de la Cantate pour la mort de l’empereur Joseph II, a été accueillie d’une salve d’applaudissements.

L’orchestre de la Camerata s’est alors attaqué à la plus célèbre des ouvertures de Beethoven, celle de la Egmont op. 84, avant l’entrée en scène de la soprano autrichienne pour la partie vocale de cette œuvre qui exalte les plus nobles sentiments humains : le courage, l’amour et le sacrifice. « Beethoven n’a écrit que quelques œuvres pour voix, dont Egmont qui fait partie des morceaux les plus populaires du génie de Bonn, dit Christina Gansch à L’Orient-Le Jour. Bien qu’elle renferme certains passages difficiles, cela m’a beaucoup réjouie de chanter cette pièce. » 

Lorsqu’on lui fait remarquer que l’ouverture d’Egmont est le plus souvent jouée seule, sans la partie vocale qui suit, la soprano répond : « Ce chef-d’œuvre est basé sur une pièce de théâtre écrite par Goethe, et donc son exécution dans son intégralité paraît plus logique et plus judicieuse, car il nécessite alors d’avoir recours au talent vocal d’une soprano. » Et de conclure : « Ce n’est que lorsque je suis montée sur scène que j’ai réalisé que j’étais face à un public qui n’avait probablement jamais entendu cette pièce. C’était une soirée très émotionnelle, et ces trois morceaux ont fait un programme très intéressant. Le public était fabuleux et j’espère qu’il a pris plaisir à les écouter. »


Servir la musique et ne pas s’en servir
« Je suis très sensible à la dramaturgie en musique, et je trouve que Beethoven est très sous-estimé de ce point de vue-là », note pour sa part le chef d’orchestre français Jérémie Rhorer. Commentant Egmont, il considère que cette composition « embrasse le caractère héroïque et humaniste de ce héros et nous fait vivre toutes les passions qui précèdent, malheureusement, son exécution. Le public est porté par un flux théâtral extrêmement cohérent et qui se développe jusqu’à la fin ». Rhorer tient toutefois à préciser que « ce qui est extrêmement touchant chez Beethoven, c’est que chez lui, un héros est un humaniste et non pas un guerrier ».

Quant à la Sixième symphonie de Beethoven, La Pastorale, Rhorer voit en elle « le rapport de l’homme à la nature, thème qui sera développé par de nombreux compositeurs au cours du XIXe siècle ». Et d’ajouter : « Ce qu’il y a de particulier dans la Pastorale, c’est le talent de peintre musical de Beethoven. Il était peut-être le premier à peindre les sons de la nature de cette manière. ». En effet, la description du maestro rejoint un commentaire d’Hector Berlioz voyant, en cette pièce, « un étonnant paysage qui semble avoir été composé par Poussin et dessiné par Michel-Ange ». Hormis le chant des oiseaux et l’orage, cette symphonie reproduit le son du ruisseau, « une espèce de flux liquide ininterrompu, qui pour moi est une grande invention musicale. Ravel s’est également amusé avec ce genre de sonorités dans sa deuxième suite de Daphnis et Chloé et ses Jeux d’eau ». Cette dernière a été accompagnée d’un magnifique tableau de danse, mêlant sensibilité et synchronisation, donné par des enfants sourds et malentendants de l’institut IRAP, conduits par le danseur chorégraphe Pierre Geagea.

Un dernier mot sous forme de conseil aux chefs d’orchestre ? « Le travail ! martèle Jérémie Rhorer. Il faut constamment remettre à jour ses connaissances car on n’est jamais au niveau des grands génies compositeurs. Il faut servir la musique et ne pas s’en servir ! »


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